LA REFLEXION DU MOIS 

Par Gardy Bertili

 

Le CPE peut-il aider les enseignants en difficulté mais aussi tous les autres? Quel type d'aide leur apporter? Comment le faire sans entraver la nécessaire autorité de l'enseignant vis-à-vis de ses élèves, et sans remise en cause de l'acte pédagogique et didactique? Le CPE peut-il apporter son expertise aux enseignants en difficulté sans mettre en péril la relation d'équipe? Ce sont réflexions qui guident cette tribune de Gardy BERTILI ce mois-ci. 

 

Comment le conseiller principal d’éducation peut aider les enseignants en difficulté ?

 

La complexification de l’acte d’enseignement bouleverse les missions et l’identité professionnelle de l’enseignant. Celles-ci deviennent plus floues, les enseignants ont du mal à s’y reconnaître. Qui sont-ils, à quoi servent-ils, quelles valeurs véhiculées, comment se positionner face aux sources multiples de savoir, comment proposer aux élèves un rapport au monde, comment défendre un héritage culturel tant les valeurs, la culture vacille sous les assauts de la mondialisation, de la production, des échanges ? L’école s’occupe de tout, elle doit pacifier le lien social, favoriser l’insertion professionnelle, cimenter la liaison intergénérationnelle, lutter contre le communautarisme, préparer à la vie citoyenne responsable, combattre les comportements sexuels, médicaux, écologiques irresponsables. Et, en même temps, elle doit remplir ses missions traditionnelles d’instruction et d’éducation. D’ailleurs, à quoi l’école éduque-t-elle tant les missions d’éducation pullulent : éducation à la santé, à la citoyenneté, à la sécurité routière, aux technologies, au développement durable, à l’orientation, à la responsabilité, à l’éthique, et l’on n’est loin d’être exhaustif. A force d’éduquer à tout, l’éducation se dissout finalement. Sans parler de la démocratisation, la lutte contre l’échec scolaire, la demande sociale de plus en plus oppressante, la concurrence entre établissements, le consumérisme scolaire,  les stratégies familiales  qui ajoutent une pression supplémentaire sur les  acteurs de l’école. 

Beaucoup d’enseignants ont du mal à comprendre et à acter cette évolution. Ils ne sont pas armés pour affronter efficacement ces nouvelles mutations. La gestion de conflit, de crise, le sens de la  communication, la connaissance des adolescents, la gestion de la violence, tout cela ne s’improvise pas. Malheureusement, malgré de timides  tentatives, la formation initiale et continue n’arme pas suffisamment les enseignants pour agir et réagir face aux situations nouvelles.  Ils perdent vite leurs illusions d’anciens élèves modèles et/ou convictionnelles, vocationnelles dans le système éducatif qu’ils épousent comme un prêtre épouse Dieu.  Ils sombrent donc  dans une souffrance indicible qui n’est pas suffisamment prise en compte. Une vraie politique de gestion de ressources humaines est à envisager.

Au-delà de l’accompagnement pédagogique à développer pour aider les enseignants à repenser l’acte didactique et pédagogique, au-delà des techniques de positionnement gestuel, au-delà du management social,  on peut les aider par des petits actes concrets pour surmonter les écueils de la discipline, de la provocation, de la crise, des violences ….

 

La posture

Le Conseiller Principal d’éducation peut travailler avec les enseignants, notamment les jeunes, leur posture dans la classe. Dans beaucoup d’établissements scolaires, l’enseignant doit donner de sa personne. Au lieu de rester sur l’estrade, ce qui peut traduire dans la tête des élèves leur peur de la classe, il leur faut justement aller à leur rencontre. Pourquoi ne pas disposer la classe autrement, par exemple en U, avec l’enseignant au milieu ou à côté des élèves.  Il faut décloisonner sans pourtant annihiler l’asymétrie relationnelle et éducative qui doit prévaloir pour rendre possible tout acte d’enseignement et tout acte éducatif. Les élèves ne sont pas les égaux de l’enseignant mais le fait d’être avec eux, d’écouter les doléances, de répondre aux aspirations, de favoriser la prise de parole n’affaiblit en rien l’autorité  de l’enseignant. Bien au contraire !

 

La mise en commun des règles

Dès le début d’année, mais c’est possible aussi après, il convient de penser les règles avec les élèves qui prévalent dans la classe. Il convient de fixer avec eux ce qui n’est pas négociable et ce qui peut l’être. Le règlement intérieur, le respect de l’autre, l’égale dignité de chacun, les valeurs républicaines (pas de propagande, la laïcité…)  par exemple ne sauraient se négocier. Mais la communication, la date de remise des devoirs, la tolérance d’un certain seuil de bavardage, le travail en groupe peuvent se négocier. Si les règles se construisent avec les élèves, il n’y a aucune raison qu’ils ne les appliquent pas, qu’ils ne les respectent pas. Et si tel est le cas, il faut appliquer ce qui est prévu (entretiens, rencontres individuelles, recadrage, avertissement oral, devoirs supplémentaires, retenue …) après avoir explicité le pourquoi, le comment, les attendus. Souvent les élèves se rebiffent par sentiment d’injustice, ce qui vaut pour lui ne semble pas valoir pour les autres. Et là aussi le CPE peut être un conseiller empathique et concret dans ses conseils. Il peut s’il le souhaite accompagner l’enseignant, en heure de vie de classe par exemple, ou en lui apportant des outils et ses connaissances de l’adolescent ou des jeunes. Il peut réfléchir avec lui sur  la mise en place, la portée et la mise en œuvre de ces règles simples, concrètes.

 

La variation des outils

L’attention des élèves est parasitée par bien de paramètres souvent extérieurs à l’école ou à la classe. Tous les élèves ne peuvent pas être soumis au même rythme, par exemple, certains peuvent éprouver des difficultés à suivre le professeur qui dicte le cours ou écrit sur le tableau. Il faut donc varier les outils et les approches. Pourquoi ne pas utiliser à tour de rôle le tableau, le rétro projecteur, le vidéo projecteur, les documents, le questionnement des élèves. Pourquoi ne pas détendre l’atmosphère crispée, ou reprendre la main quand la classe se disperse, avec un mot, un humour, et non pas en s’énervant ou en pratiquant l’ironie ou le sarcasme qui peut être mal vécus par la classe ou par certains. Pourquoi ne pas faire une pause pour pouvoir remobiliser l’attention des élèves. Le cours peut être pensé par découpage de séquences et par moment (5, 15, 20mn ..etc..), et en ponctuant chacune d’elle par un outil ou techniques différents. Notamment lorsque le cours se déroule en fin de matinée ou en fin d’après-midi. Tenir compte des rythmes biologiques de l’élève dans la conception du rythme du cours constitue une avancée. 

Rendre les élèves acteurs du cours

De nombreux enseignants rechignent à placer les élèves au cœur de la construction collective du cours. Or, ,ils ont tout à y gagner. Là aussi, il convient à l’enseignant de fixer le cadre et d’y agir en son sein. Les élèves pourraient par exemple dire ce qu’ils pensent de la séance précédente, comment ils l’ont appréhendé et els questions ou interrogations qu’il a suscitées en eux. Et cela entre 5 à 10 minutes.  Le professeur répond de suite ou renvoie ses réponses à la fin du cours. Il rebondit sur la nouvelle séance en établissent le lien avec la précédente. Il fait participer le maximum d’élèves soit en les interrogeant, soit en organisant des travaux en groupe, soit en leur proposant un questionnement individuel et ensuite une mise en commun.

 

La gestion de crise

Souvent la crise éclate par confrontation d’ égo ou encore par méprise due au manque d’ écoute. On ne s’est pas compris. Un mot de trop, une attitude ambivalente ou équivoque, et la situation s’embrase. Il suffirait quelques fois de différer pour calmer le jeu. Un exemple, le professeur rend  un contrôle, il dicte publiquement les notes  des élèves ; un élève conteste sa note en mettant en cause la pédagogie ou les compétences de l’enseignant. Celui-ci rétorque, joue le jeu de la discussion qui se transforme en dispute ; il veut affirmer son autorité, reprendre la main car le groupe est témoin. Que faire donc ? Il suffirait de dire à l’élève que « j’ai bien entendu que tu contestes ta note, je te promets de t’écouter  mais pour le moment je finis mon cours, tu viendras me voir à la fin ». En règle générale, la pression se dégonfle, l’élève est rassuré, il est entendu et il n’y a plus de nécessité à se donner en spectacle. La classe est une scène, les rôles sont distribués implicitement ou explicitement, à l’enseignant adulte de comprendre les enjeux de bandes, de pouvoirs qui s’y jouent et de couper court aux situations qui risquent de l’empêcher d’assumer son rôle prépondérant de premier maître à bord. Il convient de prendre le temps du dialogue, de la concertation, et dans quelques cas de négociation, avec l’élève, une fois le cours terminé ou après, en entretien individuel, et surtout dans un lieu fermé.

 

Repenser les pratiques…le mal nécessaire ?

Le CPE peut œuvrer dans la même direction avec l’enseignant en difficulté. Des réponses simples et adaptées peuvent être imaginées. Il ne lui suffit pas d’être solidaire, mais il s’agit de penser une véritable stratégie de remédiation, d’accompagnement. Pourquoi ne pas agir sur du concret. Par exemple, la mise en place d’un micro pour aider l’enseignant qui a une faible voix à la poser et à l’affirmer. On peut aussi l’aider à modifier ses pratiques en apprenant à valoriser les élèves qui prennent des notes, qui participent, pourquoi ne pas lui proposer de concevoir autrement le cours, moins de dictée magistrales plus de construction commune, pourquoi ne pas employer des mots simples pour se faire comprendre. Pourquoi ne pas lui proposer la mise en place des outils d’évaluation du cours par les élèves et, aussi des outils ou des moments d’auto évaluation. Qu’est-ce qui a fonctionné, pourquoi, comment peut-on améliorer le déroulement du cours, le fonctionnement de la classe ? Pourquoi ne pas l’amener à s’investir dans le suivi des incidents et dans leur résolution en faisant dans la journée même le bilan, le suivi des incidents ou des satisfactions. Pourquoi ne pas mettre en place avec lui des procédures de dialogue, de débat, de « confrontation  avec les élèves qui posent problème.

Le conseiller principal d’éducation (CPE) de par sa connaissance des adolescents et du système éducatif ne peut se contenter de signaler au chef d’établissement les dysfonctionnements mais doit apporter son aide, sa logistique, sa technicité aux enseignants notamment ceux qui sont en difficulté. Sans remettre en cause l’acte pédagogique, il peut permettre l’éclairage des situations conflictuelles, une vision différente de l’élève. Lesquels peuvent déclencher chez beaucoup de collègues enseignants une autre façon d’envisager leurs pratiques, une autre conception de leur métier.

 

 

Sur le site du Café
Par gbertili , le samedi 15 décembre 2007.

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