Service minimum : une vraie fausse querelle ? 

Par François Jarraud



Devant le congrès des associations de parents PEEP, Xavier Darcos a annoncé le 3 mai la relance du service minimum dans les écoles à l'occasion de la grève du 15 mai. Une circulaire serait partie vers les recteurs le 23 avril. La mesure a immédiatement été commentée en termes contradictoires, l'UMP mobilisant ses élus, le maire de Paris annonçant au contraire son intention de ne pas y recourir. Le service minimum (SM) est-il  un simple outil de gestion ou une arme politique ?


Le service minimum existe bien en éducation. Il faut d'abord rappeler que les enseignants ne font pas grève contre les parents. Bien au contraire, ils ont besoin de leur soutien et savent parfois le gagner. Pour les enseignants aussi, c'est plus agréable d'aller manifester en sachant ses élèves en sécurité. La mesure (l'ouverture de l'établissement) existe d'ailleurs dans le secondaire sans difficultés. Son introduction au primaire supposerait juste un consensus sur le métier de directeur. Est-il introuvable ? Le ministre avait annoncé en janvier l'ouverture de discussions avec les syndicats. Selon eux, il ne les a jamais organisées. La mesure semble donc à portée de la main. Il faut beaucoup de maladresse ou d'enfermement idéologique pour en avoir fait un terrain d'affrontement.


Car cette mesure est récusée par les premiers intéressés, les communes. Celles-ci ré    cusent le système proposé par Darcos qui consiste à indemniser les villes pour qu'elles mettent en place le service minimum. En janvier dernier, l'Association des maires de France avait brocardé une mesure qui manifeste "une conception originale du service minimum par report de la responsabilité de l'Etat sur des acteurs étrangers aux conflits ayant conduit à la grève". L'Andev, qui regroupe les responsables éducatifs des grandes villes, estimait  le projet " tout à fait regrettable".  Pour Claudine Paillard, présidente de l'Andev, "en mettant à la charge des communes le service minimum, le MEN évite ainsi une difficile discussion avec les organisations syndicales d'enseignants,  qu'il reporte ainsi sur les communes".  L'Andev critique aussi la conception qu'a l'Etat du rôle éducatif des collectivités locales. "En mandatant les communes pour le faire à sa place, elle renvoie une fois de plus les communes à un rôle éducatif limité, essentiellement lié à la fonction de garderie, de service à la famille". Sur 22 492 communes possédant au moins une école, seulement 1750 avaient signé, en janvier dernier, une convention avec le ministère pour bénéficier du SM. Les résultats des dernières municipales donnent à penser que ce chiffre risque peu de varier positivement.


Sans efficacité réelle pour les familles, elle provoque les enseignants. Les syndicats enseignants ont dénoncé à juste titre le système de financement annoncé par le ministre. Le service minimum serait financé grâce aux retenues sur salaire sur les grévistes. Ces sommes seraient versées aux municipalités pour payer les intervenants. Ce procédé n'a pas grand sens aux yeux de la comptabilité publique. Par contre, médiatiquement, il laisse entendre qu'on "taxe" les profs, comme s'ils devaient payer pour une faute. Présentée ainsi la mesure vise évidemment à opposer les deux catégories d'acteurs de l'Ecole : parents et enseignants. En ce sens, la mesure illustre la radicalisation de Xavier Darcos.


Nourrit-elle la grève ? Car le service minimum nécessite le dialogue. En annonçant unilatéralement sa décision sans avoir jamais cherché à négocier ce point avec les syndicats, à nouveau Xavier Darcos manifeste qu'il récuse le compromis. C'est justement ce qui justifie la grève du 15 mai.

Dépêche AFP

http://fr.news.yahoo.com/afp/20080504/tfr-education-[...]


Fillon et Delanoë s'affrontent

"Les mairies qui ne veulent pas le faire ne le feront pas, les Français jugeront quelles sont les collectivités locales qui cherchent à se décarcasser pour venir en aide aux Français, sans en rien mettre en cause les mouvements de protestation", a déclaré à l'AFP F. Fillon. X. Darcos aborde la question sur le même angle, présentant sa mesure comme sociale et fustigeant les syndicats. "Je ne les consulterai pas particulièrement puisque, je le répète, mon interlocuteur, c'est la commune"…


Pourtant le Sgen Cfdt a tenu à marquer son ouverture. " Oui, l'accueil des élèves les jours de grève est une question sérieuse qui mérite d'être débattue pour trouver des solutions aux difficultés des familles" affirme le syndicat. "  Monsieur le Ministre, il est temps de préférer le dialogue avec l'ensemble des acteurs concernés aux effets d'annonce."


Le responsable de la plus importante commune leur a répondu dans un communiqué. "Plutôt que de s'attacher à traiter les motifs conduisant ces personnels de l'Education Nationale à se mobiliser -  et il n'en manque malheureusement pas actuellement, entre les suppressions massives de postes et certaines réformes pédagogiques hasardeuses -  le ministre semble tenté d’engager des manoeuvres de diversion vers nos collectivités. Rien de positif ne sortira d’une démarche qui revient à opposer les grévistes aux parents et les personnels aux élus, en esquivant ses responsabilités sur le fond" prédit B. Delanoë, maire de Paris.  "La Ville de Paris ne peut donc donner suite à cette initiative tactique qui conduirait à transférer les difficultés de l'Etat vers les communes, sans rien résoudre des problèmes objectifs qui suscitent le mouvement actuel".

Dépêche AFP

http://fr.news.yahoo.com/afp/20080505/tpl-education-budget-greve-social-enseig-ee974b3.html

Communiqué Delanoë

http://www.paris.fr/portail/accueil/Portal.lut?portal_component=17&page_id=1[...]

Communiqué Sgen

http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1656.html


Les maires renouvellent leur refus

Très critique en janvier, l'Association des maires de France renouvelle son refus du service minimum. Dans un communiqué elle "s’étonne que le Ministre de l’Education nationale revienne à la charge vers les communes pour organiser le service minimum dans les établissements scolaires en cas de grève". Elle rappelle que " il n’est pas question de reporter la responsabilité de l’Etat sur des acteurs communaux étrangers aux conflits ayant conduit à la grève" et l’attention de ses collègues maires sur les conséquences, en termes de responsabilités, d’incidents qui pourraient survenir dans le cadre de cet accueil par des personnels non éducatifs".

Communiqué

http://www.amf.asso.fr/actualites/chargement.asp?ref_actu=784



Sur le site du Café
Par fjarraud , le jeudi 15 mai 2008.

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