La réflexion du mois 

LE CPE ET L’EDUCATIF

Par Gardy BERTILI



L’adjectif « éducatif », le concept d’éducation se déclinent sous toutes coutures dans nos établissements scolaires. Désormais, les notions de projet éducatif de valeurs éducatives, de politique éducative, de sanctions éducatives, de communauté éducative sont couramment utilisées. Et que dire du terme « éducation » qui s’est banalisé. On parle d’éducation à la santé, éducation à la sexualité, éducation à l’orientation, éducation à la sécurité routière, éducation à l’altérité. Tout semble pouvoir s’éduquer, l’établissement scolaire devient un espace éducatif ouvert dont chacune des catégories professionnelles se doit d’investir.


Si la notion d’éduction et d’ »éducatif se banalise voire se galvaude, pourquoi de nombreux  conseillers principaux d’éducation se sentent seuls porteurs de cette préoccupation éducative, pourquoi se sentent-ils encore seuls à faire de l’éducatif et de l’éducation un combat, lequel combat peut quelques fois se fonder sur des vertus idéologiques.


Les CPE se déclarent souvent isolés dans leur fonction. Cet isolement dépend, certes, de leur nombre, du positionnement géographique de leur bureau, de leurs capacités à s’intégrer et s’investir dans les équipes mais aussi de leur  sentiment plus ou moins fort et prégnant de ramer pour que l’établissement soit un espace éducatif.


Cette vérité apparente n’est en réalité qu’apparente. La sensibilité éducative des CPE est historique. Nos ancêtres surveillants généraux progressistes ont lutté à la force du poignet pour mettre au cœur de l’acte pédagogique, au cœur des apprentissages, au cœur de l’école l’acte éducatif. Les luttes pour faire vivre la fonction de délégué, pour faire de l’animation un axe de l’épanouissement individuel,  pour promouvoir la personne furent exemplaires. La circulaire de 1982, et plus précisément l’avant-projet de circulaire de 1971 constitue un modèle du genre tant il exalte l’éducatif. Depuis, la place de l’éducatif chemine et s’impose peu à peu. La parole de l’élève, son écoute, l’empathie avec laquelle on le regarde, on le suit, le dialogue, le débat qui s’instaurent avec lui en terme de droits, de devoirs, d’instances représentatives et associatives, la prise en compte de son expérience et de ses parcours personnels, la compréhension de son histoire, la sensibilité que l’on porte à ne plus compartimenter ses différentes tranches de vie, tout tend à prouver que l’élève n’est plus seulement qu’élève, que la pédagogie a cessé de phagocyter l’éducatif, et que désormais l’un et l’autre cohabitent, se complètent. Ils ne s’annihilent pas, ne se neutralisent plus mais l’élève est pensé dans sa globalité personnelle, affective, scolaire, psychologique, l’établissement est pensé de manière systémique et non plus en terme d’étages qui s’ajoutent les uns aux autres ou en terme de services qui se croisent sans cohérence.  D’où l’importance des notions de projet, de politique éducative, d’accompagnement, de parcours individualisés. Les conditions institutionnelles ont donc été créees pour tenter de promouvoir la nécessité de mettre l’éducatif au cœur du projet de l’école républicaine française. .L’école découvre que l’élève et la personne de l’élève, la vie scolaire, la vie de la classe et la vie de l’élève sont étroitement liés, et que, pour agir efficacement sur la réussite, il faut agir et faire interagir toutes ces dimensions entre elles.


Justement, les CPE par leur lutte ont fait émerger et germer la question de l’éducation et certains semblent nostalgiques du temps où ils furent les seuls à porter ce combat au front. D’autres ont une vision étriquée du concept éducatif et éprouvent le plus grand mal à déconnecter cette problématique de celles de la psychologisation à outrance, de l’ « adoïsme »  exacerbé, du jeunisme. Sans parler des combats syndicaux d’arrière garde qui exaltent encore l’idée du CPE, seul acteur possible et efficient de l’intervention éducative. Sans oublier les éternels insatisfaits, ceux qui ont peur que personne ne sache parler ou défendre comme eux les valeurs éducatives. Sans oublier ceux qui considèrent qu’ils détiennent la marque de fabrique ou la propriété intellectuelle de l’influence éducative au sein des EPLE. Ils en sont dépositaires à vie et que personne ne vienne oser les contester sur ce terrain qu’ils maîtrisent parfaitement, à l’instar des enseignants qui maîtrisent parfaitement leurs disciplines. Être éducateur serait donc un métier et le CPE serait prédisposé ou profilé pour l’exercer parce qu’il est le spécialiste par excellence de l’éducation. Le CPE est donc le protecteur de l’humain au sein d’une école castratrice, dévastatrice, ou encore, le CPE serait l’unique ou l’indispensable garant d’une école productrice de l’humanisme. Le CPE rendrait donc l’élève sujet, l’aiderait à dépasser sa condition d’élève trop axée sur les apprentissages, contribuerait à l’acquisition des savoirs sociaux et relationnels, il permettrait donc à l’élève de conquérir sa liberté de penser et d’agir en homme libre, de prendre son destin en main. Le CPE serait un Rousseau moderne : l’élève est foncièrement bon, c’est l’école qui le pervertirait. En permettant à l’élève de dire, de faire, d’expérimenter, de critiquer, de se confronter à l’altérité, de construire des savoirs-faire, de penser sa place au sein des relations dans le groupe, le CPE favoriserait chez l’élève la foi en lui-même, sa conscience du monde.

 

L’école a fait évoluer ses pratiques quotidiennes pour prendre en compte l’éducatif. Mais est-ce uniquement grâce aux CPE. Si l’on ne peut d’aucune manière nier ce que ce corps a engendré comme prise de conscience au sein de l’école, blasphèmerait-on en imaginant que de toute manière l’école autrait fait inévitablement sa révolution en matière éducation. La place de l’éducatif se serait imposée même si l’école avait résisté. La relation éducative ne saurait se déconnecter de la société, de l’époque et de ses mœurs. L’école n’aurait pas pu échapper à ses missions d’éducation, même si on peut regretter qu’on lui en assigne trop et que de fait on lui demande de pallier à tous les maux, de faire face à toutes les carences, à toutes les démissions. Mais face aux turbulences, au démembrement familial, à la pertes des repères sociaux et autres, à l’évolution technologique, à la crise économoique et sociale, l’école ne pouvait rester imperméable à ce qui l’environne, elle ne pouvait demeurer un sanctuaire.


Par ailleurs, bien que les CPE ont permis l’accélération de cette prise en compte de la valorisation de l’éducatif aux côtés de l’acte pédagogique, l’école a longtemps de préférnece, par convenance ou par commodité valorisé un discours volontariste en matière d’éducation que développer une communauté de vues et d’actions. Les CPE eux-mêmes ont pris acte de cet écehc et de cette soi-disant impossibilité de promouvoir l’éducatif comme vecteur de fonctionnement de l’école, comme support des apprentissages, comme acte fondateur. En fait, les notions de citoyenneté scolaire, d’intervention éducative globalisée et globalisante, de développement personnel et harmonieux de l’élève sont relativement récentes. Pendant trop longtemps, l’école a navigué entre deux idéologies apparemment opposables : l’autorité et la prétendue égalité maitre-élève. La diallectique hégélienne fonctionnait donc à sens unique. A partir du moment où l’école ne suffit plus à s’auto-réguler, à réguler les relations sociales qui se tissent en son sein, il était indispensable que l’école sorte de la quadrature du cercle en trouvant d’autres types de réponses plus adéquates, plus adaptées aux nouvelles contraintes. Et la prégnance de l’éducation constitue une des réponses. Ce n’est pas la seule.


L’école a donc procédé à sa propre révolution en intégrant ou en s’adaptant aux évolutions. Elle a fini par comprendre que l’autorité et le discours incantatoire sur l’éducati ne suffisent plus. Elle admet désormais que l’élève se construise au travers des univers sociaux. Ces univers sociaux se confrontent au sein de l’établissement et dépasent la simple unité de lieu qu’est la classe. Elle comprend enfin que la motivation n’est pas qu’affaire d’apprentissages, de mémorisation, de capacités intellectuelles mais aussi del’intelligence sociale, de la confrontation, de l’opposition à l’autre comme le mimétisme modélisent du rapport que l’élève développe avec les autres et avec lui-même pour le faire grandir, espérer, pour le rendre citoyen, pour le faire devenir adulte.


Le combat CPE gardien du temple « éducation » et les autres est donc dépassé. Chacun contribue, au sein de l’école, à la promotion de l’éducation. Cette prise de conscience et cette cohérence sont indispensables pour créer l’unité éducative, ou plus prosaïquement la communauté éducative au sein de l’école. Et d’ailleurs, cette communauté éducative, qui la forme, qui décide d’en faire parrtie, quels pouvoirs joui-elle, quelles prérogatives ?


L’éducatif tend à s’imposer au sein de nos établissements, il constitue désormais un des axes fondamentaux du pilotage et de la politique d’animation. Nous devons tous nous réjouir que ce combat dépasse enfin les clivages. Pour qu’il s’impose encore davantage, il faut dépasser les nostalgies, le clanisme, décompartimenter ou décloisonner les responsabilités. Il n’y a pas d’un côté ceux qui ont des responsabilités pédaogiques, d’autres institutionnelles, ou encore d’autres qui assument l’éducation, et qui auraient la faveur des élèves. Toutes les responsabilités sont liées, et c’est le travail d’équipe, transversal, notre inversion de regard, de représentations qui nous aideront à fédérer au profit de l’élève non seulement l’organisation éducative mais l’acte éducatif. Et celui-ci dépasse la simple socialisation de l’individu mais élabore au quotidien avec l’élève sa propre liberté d’homme, capable de penser par lui-même, d’agir en tenant compte des autres, du monde, des contraintes, de choisir, de décider pour lui-lmême et par lui-même.


Que l’on soit CPE, enseignants, chefs d’établissement, agents de service, intendants, ATOS, nous avons intérêt à investir et à réussir cette œuvre d’éducation car la société de demain en dépend. Nous devons promouvoir l’éducation (qui englobe aussi l’instruction mais qui la dépasse) si nous voulons que les élèves développent confiance en soi, respect etestime de soi, sens de la responsabilité, affirmation de soi, esprit critique, sens de l’initiative, motivation, créativité, libre arbitre, l’altérité. Ce n’est pas uniquement en terme d’intérêts mais en terme de réalisation personnelle, professionnelle, sociale de chacun des élèves dont nous avons la lourde charge de faire réussir à tous points de vue.

 

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Par gabriellelamotte , le lundi 15 septembre 2008.

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