LA TRIBUNE DU MOIS 

Par Gardy Bertili



Vie scolaire,encore plus indispensable… ?

Par Gardy BERTILI

 

A l’heure où l’école traverse des turbulences, où les fantasmes d’une école panacée de tous les maux alimentent l’imaginaire d’une société en quête d’elle-même, où de multiples crises brisent le lien de confiance, où l’école elle-même s’interroge et doute de ses finalités ; à l’heure où nous nous questionnons sur le sens de l’éducation elle-même, il n’est pas inutile de questionner la place de la vie scolaire. Cette prise de recul semble fondamentale pour mieux apprécier le rôle nécessaire de la vie scolaire. Laquelle notion est devenue si floue, ses frontières s’élargissent de plus en plus au point de se demander ce qu’elle recouvre désormais.

Vie scolaire, concept complexe qui ne se limite plus à la pause méridienne, au foyer socio éducatif ou encore à la maison des lycées, ses missions et ses finalités dépassent ces cadres car l’espace éducatif est partout dans l’école, de la classe à la cour de récréation en passant par l’internat ou dans les transports scolaires. La vie scolaire est pensée désormais dans son acception la plus large, à savoir la vie de l’élève dans sa globalité et dans sa triple dimension : famille, quartiers, école. On pourrait rajouter une quatrième dimension : mass média.  

C’est pourquoi le rôle des conseillers principaux d’éducation se modifie, se complexifie. C’est parce qu’aussi l’espace éducatif s’élargit, parce que l’éducation s’est imposée comme l’affaire de chaque acteur du système éducatif et de la communauté éducative que le rôle du CPE semble s’effilocher, n’étant plus le seul à promouvoir de l’éducation.

Les CPE doivent procéder à leur révolution institutionnelle en proposant une voie délestée des vieux mythes. Qui sont-ils ? Où sont-ils ? Que proposent-ils ? La vie scolaire est-ce le service vie scolaire, le bureau de la vie solaire, l’équipe vie scolaire ? Qui appartient à la vie scolaire ? Qui la fait vivre ? Y a-t-il antinomie ou fusion entre vie de l’élève et vie scolaire ? La vie est-elle opposée à l’école ? La vie de l’élève se confond-t-elle avec sa vie à l’école ? Quelles sont les valeurs qui sont les mêmes et celles qui s’opposent (entre vie hors de l’école et vie à l’école) ? Le temps scolaire et le temps hors scolaire peuvent-ils encore s’opposer ? Où débute et où s’arrête la vie scolaire ? Qui est le mieux habilité à accompagner, à prendre en charge, à aider les élèves ? Les CPE peuvent-ils encore se targuer de porter ces missions dont ils croyaient longtemps qu’elles leur étaient naturellement dévolues ? La vie scolaire est-elle soumise à la culture de la performance, des résultats ? La vie scolaire est-elle mesurable, quantifiable, ou ne peut-on mesurer son efficience, « son efficacité » que qualitativement ? Autant de questions qui méritent une réflexion approfondie pour revivifier la fonction de CPE et lui assurer une dynamique que personne ne pourra contester. Plus que jamais, l’éducation s’impose dans notre société globalisée, mondialisée, aux savoir épars et multiples, aux modes sociaux et culturels aussi éphémères que les roses. Mais quelle éducation ? L’école peut-elle éduquer à tout, et les CPE peuvent-ils concourir à toutes les formes d’éducation que l’école souhaite promouvoir pour répondre aux manquements des différentes institutions (famille, état, religion, armée ...). Quelle place donc pour la vie scolaire ?

Ce qui se complexifie donc les missions des CPE c’est la banalisation présupposée de l’acte éducatif qui semble être saisi et porté par l’ensemble des acteurs de la communauté éducative. D’ailleurs la notion même de communauté éducative qui dépasse le concept de la communauté scolaire témoigne de cette volonté. Cette communauté éducative est une notion elle-même diverse, variable. Mais au moment où l’acte éducatif se banalise, il est peut être temps de réfléchir non seulement sur ce qu’il recèle comme enjeux, comme moyens et comme finalités, il convient de le définir dans le contexte d’une société « moderne », d’une école soumise à la culture de la performance, des résultats (LOLF, BOP, RGPP…).

Les CPE souffrent un peu de ce délestage de leurs missions essentielles, que leur reste-t-il alors pour marquer leurs différences, leur place particulière au sein de l’architecture du système éducatif. Le dilemme se dessine ainsi : cultiver la nostalgie d’une catégorie reconnue dans son impulsion de la prise en compte de l’acte éducatif comme un acte concourant à la prise en charge du sujet (développement personnel, autonomie, responsabilisation, image de soi…) ou évoluer en intégrant cet acte dans la nouvelle articulation des missions, des rôles, bref dans le système.

Adoptant la seconde posture, les CPE se renforceront. Ils ne contenteront ni d’être les pompiers de service, ni d’être les gentils animateurs de la pause méridienne ou du FSE ni d’être les gestionnaires administratifs (retards, absences, exclusions de cours…) mais deviendront ceux qui articulent, qui donnent sens à l’acte éducatif dans une architecture globale au service de l’élève. En d’autres termes, les CPE cesseront de s’écarteler entre un acte éducatif centré sur le sujet et celui centré sur la mission de transmission d’une culture mais tenteront d’articuler les deux qui en réalité sont complémentaires à partir du moment les dérives totalitaires et laxistes sont contenues voire évitées.

Les CPE ont une chance énorme de se repositionner et de retrouver une place essentielle s’ils acceptent leur rôle de régulateur, d’impulseur, d’interface de cette tension permanente qui perturbe l’école et les différents éducateurs, s’ils acceptent de se transformer en de véritables conseillers techniques et s’ils sortent eux-mêmes de leur propre ambivalence voire ambigüité.

Et comment les CPE peuvent aboutir à ce changement ? En modernisant leur rôle par la mise en place de véritables outils de suivi des élèves. Contrairement à ce que réfutent certains collègues, les outils n’abondent pas dans le sens d’une outrancière culture de la performance redoutée. Il ne s’agit pas de quantifier les compétences et/ou performances civiques, sociales, citoyennes et éducatives des élèves au service d’une idéologie quelconque mais il s’agit de mettre en place les moyens nécessaires de bien cerner les élèves dans leur complexité et de pouvoir mieux éclairer et aider non seulement les différentes équipes mais aussi les élèves eux-mêmes. Ce refus de certains collègues de mettre en place des outils (tableau de bord, indicateurs, conduite d’entretien…) pour suivre les élèves constituent une erreur fondamentale dans la mesure où ils ne disposent pas des armes techniques pour remplir leurs missions. Du coup, leur suivi et leur évaluation des élèves se révèlent flous, disparates et leur crédibilité fait cruellement défaut. Ils attendent que l’expérience fasse la différence et c’est l’empirisme qui triomphe. Pire encore, ce suivi et cette évaluation sont quelquefois sous-tendus par l’affectivité, par le flair. Il y a une technicité, une expertise à faire valoir et qui peuvent donner du poids et du sens aux missions des CPE sans sombrer évidemment dans la super-technicité qui obstruera la relation individuelle, l’empirisme, l’expérience, la communication. Cette technicité et cette expertise doivent être d’autant plus pensées que la vie scolaire et vie de l’élève deviennent moins imperméables, il y a même une certaine osmose entre l’une et l’autre.

La compétence technique, l’expertise des CPE conjuguée à leur sens relationnel, à leur capacité de faire émerger « le plus » de l’acte éducatif, à leur savoir-faire d’animateur (pas uniquement du FSE ou des activités mais aussi d’équipe, des instances…) , à leur sens managérial, seront précieux pour renouveler les pratiques de ce corps qui risque de se scléroser.

Tout cela peut se traduire concrètement non seulement quotidiennement dans leur rapport avec les élèves, les parents et les équipes mais aussi au sein d’un projet d’éducation et d’animation, là aussi régulateur, à savoir, le projet de vie scolaire. Celui-ci dépasse le simple projet de service vie scolaire, il se fonde sur la capacité des CPE et de leur équipe vie scolaire, à imaginer, à inventer, en prenant bien évidemment en compte le contexte global de l’établissement, un projet éducatif qui favorise la réussite scolaire mais qui la dépasse en armant les élèves pour qu’ils donnent du sens à leur scolarité mais aussi à leur place au sein du groupe, dans la société, pour qu’ils acquièrent maturité dans la réflexion et capacité de distanciation et d’esprit critique ainsi que des valeurs pour penser leurs actes, leurs responsabilités, leurs décisions. Ce projet de vie scolaire qui peut constituer un versant du projet d’établissement n’est pas le projet du CPE et des assistants d’éducation mais un projet organisé et porté par la communauté éducative dont les élèves. Ce n’est qu’ainsi que chacun s’en saisira pour en faire sien, du moins pour le véhiculer et organiser ses pratiques en y tenant compte. Le projet vie scolaire suppose qu’un certain consensus se dégage entre équipes mais que la vision professionnelle des CPE soit élargie. Et pour les établissements où cohabitent plusieurs CPE qu’un exercice éclairé du métier soit pensé, qu’une mise en commun soit possible, que le sens du pouvoir et que le ballet des égos et des solidarités de blocage s’efface au service des élèves et d’une vie scolaire organisée. Il faut justement sortir de la cohabitation pour travailler et construire ensemble dans le seul intérêt des élèves et de l’institution.

Mais curieusement, ce contexte doit au contraire amplifier et rendre indispensables les missions et la fonction des CPE. En régulant, en coordonnant, en assurant une réelle expertise, en se formant davantage, en proposant, en sortant des idéologies purement sectaires, catégorielles ou syndicalistes, en repensant leur rôle au sein et auprès des équipes, en renouvelant les pratiques, les CPE deviendront incontournables.

Les CPE ont donc de nombreuses décennies d’existence devant eux à condition qu’ils ne tombent pas dans le piège de la morosité, de la contestation permanente, dans le dépit qui sclérosent toute réflexion, toute refondation. Au contraire, le temps est peut être venu pour que la vie scolaire, à côté de la vie pédagogique trouve toute sa place. Il ne saurait y avoir ni concurrence ni antinomie, entre les deux, mais plutôt une unité d’actions réfléchies entre équipes pour répondre aux défis nouveaux de l’école et de la société.

Que l’année 2009 soit celle de cette réflexion et de cette refondation et celle qui réaffirmera la prégnante nécessité de ce corps qui a toute sa place dans l’architecture du système éducatif français. Que les CPE soient force de propositions, d’inventions, et de construction de cette école en mutations profondes. Ce sera l’objet d’une journée de réflexion sur le métier et le devenir (et sur le métier en devenir des CPE dans le contexte actuel des inquiétudes sur la disparition du corps ; au mois de mars, à confirmer) de l’Association Nationale des Conseillers Principaux d’Education (au foyer des Lycéennes à Paris sans doute : http//ancpe.fr).

Excellente année 2009 à tous de la part de l’équipe de la rubrique vie scolaire et du café pédagogique pour une année 2009 riche en réussites personnelles et professionnelles pour chacune et pour chacun !  

 

Sur le site du Café
Par gabriellelamotte , le jeudi 15 janvier 2009.

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