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JP Gallerand - E Jourdan

 

Augmentation de la profondeur de champ par « stacking »
par Frédéric Labaune - Professeur de SVT

 

Lors de l’observation de sujets microscopiques ou lors de la réalisation de macrophotographie (je parle de « vraie » macro, celle où le sujet ne dépasse pas les deux ou trois centimètres), il peut se poser des problèmes de profondeur de champ trop courte – il y a des lois de l’optique qui sont incontournables et plus on « grossit », plus la profondeur de champ est faible.

Quelques fois, pouvoir isoler un sujet net dans un environnement flou, peut s’avérer très utile. On parle par exemple de « coupe » optique en microscopie et on évite certains problèmes de complexité de lecture de l’objet observé. D’autres fois, trop de flou nuit à la lecture du document.
Pour augmenter la profondeur de champ, on peut fermer le diaphragme. Il en découle deux ou trois conséquences à même de nuire à la qualité de l’image.

En macrophotographie, la zone de netteté sera étendue mais la perte de lumière occasionnée par la fermeture du diaphragme va augmenter le temps de pose et donc les risques de flou de bougé (soit l’opérateur – il existe des système de réduction des vibrations qui permettent de gagner « quelques vitesses », soit le sujet… encore vivant ou au bout d’une tige au vent et là, vous aurez beau avoir tout le « VR » que vous voulez, ça sera flou). Tout objectif photo a un diaphragme optimum… en général, à pleine ouverture, les performances de l’objectif sont « moyennes » et elles s’améliorent quand on ferme, en général, ces performances sont maximales aux environs de f/8. Un diaphragme trop fermé amène de la diffraction et je signale que plus les capteurs des appareils photo numériques sont denses en photosites, plus ils sont sensibles à la diffraction. Pour des macrophotographes, un boitier à 24 millions de pixels sur une surface de type APS est un non-sens car fermer au-delà de f/8 – f/11, risque fort de dégrader le rendu. Par ailleurs, en augmentant la profondeur de champ, on rend plus visibles des éléments d’arrière-plan (le bokeh), ce qui peut nuire encore une fois à la lisibilité, à l’esthétique de l’image.


Pour la taille originale des documents : 
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En microphotographie, outre le problème de manque de lumière qui peut empêcher de prendre des sujets vivants se déplaçant sous la lamelle, on aura aussi le problème de la dégradation du pouvoir séparateur de l’objectif (que l’on associe à l’ouverture numérique… le chiffre qui est à côté du grossissement de l’objectif – vous regarderez sur les microscopes, à côté de « 40 », il y a souvent un « 0,65 » qui est associé… ce chiffre est synonyme d’une « O.N. » standard, les 40x haut de gamme montent à 0,95 voire 1,4 pour des modèles à immersion).


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Frustule de Diatomée du genre « Surirella », un excellent moyen de tester le pouvoir séparateur du système optique de votre microscope (condenseur/objectif/oculaire) – à droite, on a la résolution maximale et on peut voir des lignes de perles, pouvoir compter tant de perles dans un micromètres est synonyme d’un microscope assez haut de gamme… je doute fort qu’avec les microscopes d’un lycée, on arrive à cette résolution. En tout cas, à gauche, si l’ensemble du frustule paraît plus net, ça en est fini des perles.

 

Depuis l’avènement du numérique et grâce à l’ingéniosité de certains programmeurs, on peut augmenter la profondeur de champ, tout « simplement » en constituant des « piles d’images » (to stack : empiler) avec un décalage de la mise au point entre chaque cliché et par logiciel, il y aura compilation de tous les secteurs nets.
Quelques exemples :


Pour la taille originale des documents : http://farm3.static.flickr.com/2664/3676579406_10ca8ba239.jpg  
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Pour la taille originale du document : http://farm9.staticflickr.com/8031/7911892816_5115000087_o.jpg  
En microscopie (ici, en « DIC » contraste de phase interférentiel), le stacking fonctionne aussi. Il demande pas mal de doigté puisqu’il faut faire des pas de moins d’un micromètre entre chaque photo. Bien évidemment, pour une telle diatomée, il aurait fallu multiplier le nombre de clichés.

Pour réaliser des pas réguliers et surtout assez fins pour recouvrir les différents plans de netteté. Je ne rentre pas dans les détails, mais la plupart de mes piles ont été faites en studio, avec le sujet mis en scène sur un statif de microscope, le boitier étant monté à la verticale au-dessus. On progresse de haut en bas en jouant sur la vis micrométrique de mise au point et on déclenche toutes les « x » graduations de la vis… selon le rapport macro, selon la présence ou non d’un diaphragme…
Voici mon installation actuelle

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1 – meuble TV récupéré, calé (2) et lesté (3 – parpaings en béton cellulaire)
4 – colonne d’agrandisseur
5 – pierre tombale pour stabiliser le plan de travail
6 – statif de microscope scalpé…ou microscope normal pour la photomicroscopie

 

Il y a d’autres possibilités, on peut même motoriser/automatiser le processus (bricolage en cours) et les plus fortunés peuvent investir dans la « Rolls » du stacking, en commandant un « stackshot » chez Cognisys.
Une fois que vous avez la pile, il faut procéder à la compilation (discussion en cours sur un mot en français à adopter… comme on travaille sur la profondeur du sujet, en « z », j’aime bien le terme de « zédification »). A ma connaissance, sur le marché, on trouve quatre ou cinq logiciels.
Zerene Stacker – version d’évaluation gratuite pendant deux mois, puis payant (89 $) – celui que j’utilise car je le trouve simple, puissant, avec quelques possibilités de retouches. Existe en version Mac.
CombineZ – logiciel « open source », gratuit… mais il faut avoir un PC. Facile à utiliser et résultats probants (les chardons mis en exemple ont été zédifiés avec ce logiciel – une discussion à propos de ce logiciel ICI
Helicon Focus – probablement le plus polyvalent des logiciels de stacking… je le connais peu. Il est payant. J’en parle ICI et en fin de topic, il y a des images de reconstitution en 3D du résultat d’une pile (à noter que Zerene Stacker propose de quoi faire de la vision en 3D en produisant deux images que l’on doit regarder avec stéréoscope)
Picolay – gratuit, utilisé par quelques stacker… une discussion à propos de ce logiciel ICI… mais je ne le connais pas vraiment
- … je crois que les dernières versions de Photoshop sont capables de faire ça, mais je ne les ai pas…

Globalement, l’utilisation de ces logiciels ne pose pas de problème. Les interfaces sont assez simples. Il suffit d’aller chercher la pile d’image et de lancer une commande. Certains softs, comme CombineZ permettent de rentrer dans le dur et de modifier un grand nombre de paramètres (et essayer d’améliorer le rendu final). N’étant pas informaticien, j’utilise les réglages par défaut puis je passe du temps à corriger les défauts avec un logiciel classique de traitement d’image (Photofiltre, Gimp, Photoshop LE ou pas…). Enfin, il vaut mieux avoir un ordinateur costaud, gros processeur, pas mal de RAM, si vous ne voulez pas que la compilation dure des heures.

Constituer une pile prend du temps. Si vous avez un insecte à stacker, il faudra bien souvent le sacrifier (supporter une mise en place, supporter des dizaines d’éclairs de flash…). On sollicite aussi énormément le matériel, le boitier (mon Nikon D700 a dépassé les 100 000 clichés), l’ordinateur (j’ai « grillé » un Mac à force de solliciter le processeur à 100% pendant xx minutes).
Sans cesse, il faut amadouer la ministre des finances car l’achat du matériel, s’il peut être modeste au début, peut devenir conséquent car passer du temps à zédifier alors que le matériel n’est pas performant, c’est arriver à des résultats non satisfaisants. Les défauts initiaux dans l’image sont amplifiés avec la déconvolution… si l’image de départ n’est pas propre (problème de poussières sur le capteur, mauvaise lumière, aberrations chromatiques…), ça sera pire sur le résultat final


Voilà un capteur bien crade… les trainées correspondent à l’ajout des xxx points laissés par les poussières sur le capteur.

 

Il convient donc de réfléchir avant de se lancer dans l’aventure… une aventure fabuleuse, qui permet de révéler des paysages dans quelques centimètres carrés...

 

l'image en taille originale : http://farm8.staticflickr.com/7183/6928644465_98a8582718_o.jpg
... ou quelques micromètres carrés.

 

Pour d’autres images : ma galerie Flickr : http://www.flickr.com/photos/fredlab

 

 

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Par E Jourdan , le jeudi 15 novembre 2012.

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