Le mensuel Imprimer  |  Télécharger nous suivre sur Twitter nous suivre sur Facebook

- F. Fillon rétablit les punitions collectives 

Dossier spécial

Fillon : punitions, autorité, contrôle
Recevant les IPR fin octobre, François Fillon les a appelé à affirmer leur autorité. "Il s'agit de rappeler ce qui devrait aller de soi. Le professeur dans sa classe, le proviseur ou le principal dans son établissement doivent être investis d'une autorité indispensable à l'exercice de leur mission". Le ministre invite les IPR à "guider" et "contrôler" la liberté pédagogique des enseignants. Enfin, F. Fillon a annoncé une nouvelle circulaire qui modifiera les conseils de discipline pour augmenter le nombre d'enseignants (4 au lieu de 2) et d'administratifs (présence de l'adjoint au chef d'établissement) et qui confirmera " l'autonomie de l'enseignant dans les punitions qu'il peut être amené à imposer".
http://www.education.gouv.fr/actu/element.php?itemID=200410191824

F. Fillon rétablit la punition collective
Décision responsable ou démagogique ? En rétablissant les punitions collectives, le ministre de l'éducation nationale fait au moins l'unanimité chez les parents d'élèves : il suscite leur opposition. La circulaire publiée au B.O. du 28 octobre précise que " les grands principes juridiques qui s'appliquent aux punitions scolaires et aux sanctions disciplinaires à l'intérieur de l'établissement scolaire soumis, comme toute organisation, aux règles du droit. Toutefois, le caractère spécifique de l'acte pédagogique et des missions des enseignants implique que l'autorité de ceux-ci soit respectée partout où elle s'exerce... S'il est utile de souligner le principe d'individualisation de la punition ou de la sanction, il faut rappeler qu'une punition peut être infligée pour sanctionner le comportement d'un groupe d'élèves identifiés qui, par exemple, perturbe le fonctionnement de la classe. Par ailleurs, dans le cadre de l'autonomie pédagogique du professeur, quand les circonstances l'exigent, celui-ci peut donner un travail supplémentaire à l'ensemble des élèves". Le même texte réforme le conseil de discipline en augmentant le nombre des représentants des enseignants et de l'administration. Des mesures inadmissibles pour les parents d'élèves. Pour la FCPE, " l'hypocrisie le dispute à l'arbitraire. Sous couvert de considérations pédagogiques, la circulaire réintroduit ainsi la punition collective. De plus, elle fait l'amalgame entre sanction du travail et sanction du comportement... Les principes généraux du droit sont de nouveau mis à mal... En ouvrant la porte à l'injustice et à l'arbitraire, le ministère prend un risque insensé : qui sème l'injustice récolte la violence". La PEEP condamne également ce texte : " La PEEP s'indigne de la proposition de rétablissement des « punitions collectives ». En effet, pour notre Fédération, cette disposition ne peut, en aucun cas, être un moyen de restaurer l'autorité des enseignants, bien au contraire. Et chez les élèves, elle provoque un sentiment d'injustice qui nuit à l'image du professeur".
La circulaire
http://www.education.gouv.fr/bo/2004/39/MENE0402340C.htm
Communiqué Fcpe
http://www.fcpe.asso.fr/article.aspx?id=393
Communiqué PEEP
http://www.peep.asso.fr/

Vives réactions à la circulaire Fillon
Après la FCPE et la PEEP, le Sgen et les syndicats lycéens s'opposent à la circulaire sur les punitions publiée au B.O. du 28 octobre. Pour le Sgen, "la circulaire... est incroyable. Écrire par exemple que «dans le cadre de l'autonomie pédagogique du professeur, quand les circonstances l'exigent, celui-ci peut donner un travail supplémentaire à l'ensemble des élèves» est proprement scandaleux... Si l'établissement scolaire n'est pas et à juste titre, un lieu de non droit, il se doit de respecter et son règlement intérieur et à plus forte raison les règles de droit en vigueur dans notre pays. Depuis quand peut-on être sanctionné sans avoir commis de «délit» ?.. Ce n'est certainement pas avec de telles pratiques que l'on instaure l'autorité". Le Sgen demande l'annulation du texte. Le Snes estime que "le texte ouvre la porte à des interprétations multiples qui risquent d'aboutir à des abus". De leur coté, deux syndicats lycéens, l'Unl et la Fidl, estiment que ce texte est "un laisser - passer pour les dérives.. une source d'injustice et de rébellion ".
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article680.html
http://actu.voila.fr/Depeche/depeche_emploi_041102173257.1mjh1kak.html


Tribune : André Giordan : Autorité : illusions de l'apparence et circulaire de circonstance
L'autorité... le mot est de nouveau à la mode. Il l'était déjà à l'origine de l'école républicaine à la fin du XIXème. C'était même son objectif premier, bien avant le « lire et écrire ». Le « compter ne viendra que bien plus tard. Tous les moyens sont donc bons pour le réaffirmer de temps à autre. Ainsi la dernière circulaire sur les conseils de disciplines parue récemment au Bulletin officiel.

Une modification mineure est introduite : «Le conseil de discipline ainsi recomposé, comprend trois catégories de membres : l'équipe de direction, les représentants des personnels et les représentants des usagers (parents et élèves) ». Le but est explicite et c'est cela que l'on va médiatiser : «réaffirmer l'autorité des enseignants » pour « lutter contre les actes qui portent atteinte à leur autorité ». Le parent de base applaudit des deux mains, même si le parent délégué y perd un peu de sa place.

Il est ainsi un ministre heureux. Heureux d'être censé faire son travail. Heureux de plaire à son électorat. Ah si les choses étaient aussi simples en éducation... cela se saurait !
D'abord il est amusant de remarquer que le parent qui n'arrive plus à se faire obéir de son chérubin dès l'âge de 3-4 ans, ne serait-ce que pour aller au lit le soir, se lamente du laisser-aller des enseignants, laissés seuls à eux-mêmes et confrontés à 40 adolescents en rupture de société !

Ensuite qu'en est-il du terrain ? J'ai l'occasion de travailler très souvent dans des écoles ou des collèges de banlieues difficiles. Devant des comportements d'élèves que je jugeais incorrects, je me suis risqué à quelques remarques un peu fermes. Leurs réponses sont chaque fois significatives ! Par exemple, chaque fois que j'ai interpellé des jeunes sur le fait qu'ils fumaient dans la cour alors que c'était interdit, leur réponse était immédiate. « Et les profs, ils fument bien dans la salle des profs, on leur dit quelque chose.» A un élève plutôt insolent avec un enseignant et à qui je le lui faisais observer. « Tu as vu, M'sieur, comment il m'a rendu ma copie. Tu veux que je le respecte... toi ». A une autre occasion où je m'insurgeais auprès de jeunes sur le fait que tous passaient par-dessus le portillon du métro sans payer. « Et Chirac, tu crois qu'il paye ses billets d'avion !». Comment croire ensuite à la force d'une simple circulaire ?.. Les élèves ne sont pas dupes, ils sont très sensibles à l'injustice. Ils attendent autre chose des adultes à ce niveau.

Enfin pourra-t-on un jour dépasser le réductionnisme... en éducation ? Pour expliquer la faillite de l'autorité, on accuse souvent les réformes utopistes des « pédagogogues », post soixante-huitards. On leur reproche de ne rien enseigner dans des formes qui soient susceptible d'aggraver les inégalités entre les élèves, de refuser toute idée de sélection assimilée immédiatement à de l'élitisme et surtout de saper la légitimité de toute forme d'autorité. Comme si cela était une nouveauté...

Qui mit le premier l'enfant en avant et développa une pédagogie de la découverte basée sur ses besoins ? N'est-ce pas le même homme qui enseigna la haine des livres alors qu'il en écrivait beaucoup ou encore qui jeta un discrédit radical sur les salles de classe, les langues anciennes, la compétition entre enfants, et même qui osa accuser la culture de corrompre les moeurs. Cet affreux soixante-huitard attardé était... un homme du XVIIIème siècle : Jean Jacques Rousseau. Dans son traité d'éducation, l'Emile, toutes les réformes modernes supposées laxistes sont présentes.

Et si la question de cette permissivité abusive était plutôt liée à la droite libérale et mondialiste qui veut introduire à l'école la logique du marché et n'enseigner que ce qui est immédiatement utile ou rentable. Mais qui mit l'accent sur des programmes de connaissance directement centrés sur l'industrie ou les buts de Nation sinon Jules Ferry en personne, et avant lui Diderot ou Condillac. Et cela bien avant que la mondialisation ne soit à l'ordre du jour. Qui valorise la facilité à travers la télévision , la consommation effrénée de futilité ou même la mode des vacances débiles ! Toujours une certaine société de consommation à la recherche d'une rentabilité immédiate...

En éducation, on en reste ainsi aux oppositions stériles et aux anciennes recettes. Et si la question de l'autorité n'était pas dans les illusions de l'apparence ou de la forme et la solution dans une circulaire de circonstance ?..

Et si les libéraux s'interrogeaient sur les connaissances « utiles ». Pourquoi la connaissance de soi ou le vivre ensemble sont-ils toujours absents des programmes ? Et s'ils se questionnaient sur ce que veut dire « autorité » pour un jeune. Pourquoi la clarification des valeurs n'est-elle qu'un ersatz du cours de philosophie en terminale ?

La «compétence» (de l'autorité) et «la personnalité» du prof. sont toujours mises en avant par les élèves. C'est cela qu'ils attendant avant tout d'un enseignant. Mais alors pourquoi n'investit-on pas plus dans la formation ? Pourquoi continue-t-on à les inhiber par les modes de recrutements, de formation et de gestion infantile au quotidien ? Qu'attendent nos autorités pour en prendre conscience ? Et si dans le cadre d'une formation continue, l'on faisait travailler les profs. sur leur personne ?..

Puis-ce cela faire l'objet de prochaines circulaires... du moins si l'on croit à leur vertu pour transformer un système éducatif. Mais cela est une autre question.

André Giordan
Université de Genève


Auteur de "Une autre école pour nos enfants", Delagrave, 2002.
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/giordan/LDES/
http://perso.wanadoo.fr/jacques.nimier/livre_giordan.htm

Punitions : L'Unapel condamne la circulaire Fillon
Après la FCPE et la PEEP, c'est au tour d'une troisième organisation de parents d'élèves, l'Unapel, de condamner la circulaire sur les punitions parue au B.O. du 28 octobre. Pour son président, " cette décision... Elle ne me semble ni nécessaire ni juste, contraire même aux principes du droit français fondé sur la sanction personnelle. Surtout, cela risque d'être source de conflits entre parents et enseignants".
http://actu.voila.fr/Depeche/depeche_emploi_041104123443.kkd0f4ff.html

Les mouvements pédagogiques condamnent la circulaire sur les punitions
"Le recours à la punition collective, outre un aveu implicite d'échec, est contre-éducatif en tant qu'il incite dans la quasi-totalité des cas à la délation : la seule alternative consiste à dénoncer autrui, ou à subir collectivement la punition". Quatorze associations éducatives, CEMEA, CRAP-Cahiers pédagogiques, DEI-France, Éducation & Devenir, FCPE, FERC-CGT, FOEVEN, GFEN, ICEM-Pédagogie Freinet, Ligue de l'enseignement, Ligue des droits de l'Homme, OCCE, SNPDEN-UNSA, UNL, publient un communiqué commun qui condamne la récente circulaire ministérielle sur les punitions. Pour elles, "cette disposition, qui cherche un alibi un peu grossier dans « l'autonomie pédagogique du professeur », constitue un recul sans précédent, à la fois du point de vue de la justice, du point de vue de l'autorité de l'enseignant et du point de vue éducatif". Les associations de parents d'élèves (FCPE, PEEP, UNAPEL) ont déjà rejeté la circulaire.
http://education.devenir.free.fr/puncoll.htm

Partenaires

Nos annonces