Le mensuel Imprimer  |  Télécharger nous suivre sur Twitter nous suivre sur Facebook

Patrice Robin : La gestion de l’eau par le jeu 

Gestionnaire de barrage, industriel, agriculteur, simple citoyen, les lycéens incarnent chacun un rôle autour d’un jeu de plateau pour réflechir sur la gestion de la ressource en eau. Patrice Robin, enseignant de sciences économiques et sociales au lycée d’enseignement général et technologique agricole Federico Garcia Lorca de Théza (66) a mis au point le jeu qui permet aux élèves de « se confronter à une situation de crise liée par exemple à une pénurie de la ressource pour satisfaire tous les besoins ». La complexité de la gestion de l’eau s’appréhende par les échanges autour des réalités des rôles choisis. Nommé L’Eau en Têt, le jeu aborde aussi la pollution des nappes phréatiques.


Quelles sont les situations pédagogiques proposées aux élèves dans le jeu ?

Les élèves incarnent un acteur de la gestion de l’eau dans un territoire. Ils peuvent ainsi incarner un agriculteur, un industriel, un responsable d’une collectivité locale, des habitants, un gestionnaire de barrage ou d’autres infrastructures liées à l’eau. Le jeu se joue autour d’un plateau de 8 rôles généralement, par une succession de tours de jeu. Un tour de jeu représente une période, en général l’été ou un moment de l’été, pendant laquelle la ressource en eau est réduite pour des raisons climatiques et en même temps les besoins des acteurs sont importants (irrigation agricole, besoins des habitants et des touristes par exemple). Deux tours de jeu consécutifs peuvent par exemple représenter deux étés consécutifs. Entre deux tours de jeu, les élèves ont un temps qui leur est donné (par exemple 15 mn) pour évaluer la situation, réfléchir à la suite du jeu et prendre des décisions qui viennent modifier le plateau de jeu. Les joueurs vont donc rapidement, en général dès le deuxième tour de jeu, se confronter à une situation de crise liée par exemple à une pénurie de la ressource pour satisfaire tous les besoins. Ils vont donc devoir réfléchir ensemble à la fois aux causes de la crise qu’ils rencontrent et aux solutions envisageables pour la régler ou la réduire. Cela les amène donc à définir des règles de partage de l’eau entre eux, mais aussi des modifications apportées à leurs activités et leur manière d’utiliser l’eau. Le jeu permet d’expérimenter ces règles de partage et de voir si elles permettent d’améliorer la situation, et donc d’envisager de les modifier de tour en tour. La crise proposée aux élèves peut aussi concerner des problèmes de pollution de l’eau qu’ils devront chercher à résoudre.


En quoi cela améliore leur compréhension de la complexité des enjeux ?

Les enjeux de la gestion de l‘eau sont complexes car ils mobilisent de très nombreux acteurs d’un territoire poursuivant des objectifs très différents, avec des usages synchrones, différents mais interdépendants de la ressource La complexité est également liée au fonctionnement naturel de la ressource elle-même (dépendance aux variations climatiques, caractère caché de la dynamique des eaux souterraines, fonctionnement des écosystèmes liés à l’eau etc). La complexité enfin, est liée à la question des différentes échelles géographiques et sociales qui sont en jeu : de la parcelle ou du jardin particulier au bassin versant dans son entier, de l’acteur individuel aux organisations collectives et publiques impliquées dans la gestion de l’eau, de l’intérêt individuel à l’intérêt général.

Le jeu permet de conserver cette complexité mais en la réduisant de telle manière que le joueur, et donc l’élève et l’étudiant, va pouvoir mieux se l’approprier en devenant un élément de cette complexité. Le principe du jeu de rôle les amène en effet à réfléchir en tant qu’acteur à des actions et des choix concrets qu’ils vont devoir faire, des décisions à prendre. Le réalisme du jeu est suffisant pour que ces actions, choix et décisions soient proches des situations réelles rencontrées par les acteurs réels impliqués dans la gestion de l’eau : changer de technique d’irrigation, changer de culture pour consommer moins d’eau, installer des systèmes de récupération d’eau de pluie, réduire les fuites d’un réseau d’eau potable, agrandir une station d’épuration, réduire l’utilisation de désherbants chimiques, installer ou fermer un forage dans une nappe, mettre en place un système de surveillance du niveau de la ressource en eau, décider de règles de priorité entre usages lorsque la ressource est insuffisante, décider de taxes ou de subventions, protéger un espace naturel, mettre en place une association et organiser des assemblées générales pour débattre et prendre des décisions etc.

En jouant un rôle particulier, il représente en fait tout un ensemble d’acteurs ayant les mêmes caractéristiques. Comme le jeu les place en situation d’interaction avec les autres joueurs et donc les autres acteurs de l’eau, cette interaction (dans le partage de la ressource et dans les phases de dialogue, de négociation et de prises de décision individuelle et collective) leur permet d’accéder en même temps aux logiques des autres acteurs que celui qu’il incarne.

Enfin, dans le jeu, la ressource en eau, mais aussi la pollution éventuelle,  sont matérialisées par des « billes » de couleurs différentes (par exemple de couleur bleue pour l’eau, de couleur rouge pour la pollution etc). Ces « billes » représentent une certaine quantité de ressource et elles circulent sur le plateau (par exemple, elles descendent une rivière d’amont vers l’aval, où sont remontées d’une nappe à la surface grâce à un forage etc) et entre les joueurs.


Des conseils pour optimiser l’investissement en temps exigé par votre démarche …

Dans notre démarche de diffusion de L’eau en Têt, il est hors de question de laisser un enseignant intéressé par le jeu seul face au jeu. Un accompagnement est prévu, qui peut prendre la forme d’une ou deux journées de formation sur site selon les projets des enseignants, et d’un suivi à distance pour aider à la mise en œuvre de séances. La diffusion est également l’occasion de présenter plusieurs outils reposant que la même méthodologie (à savoir Wat-a-Game) qui a servi à élaborer L’Eau en Têt pour permettre à l’enseignant de choisir l’outil qui lui semble le mieux adapté à sa démarche. Autour de cette famille de jeu pédagogiques s’appuyant sur Wat-a-Game, la volonté est aussi de donner la possibilité aux utilisateurs d’échanger sur leurs pratiques et leurs usages de ces dispositifs pédagogiques.

Donc, pour un enseignant souhaitant se lancer, la première étape est sans doute de prendre connaissance de L’Eau en Têt à travers les tutoriels de présentation mais aussi prendre connaissance de Wat-a-game et de My river kit/ Ces ressources permettent de comprendre la base du jeu de rôle et de pouvoir réfléchir à l’intérêt potentiel de ces jeux pour l’enseignant.

La deuxième étape, souvent utile avant une prise de contact, est de réfléchir au contexte pédagogique dans lequel l’enseignant envisage d’utiliser le jeu (classe, matière(s) concernée(s), objectifs du programme concernés, éventuellement volume horaire qui pourrait être consacré). Une fiche pédagogique pour les séances envisagées peut être élaborée à ce moment là.

La troisième étape est d’échanger directement avec la personne concernée selon le jeu qui serait utilisé pour organiser, soit l’accès direct au jeu (pour My river kit par exemple), soit une phase d’initiation/formation pour L’Eau en Têt (dispositif à définir au cas par cas).

La quatrième étape est l’organisation d’une séance test pour s’approprier le jeu. Elle peut se faire avec des collègues ou un groupe d’élèves, voire tout seul. Lors de cette séance test, l’enseignant peut tester un scénario pédagogique (Que se passe t-il dans les différents tours de jeu qu’il envisage ?).

La dernière étape est la réalisation de la séance avec les élèves, son analyse et le partage de cette analyse en nous transmettant un rapide retour d’expérience.


Entretien par Julien Cabioch

Le dépliant du jeu

Lien vers les tutoriels spécifique de L’Eau en Têt

 

Dans le Café

Géo : L'eau en Australie



Par fjarraud , le mardi 11 février 2020.

Partenaires

Nos annonces