À LA UNE 

Rédaction : Didier Missenard



Le projet de programme pour la classe de Seconde

Le projet de programme transitoire pour la classe de Seconde, qui sera mis en œuvre pour l’année scolaire 2009-2010, suscite bien des polémiques.

Mis en consultation jusqu’au 15 mai, il fera l’objet de synthèses académiques, qui seront utilisées pour permettre à l’Inspection Générale d’élaborer la version finale de ce programme. Chaque Lycée a reçu des instructions rectorales visant à l’élaboration de ces synthèses.

Pour résumer, le projet propose, comme nouveautés, d’introduire un enseignement de rudiments d’algorithmique, et d’un thème (à traiter sur une vingtaine d’heures tout au long de l’année) à choisir parmi trois : phénomènes d’évolution, utilisation de la théorie des graphes, cryptologie et codages. Il propose aussi de poursuivre l’étude des probabilités, désormais initiée au Collège, et des statistiques, mais il réduit de manière importante l’étude de la géométrie, n’y laissant qu’une introduction à la géométrie repérée, et une incitation à travailler sur « les configurations de l’espace ».

Ce projet a provoqué l’ire de plusieurs acteurs, dont l’APMEP et le SNES : étonnamment, l’APMEP a même été jusqu’à appeler ses adhérents à signer, dans un curieux mélange des genres, une pétition du SNES. Daniel Perrin s’est aussi montré très critique, intervenant au Conseil Scientifique des IREMs pour déplorer la place réduite laissée à la géométrie en général, et plus particulièrement à l’étude des triangles, dont il avait été l’initiateur lors des programmes 2000.

La SMF n’est pas en reste, et publie un article non signé très hostile qui témoigne d’une approche des problèmes de l’enseignement qui nous a laissés rêveurs.

D’autres opinions se sont fait jour, comme celle de René Cori, qui a déploré en particulier l’absence du vectoriel, qui retarde l’appropriation d’un modèle indispensable en vue de l’étude de l’algèbre linéaire, ainsi que la faible place de la géométrie dans l’espace. Néanmoins, celui-ci se démarque nettement de la position commune au SNES et à l’APMEP, en pensant qu’il est tout à fait intéressant de proposer des nouveautés dans ce programme transitoire, et de ne pas se contenter de mesures d’adaptation a minima avec les programmes de Collège. Il est intéressant de savoir que R. Cori connaît bien la question pour avoir participé au petit groupe qui a élaboré le projet de programme qui avait vu le jour dans le cadre de la réforme du Lycée, dont l’avènement est désormais reporté. Par ailleurs, il soutient l’introduction de l’algorithmique et de l’inscription explicite de points de langage et de raisonnement.

On consultera avec intérêt les commentaires de Jean-Pierre Kahane à propos du contenu de ce projet. Rappelons que J-P. Kahane a coordonné les travaux d’une commission qui a fait le point sur l’enseignement des mathématiques entre 1999 et 2001. Il salue l’introduction de l’algorithmique au sein de cet enseignement (et non comme discipline séparée, comme il en avait été question à la perplexité générale dans le projet initial de réforme), et accueille favorablement la place importante prise par les probabilités et les statistiques. Il critique néanmoins, lui aussi, le peu de place fait à la géométrie.

Pourtant, ce projet traduit fort bien les pistes qui sont apparues lors du Colloque sur l’avenir de l’enseignement des mathématiques (organisé à Paris en novembre 2008 par l’Inspection Générale et la DGESCO), et où un consensus assez net apparaissait quant à la nécessité d’une franche évolution de l’enseignement de notre discipline, avec, en particulier, l’introduction de davantage de « mathématiques discrètes ». On notera ainsi que le préambule de ce projet propose un « objectif de formation (…) centré sur la résolution de problèmes », et rappelle que « l’acquisition de techniques (…) n’est pas un objectif en soi, mais est au service de la pratique du raisonnement, qui doit être la base de l’activité de l’élève ». Le projet consacre aussi un paragraphe entier, intitulé « notations et raisonnement mathématique », préconisant l’utilisation du vocabulaire de la théorie des ensembles, et de ses notations de base, ainsi que des quantificateurs : la plupart des enseignants salueront sans doute ce retour. Leur absence les plaçait en effet dans une position pédagogique souvent intenable.

De même, l’introduction des thèmes indique que « l’entrée dans le thème doit privilégier une activité de recherche et d’expérimentation autour d’un questionnement » et que l’évaluation doit être « dans tous les cas une évaluation par compétences qui doivent faire l’objet d’une validation ». Ces commentaires rappellent les objectifs et modalités de l’épreuve expérimentale en TS, qui s’appuie systématiquement sur un questionnement ouvert, et fait l’objet d’une évaluation par compétences. Notons au passage l’interruption de cette expérimentation, annoncée par le Doyen Jacques Moisan devant le Comité Scientifique des Irems, le format de Baccalauréat ne devant pas changer avant 2013 ; seules des banques de sujets seraient encore publiées chaque année.

Les extraits cités vont plutôt dans le bon sens : pourquoi alors ne pas commencer à tester ces innovations dès l’an prochain. Certes, ceci se fera en l’absence de manuels, mais sans doute avec des ressources écrites d’ici là. Certes, aussi, la formation des enseignants fera-t-elle défaut relativement à des contenus complètement nouveaux pour beaucoup. Mais la mise en acte de ce projet permettra peut-être alors d’affiner le futur programme qui sera mis en place en 2010, lors de la future réforme…

Ainsi, ce projet de programme fait-il bien ressortir des lignes de clivage dont les ressorts sont sans doute liées aux représentations profondes qu’ont les divers acteurs des objectifs de la formation en général, et du rôle de l’enseignement des mathématiques dans celle-ci.


Le projet de programme, sur Eduscol

http://eduscol.education.fr/D0015/consult_Maths.htm

Dans l’Expresso du 23 mars, la mise au point de J. Moisan à propos du lien entre réforme et nouveau programme

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/03/23032009[...]

Le courrier de J-P. Kahane au comité scientifique des Irems

http://www.univ-irem.fr/IMG/pdf/JPKahane-Commentaires-Proje[...]

L’avis provisoire du Comité Scientifique des Irems

http://www.univ-irem.fr/IMG/pdf/Seconde-CSIREM-20090320.pdf

Le site du Colloque sur l’avenir de l’enseignement des mathématiques

http://colloque.maths.free.fr/



Par dmissenard , le mercredi 15 avril 2009.

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