À la Une : Les projets de programme de spécialités de la classe de Terminale S 

Par Eric Castanet



L’enseignement de spécialités vient d’être réformé. Mais a-t-il été modernisé, adapté ou bien plutôt dénaturé, sacrifié ? Qu’en est-il vraiment ? Découvrez quelques réactions.


Après les programmes du tronc commun les programmes de spécialités sont là ! La consultation nationale sur les projets de programme est en marche, vous avez jusqu’au 23 avril pour vous exprimer.


Le contenu de ce projet de programmes.


La grande nouveauté. Les trois spécialités classiques : SVT, mathématiques et physique chimie sont toujours là, mais une quatrième spécialité voit le jour. Elle s’intitule : Informatique et science du numérique.


Spécialité : Informatique et science du numérique. L’objectif n’est pas de former des experts en informatique, mais plutôt de fournir aux élèves quelques notions fondamentales et de les sensibiliser aux problèmes sociétaux induits (respect de la vie privée, propriété des œuvres numériques). Le programme s’articule autour de quatre notions fondamentales: représentation de l’information (représentation binaire, opérations Booléennes, numérisation, compression…), algorithmique, langages et architectures matérielles (architecture des ordinateurs, réseaux et robotiques). Une pédagogie de projets impulsés par le professeur est à privilégier.


Spécialité : Mathématiques. L’enseignement de cette spécialité est basé sur la résolution de problèmes. L'objectif est de placer les élèves en position de recherche. Deux grands thèmes doivent être abordés : l’arithmétique (codage, chiffrement et cryptographie) et matrices et suites (marche aléatoire, pertinence d’une page Web, modèle de diffusion d’Ehrenfest et modèle proie prédateur).


Spécialité : Physique Chimie. L’objectif est de préparer l’élève à une poursuite d’études scientifiques dans ce domaine. Il lui permet en effet d’affirmer sa maîtrise de la démarche scientifique ainsi que celle des pratiques expérimentales. Le programme comporte l’étude de deux thèmes, un thème à dominante chimie : l’eau ; et un thème à dominante physique : son et musique. Le professeur les explore à partir de mots clés jusqu’aux vacances de noël. À partir de janvier, l’élève en équipe mène à bien un projet qu’il a élaboré durant les premiers mois de l’année scolaire. Il n’y a aucune restriction quant au sujet du projet. Il doit produire un dossier de 5 pages maximum et un support de communication qui serviront de base à l’évaluation dans le cadre des ECE.


Spécialité : SVT. Le projet de programme est découpé en 3 parties (parties que l’on retrouve dans les programmes de SVT depuis la classe de 2ème).

- Énergie et systèmes vivants : grands mécanismes énergétiques à l’échelle cellulaire

- Atmosphère, hydrosphère, climats : du passé à l’avenir (quelques aspects de la relation entre histoire de l’atmosphère et histoire du climat).

- Homéostasie et santé : exemple du diabète de type I.

Pendant un semestre, l’enseignant devra organiser un enseignement fondé très largement sur des activités concrètes et variées et adaptées au thème traité. Pendant l’autre moitié de l’année, il est demandé à l’élève d’effectuer une production personnelle comportant une dimension expérimentale. Un dossier de 5 pages maximum et un support de communication serviront de base à l’évaluation dans le cadre des ECE. Cela laisse penser à une refonte complète des épreuves pratiques au baccalauréat : peut-être des oraux (genre TPE) qui se rajouteront aux épreuves des ECE ?


Quelques réactions sur la spécialité Physique Chimie. Elles expriment bien souvent l’incompréhension face à la forme et au fond de cet enseignement.


Réaction de l’Union Des Professeurs de Physique et de Chimie.

Peut-on encore parler d’enseignement de spécialité ?

Le bureau de l’UdPPC a pris connaissance des programmes des différents enseignements de spécialité en terminale S.

L’association déplore tout d’abord l’absence de réflexion sur le rôle de l’enseignement de spécialité physique - chimie et sur son articulation avec le tronc commun.

D’autre part, le texte proposé pour la spécialité physique-chimie ne fait référence à aucune compétence scientifique spécifique. La seule compétence nouvelle par rapport au tronc commun consiste à « savoir parler de sujets en relation avec les mots clés du programme» ; l’UdPPC ne saurait s’en satisfaire.

Par ailleurs, l’UdPPC s’interroge sur les conditions dans lesquelles la spécialité sera évaluée au baccalauréat. Le texte proposé est tellement flou que l’on peut craindre qu’un projet à caractère expérimental ne soit évalué qu’à travers un exposé, lequel pourrait même se substituer à l’ECE.

L’UdPPC constate enfin que l’organisation prévue sous forme de projets d’élèves ignore totalement les problèmes pratiques d’organisation dans les laboratoires (disponibilité des locaux, des agents, problèmes de responsabilité, impact sur les budgets de fonctionnement...).

Ce texte est hélas révélateur d’une méthode de travail que l’UdPPC dénonce depuis la genèse de la réforme du lycée : manque de réflexion sur les objectifs, contraintes de temps réduites, modalités du baccalauréat inconnues.


Réaction du SNES groupe contenu Physique Chimie

Le SNES, syndicat majoritaire des enseignants du second degré, a lancé sa propre consultation sur l’ensemble des projets de programme. En ce qui concerne le programme de spécialité de physique-chimie en terminale scientifique, les réactions sont encore plus vives que celles qu’avait pu susciter le projet pour le tronc commun.

Choix pédagogique. Ce texte introduit une nouveauté : le travail par projet. Le SNES sait que le travail par projet est une des réussites de la voie technologique et qu’il se pratique aussi en classe préparatoire aux grandes écoles. Mais les compétences exigibles sont ici les mêmes que celles du tronc commun, le dossier ne peut dépasser cinq pages et les deux thèmes, imposés pour la durée de l’application du programme (eau en chimie, son et musique en physique), ne semblent exister que pour permettre à l’élève d’apprendre à « parler » au sens de « savoir définir et utiliser les termes composant la discipline ». Ces ambitions très réduites inquiètent les enseignants. Après une diminution de 30 % des horaires de physique-chimie en première S et la suppression du caractère obligatoire des dédoublements pour des travaux pratiques, sur quelles connaissances, sur quels savoir faire, le lycéen pourra-t-il s’appuyer pour « affirmer sa

maîtrise de la démarche scientifique ainsi que celle des pratiques expérimentales » ?

Evaluation. Beaucoup de collègues notent qu’il est impossible de se faire une opinion d’un enseignement dont on ne connaît ni les objectifs ni les modalités d’évaluation. Le projet serait évalué dans le cadre de l’évaluation des capacités expérimentales (ECE). L’ECE a maintenant atteint son rythme de croisière, mais il reste des problèmes non résolus : un important travail de préparation non reconnu, du matériel parfois coûteux non financé, une évaluation locale dont les modalités sont parfois discutables. Il ne peut être question d’alourdir ce travail ni d’augmenter la part de contrôle local.

Mise en œuvre. Il n’est pas prévu de groupes à effectifs réduits. Or il n’est pas raisonnable d’envisager qu’un professeur accompagne 7 groupes de 5 élèves, travaillant sur des projets qui pourraient n’avoir rien de commun. Pourtant, la réforme ne prévoit aucun garde-fou alors que le travail en groupe à effectifs réduits est désormais lié à un arbitrage local des moyens.

Finalement, comme pour le tronc commun, le libellé du texte est si flou qu’il serait possible

de pervertir ce qui semble être son esprit : avec des élèves non armés par l’enseignement reçu

antérieurement et des enseignants paralysés par une institution aux moyens raréfiés le projet

risque de devenir une étude documentaire grand public de cinq pages illustrées de photos de

petites expériences.


B.Ducos. Enseignant.

En lisant beaucoup de réactions quelque peu pessimistes dans différents forums, je me pose la question suivante : Puisqu'on nous donne une grande liberté pédagogique pour traiter ces nouveaux programmes, qu'est-ce qui nous empêche d'y inclure la composante expérimentale qui nous est si chère ? Nous pouvons très bien "guider" les élèves vers des expériences classiques ou innovantes selon les moyens et le public que nous avons, tout en flirtant avec le référentiel proposé...


T.Simon. Enseignant.

Je suis particulièrement étonné par le flou de l'organisation  de la spé et l'absence d'informations sur les épreuves de BAC. L'ECE devenant un TPE , comptera-t-elle pour 4 points au Bac? Si oui, ce n'est pas cher payé pour les élèves qui passent l'année sur leur dossier (de 5 pages...). La richesse de l'actuelle spé était sa diversité ; avec la réforme, on assiste à un unique thème de recherche. Vu ce que l'on voit actuellement en TPE de 1ère, on a du souci à se faire. Au niveau organisationnel, s'il y a 24 élèves répartis en 12 binômes, comment va faire le prof pour gérer en même temps ces douze groupes sur des expériences diverses et variées, d'autant que les élèves peuvent prendre n'importe quel sujet, comme suggéré dans le préambule ("n'importe quel thème présent ou non en 1ère ou Terminale")? L'exercice écrit disparaît de facto. Y aura-t-il  de l'ECE en tronc commun ? Enfin, dans les compétences exigibles en "enseignement spécifique" (on notera le glissement sémantique), je suis surpris par le nombre de fois où on lit "extraire et exploiter des informations" au détriment de l'expérimental.


Les projets de programme de Terminale sur Eduscol.

http://www.eduscol.education.fr/cid55136/consultation-sur-le[...]

Les programmes actuels de Terminale

http://www.eduscol.education.fr/cid46522/programmes-du[...]

La une de la rubrique de SVT du 122 :

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/sciences/s[...]



Sur le site du Café

Par ecastanet , le dimanche 24 avril 2011.

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