A la Une : Sylvain David : " L'avenir des sciences sociales autres que l'économie n'est absolument pas garanti au lycée" 

Par François Jarraud 



Au terme d'une année particulièrement difficile pour les SES, l'Apses a tenu les 13 – 14 juin son congrès. Nous avons demandé à Sylvain David, réélu président de l'Apses, son analyse de la situation actuelle des SES.


L'année a  été très difficile pour les SES. Elles ont été dénoncées, menacées de disparition. Aujourd'hui il semble que le rapport Descoings veuille les généraliser. Pensez vous avoir acquis la certitude de la survie et de l'extension des SES ?


Il est certain que l'année scolaire qui s'achève a été particulièrement agitée pour les SES. En octobre dernier, les premières annonces de Xavier Darcos concernant la réforme du lycée signaient la fin  de l'enseignement des SES à brève échéance. Mais en décembre, à la suite d'une très forte mobilisation des enseignants de SES (ils étaient 1500 à manifester à Paris le 3 décembre, soit près d'un enseignant de SES sur trois) qui a bénéficié d'un soutien très large de la part de personnes d'horizons très divers, le Ministre déclarait que "les lycéens ont besoin de SES" et annonçait son intention de les rendre obligatoires en seconde. En quelques mois, les SES étaient passées de l'ombre à la lumière. Pour l'APSES, les propos tenus en décembre dernier par Xavier Darcos constituent une reconnaissance officielle de l'intérêt des SES au sein du lycée et nous considérons que le rapport Descoings conforte ces propos dans la mesure où il recommande lui-aussi de le rendre obligatoires en classe de seconde. Nous n'accepterons pas toutefois que les SES se voient proposer seulement une espèce de "strapontin". C'est bien un enseignement annuel permettant une réelle formation des élèves que nous demandons.


Comment voyez vous l'avenir de la filière ES ?


Richard Descoings considère que la série ES ne pose pas problème et qu'à aucun moment, lors des consultations qu'il a menées, on ne lui a fait part du moindre reproche concernant cette voie de formation. Il serait totalement absurde de vouloir remettre en cause ce qui fonctionne. Pour autant, l'APSES considère que des pistes d'amélioration de la série ES mériteraient d'être explorées. Nous pensons ainsi, par exemple, qu'une réflexion devrait être menée pour améliorer la cohérence de la formation dispensée au sein de la série ES en favorisant les mises en synergie des contenus enseignés dans les différentes disciplines (SES, histoire-géographie, mathématiques, philosophie notamment).


Le débat portait aussi sur les contenus enseignés. Les SES étaient accusées de désintérêt envers l'entreprise, voire d'éduquer les jeunes à la contestation du capitalisme et des entreprises. Pensez vous qu'on aille vers une redéfinition des contenus et de "l'esprit" des SES ?


Je souhaite que le temps des procès en idéologie soit révolu. Je pense que l'évolution de la situation économique a démontré une bonne fois pour toute la nécessité de dispenser un enseignement indépendant des groupes de pression quels qu'ils soient. Ceux qui considéraient, il y a peu de temps encore, que la capacité d'autorégulation du marché constituait une vérité économique immuable (et qui prétendaient qu'en conséquence l'enseignement des SES devait être consacré à la transmission de cette vérité) doivent faire preuve dorénavant d'un peu plus de modestie. Mais je crois que la plupart des "malentendus" ont été dissipés.


Au sein de l'APSES, nous souhaitons nous engager dans une phase de réflexion productive qui doit pouvoir déboucher sur des propositions d'amélioration. Il y a sans doute des remarques qui doivent pouvoir être prises en compte (je pense par exemple à la nécessité de clarifier les connaissances, les savoir-faire et les compétences que l'enseignement des SES doit permettre de maîtriser).


De même, les enseignants de SES sont demandeurs d'évolutions qui amélioreraient les conditions d'apprentissage des élèves. Il s'agit notamment de réfléchir aux moyens qui peuvent permettre d'alléger les programmes pour laisser plus de temps à la mise en oeuvre des pratiques pédagogiques favorisant la mise en activité des élèves. Une autre réflexion pourrait aussi être menée autour des modalités d'enseignement qui permettraient de faire davantage de place à l'initiation aux méthodes en sciences sociales. Enfin, la question des modalités d'évaluation (notamment à travers les épreuves du baccalauréat) ne doit pas être délaissée. L'APSES entend prendre toute sa place dans ces réflexions.


L'avenir de la sociologie dans l'enseignement secondaire vous parait il assuré ?


L'avenir des sciences sociales autres que l'économie n'est absolument pas garanti au lycée. Plusieurs lobbys souhaitent la création d'un enseignement d'économie plus ou moins "pratico-pratique" tourné vers la connaissance du monde de l'entreprise.


Il faut rappeler que l'enseignement des SES a pour objectifs de permettre aux élèves de mieux comprendre les enjeux économiques et sociaux contemporains et de les préparer à l'enseignement supérieur. L'enseignement des SES doit en partie sa réussite à sa capacité à rendre intelligibles ces enjeux. Cela suppose tout d'abord que cet enseignement puisse mobiliser des connaissances, des démarches empruntées à différentes sciences sociales mises au service de la compréhension de problématiques économiques et sociales. Cela suppose aussi que cet enseignement permette aux élèves qui le suivent d'acquérir une démarche intellectuelle rigoureuse et une autonomie de réflexion.


Sylvain David

 

Entretien François Jarraud



Sur le site du Café
Par fjarraud , le lundi 15 juin 2009.

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