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Pour l'enseignant 

Par Didier Missenard et Laure Étevez


Une interview de M. Launay, qui veut rendre les maths ludiques ; une revue de façons de rendre les cours interactifs ; le point sur les inscriptions aux concours ; le bulletin de la Cfem ; la lettre TIC'Edu ; les trophées Tangente ; un colloque à l'ESPE de Créteil, et un immense tableau transversal sur les programmes…


Rendre les maths ludiques, ce n'est pas baisser le niveau

La ministre de l'Éducation Nationale a lancé une nouvelle « Stratégie mathématiques ». Une nouvelle façon d'enseigner les mathématiques qu'on voit de plus en plus dans les classes et de nombreuses initiatives se développent pour rendre les maths plus attrayantes. Parmi ces initiatives, celles de Mickaël Launay qui propose des activités ludiques et innovantes sur son site Micmaths. Il livre au Café pédagogique quelques idées pour intéresser les élèves et surtout les faire se poser des questions et réfléchir, parce que finalement, faire des maths, c'est surtout ça.


Depuis quelques années, un mouvement dans la façon d'enseigner les mathématiques apparaît : plus d'activités de recherche et moins d'exercices calculatoires. Derrière ce mouvement, ce sont les objectifs même de l'enseignement qui changent. Alors pour vous, quels sont ou quels devraient être les objectifs de l'enseignement des maths à l'école ? Au collège ? Au lycée ?


À quoi ça sert d'apprendre les maths ? C'est la grande question qui revient à chaque fois ; il faut bien avouer que pour la plupart des élèves, connaître le théorème de Pythagore, savoir résoudre un système d'équation ou dériver une fonction ne servira jamais à rien. Ou si rarement qu'on se demande s'il est raisonnable d'y consacrer plusieurs heures par semaines de toute sa jeunesse. Si les mathématiques peuvent et doivent, à mon avis, rester une grande matière scolaire, ce n'est pas tant pour les résultats qu'on y apprend que pour l'apprentissage du raisonnement et de la méthode par lesquels on y arrive.


Des associations comme Math.en.Jeans ont, depuis de nombreuses années, commencé à organiser des ateliers de recherche dans les collèges et les lycées en faisant venir des chercheurs dans les classes pour proposer des problèmes ouverts aux élèves. Et cela peut commencer très tôt : l'association Science Ouverte propose également ce genre d'atelier dans les écoles et même dès la grande section de maternelle sur des thèmes comme le tri ou la mesure. Mettre les élèves dans une situation de recherche, c'est d'abord leur faire se poser des questions et réfléchir eux-mêmes aux moyens d'y répondre. Dans cette démarche, la nécessité d'avoir du vocabulaire, de savoir faire certains calculs ou de connaître certains résultats apparaît d'elle-même.


Pour les enseignants, cela demande aussi une certaine dose de lâcher prise, car les élèves peuvent nous surprendre et partir dans des directions que nous n'avions pas imaginées. Cela demande également une certaine souplesse et des programmes pas trop chargés pour pouvoir prendre ce temps de "divaguer" sur des choses qui n'étaient pas forcément prévues.


Qu'est-ce que les jeux peuvent apporter à l'enseignant. Comment les intégrer dans nos pratiques au quotidien ?


Le jeu permet de donner un attrait immédiat aux questions mathématiques. C'est une sorte de nappage que l'on rajoute par dessus pour donner envie de rentrer dans la discipline et donc d'accepter plus facilement d'avoir aussi à travailler des aspect plus techniques. La notion de jeu est d'ailleurs très large, cela peut aller d'un jeu traditionnel à deux ou plusieurs joueurs (jeu de Hex, jeu de Nim), à un tour de magie à comprendre, en passant par de l'origami, des énigmes ou la construction d'objets étranges (comme les hexaflexagones par exemple). Faire une séance de jeu, c'est une bonne façon d'aborder un thème mathématique. Par exemple le jeu des allumettes (chaque joueur prend 1, 2 ou 3 allumettes, celui qui prend la dernière a perdu) permet d'aborder les notions de congruence, de stratégie gagnante, de démonstration par récurrence... Et que se passe-t-il si on change un peu les règles (on peut prendre 1, 2 ou 4 allumettes, mais pas 3) ?


Et puis l'aspect ludique, c'est avant tout un état d'esprit. Un cours magistral au tableau peut aussi être ludique. Prenons un cours sur les équations. Une équation c'est une devinette et avant d'entrer dans la théorie, il est possible de lancer des défis aux élèves : "Pouvez vous trouver un nombre qui ne change pas quand on le multiplie par lui-même ? Un nombre qui double quand on lui ajoute 3 ? Un nombre qui augmente de 1 quand on le met au carré ?". Puis les faire réfléchir à l'envers : "Pouvez vous trouver une équation dont la solution est 7 ? Une équation qui a exactement deux solutions : 2 et -2 ? Une équation qui a pour solution 3 et 7 ?" Utiliser l'histoire des maths peut devenir aussi un bon moyen de donner des motivations : le poème de Tartaglia qui avait écrit sa solution des équations du troisième degré en alexandrins est assez amusant et peut être un point de départ pour dire aux élèves que ce n'est vraiment pas pratique d'écrire les équations en toutes lettres et que le langage algébrique est quand même bien commode. À partir de maintenant on ne dit plus "Un nombre dont le carré vaut 4", on écrit "x²=4".


Une bonne façon de susciter l'intérêt des élèves est également de poser des questions qui provoquent un débat. Dans un cours sur les polygones, tracez un pentagone étoilé et montrez le point qui se trouve au centre : ce point est-il à l'intérieur ou à l'extérieur ? Est-ce vraiment normal de dire que le nombre 1 n'est pas premier ? Est-ce que compter en base dix est vraiment la meilleure façon de faire ? Sur toutes ces questions, la réponse n'a pas vraiment d'importance. L'important c'est de voir quels sont les arguments pour et contre qui vont être utilisés.


Il n'est pas toujours facile en classe de concilier la nécessité d'intéresser tous les jeunes et la formation de la future "élite" des mathématiques. Est-ce que des activités ludiques peuvent répondre à ces deux impératifs ? D'autant que ces activités prennent beaucoup du temps et que la question des programmes est toujours présente.


Rendre les maths ludiques, cela ne veut pas dire les rendre plus simples et encore moins faire baisser le niveau. Il est même étonnant de voir comme on peut faire passer des notions complexes par le jeu.


Je me rappelle avoir abordé la notion de fonction en atelier périscolaire avec des enfants de 8 à 10 ans. Un enfant devait choisir une fonction dans sa tête (par exemple celle qui multiplie par 2), puis les autres le questionnaient, "Que rend la fonction si on lui donne 5 ? - Elle rend 10 ! - Et si on lui donne 3 ? - Elle rend 6..." Le but était, pour ceux qui posaient les questions, de deviner comment marche la fonction. Ayant proposé ce jeu comme un test, pour voir ce qui allait en ressortir, j'ai été surpris par l'imagination des enfants qui ont notamment réinventé les fonctions constantes et la fonction identité.


Pour ce qui est des meilleurs élèves, ils deviennent très rapidement autonomes dans une démarche de recherche. Lorsque j'étais moi même au lycée, il y avait dans mon établissement un club de maths auquel je me rendais toutes les semaines. Le prof qui animait ce club ne m'a jamais appris directement de concept mathématique, mais il m'a posé des énigmes, il m'a conseillé des lectures, il m'a guidé en me montrant des choses qui pouvaient m'intéresser. Aujourd'hui j'ai coutume de dire que le prof auquel je dois le plus est celui qui m'a appris le moins de choses. Cela peut sembler paradoxal, mais cela résume assez bien l'idée que je me fais de l'enseignement des maths dans l'idéal.


Alors bien sûr, je parle de l'idéal, parce que concrètement, oui il y a les programmes, les élèves qui ne sont pas réceptifs pour des tas d'autres raisons extérieures, les tentatives de faire différemment qui ne marchent pas parce que dès qu'on se lance dans quelque chose de nouveau il faut le temps de se rôder, de tester, de se planter, de recommencer sans se décourager... Bref, il y a mes beaux discours et il y a la réalité. Ceci dit, je suis tout de même persuadé que, peu à peu, l'enseignement des maths va se transformer dans ce sens. De nombreux profs de maths depuis longtemps dans les IREMs, à l'APMEP ou diverses autres associations ont commencé ce chemin. Les maths, en dépit de leur relative mauvaise image actuelle, ont un formidable potentiel pour devenir une discipline très populaire à l'école comme ailleurs.


Propos recueillis par Laure Etevez



Des cours de mathématiques interactifs

Et si l'on pouvait proposer aux élèves des QCM en classe et avoir un retour immédiat sur leur réponse ? Les idées pour rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages en cours de maths fleurissent. C'était d'ailleurs le sujet de plusieurs ateliers aux dernières journées de l'APMEP. Mais un outil en particulier a retenu notre attention. Rencontre avec un utilisateur, Jean-François Parmentier.


Jean-François Parmentier travaille à l'institut de recherche en enseignement des sciences de  l'université Paul Sabatier de Toulouse. Il a profité des journées toulousaines de l'APMEP pour faire part aux professeurs de mathématiques d'une méthode qui pourrait leur être bien utile.


L'idée de départ est simple : des études menées à l'université ont montré que si l'attention augmente en début de séance, les étudiants décrochent ensuite progressivement. Au bout de 20 minutes, la moitié des étudiants ne suivent déjà plus ! Quand on pense que l'attention des plus jeunes est moindre, on peut s'inquiéter sur le nombre d'élèves vraiment attentifs au bout de 50 minutes de cours au collège ou au lycée.


Alors des enseignants de l'ENS belge ont cherché un moyen de relancer l'attention régulièrement durant leurs cours. Un petit boitier interactif le leur permet : ils posent une question à la classe et les étudiants utilisent leur boitier pour voter anonymement entre les propositions de réponse. Ensuite les pourcentages de réponse pour chacune des propositions sont indiqués à la classe et les étudiants disposent d'un temps pour essayer de se convaincre les uns les autres. La question est ensuite posée à nouveau (et on espère que davantage d'étudiants choisiront la bonne proposition).


Mesurer la compréhension


En dehors de la question de l'attention, plusieurs avantages sont évoqués par les enseignants qui pratiquent cette méthode : elle permet d'avoir une idée rapide de la compréhension globale de la classe, elle amène les élèves à réfléchir à leur réponse spontanée, à communiquer et à argumenter (et donc à mémoriser) ; enfin les élèves ont un retour immédiat sur leur propre compréhension.


Le type de question posé est essentiel. Il est préférable d'éviter les questions calculatoires et de privilégier les questions portant sur les concepts pour amener les élèves à réfléchir et savoir s'ils ont réellement compris. Pour stimuler la communication entre les élèves il est intéressant d'avoir des résultats partagés au départ : si tout le monde a la bonne réponse, plus besoin d'argumenter.


Des études sur l'efficacité de l'interactivité ont été faite au niveau du supérieur et elles montrent un gain non négligeable sur l'apprentissage des étudiants : là où un cours traditionnel fait progresser les résultats de moins de 30%, un cours interactif permet une amélioration de 30 à 70% (suivant le degré d'interactivité).


De l'interactivité à moindre frais


Il paraît bien sûr difficile d'équiper des classes entières de boitiers électroniques. Dans certaines régions, il est possible de monter des partenariats avec les universités déjà équipées. C'est le cas par exemple des universités Pierre et Marie Curie à Paris ou Paul Sabatier à Toulouse.


Mais des solutions gratuites ou quasi gratuites existent. On peut utiliser des cartons de couleurs, mais on perd alors l'anonymat qui permet aux élèves de s'exprimer sans crainte.

On peut aussi utiliser des applications pour tablettes et smartphone permettant de scanner les réponses d'une classe. C'est le cas par exemple de VoteAR qui utilise des couleurs ou de Plickers qui fonctionne sur le principe des QR code.


VotAR, un système innovant de vote à base de feuilles imprimées

http://libre-innovation.org


Plickers et son utilisation en classe

http://profjourde.wordpress.com/2014/03/14/plickers-des-boitiers-d[...]


Des études (en anglais) sur l'efficacité des boitiers de vote

http://journals.aps.org/prstper/abstract/10.1103/PhysRevSTPER.10.[...]

https://www.sciencemag.org/content/332/6031/862.short?related-urls[...]

http://www.sciencemag.org/content/323/5910/122.figures-only


La lettre TIC'Édu est parue

La lettre TIC'Édu numéro 22 de novembre 2014 est parue sur Eduscol.

Au sommaire, des informations « zoom sur… » le nouveau document ressource « exercices en mathématiques », GeoGebra 5, les TraAM (Travaux Académiques Mutualisés), les cours en ligne de France Université Numérique, EduPython 1.3, les capteurs des calculatrices…

http://eduscol.education.fr/maths/ticedu/lettre-22


Les inscriptions aux concours sont closes

Le feuilleton du recrutement continue.

Le 18 novembre, le ministère a publié un communiqué criant victoire, et citant en particulier les mathématiques, où 4682 candidats se sont inscrit au CAPES en 2015 contre 3187 en 2014. Si l'augmentation réjouit certes, encore faut-il ne pas vendre la peau de l'ours avant de savoir combien composeront (les 2/3 souvent), et quelle proportion des postes budgétés sera pourvue… Nous sommes sans doute sur la bonne voie, car la facilité relative du concours commence à se savoir : pour autant, les personnes attirées par le professorat de mathématiques le seront-elles pour de bonnes raisons et munies de connaissances suffisantes ?

Un autre chiffre est plus inquiétant : en dépit de l'augmentation en maths, lettres modernes et anglais, le nombre de candidats, tous CAPES confondus, a baissé de 4%…

http://www.education.gouv.fr/cid83897/l-education-nationale-recrute-e[...]


Les trophées Tangente

Les Trophées Tangente sont des prix annuels décernés par le magazine Tangente. Ils ont été proclamés le mercredi 19 novembre au Palais du Luxembourg.


C'est Jean-Paul Delahaye, animateur talentueux de la rubrique mathématique du mensuel « Pour la Science », qui a remporté le Prix Tangente du Livre pour son ouvrage « Inventions mathématiques » (Belin).

Le prix Bernard-Novelli, qui prime des projets informatiques de lycéens autour du jeu et des mathématiques a été décerné à Mathieu Roget, pour son jeu « Des + et des – ».

Enfin, un professeur de mathématiques, Fabien Aoustin, de Saint-Quentin (Aisne) a remporté le Prix Tangente du meilleur article : ce trophée est parrainé par l'APMEP et le magazine Pour la Science. L'article primé est à paraître en janvier 2015 dans Tangente : il s'intitule « La perspective, de l'art à la démonstration ».

http://tropheestangente.com/index.php


Un tableau pour une version transversale des programmes

Frédéric Léon est professeur dans l'académie de Créteil. Il a travaillé pendant plusieurs années à créer des tableaux résumant l'apparition et l'évolution des notions dans les programmes du collège et du lycée. Au final, il publie un document très complet qui permet de mieux appréhender les notions à transmettre aux élèves : c'est un monument de référence qui sera fort utile en particulier aux enseignants en cours de formation.

Le récit du projet et les documents sont disponibles dans le dernier numéro de MathémaTICE.

http://revue.sesamath.net/spip.php?article675


Le bulletin de la Cfem et l'enseignement des maths

Le bulletin de décembre de la Commission française pour l'enseignement des mathématiques est consacré aux difficultés que traverse l'enseignement de notre discipline : recrutement, réseau des IREMs, etc.

Le bulletin présente aussi le Forum des mathématiques vivantes, qui se tiendra les 21 et 22 mars 2015 et fermera la semaine des mathématiques 2015. Il évoque aussi l'enseignement de l'informatique, et le dispositif Math.en.Jeans.

http://www.cfem.asso.fr/liaison-cfem/lettre-cfem-decembre%202014


Compter, calculer au regard des sciences cognitives 

L'ESPE de Créteil organise le 14 janvier 2015 une journée de formation sur les processus cognitifs propres à la numéracie. Michel Fayol et Catherine Thévenot interviendront sur les difficultés cognitives dans les apprentissages mathématiques.

http://espe.u-pec.fr/recherche/actualites/journee-d-etudes-compter-c[...]



Sur le site du Café

Par dmissenard , le mardi 16 décembre 2014.

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