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La Chronique de Lyonel Kaufmann : Enseigner la littératie historique 

Sur le site canadien THEN/HIER [1], Stéphane Lévesque s’interroge et nous interroge concernant l’impératif pour les élèves de savoir lire et comprendre l’information transmise par les médias sociaux sous la forme de contenus numériques textuels et multimédias. On peut associer ce travail à d’autres éléments de l’histoire et de son enseignement à l’ère digitale. [2]

Communément appelée «littéracie», celle-ci implique en histoire de développer les habiletés à lire, à écrire et à penser l’histoire de manière critique. Cependant constate Stéphane Lévesque :

«En dépit des performances remarquables des jeunes dans les évaluations standardisées en lecture et en écriture (voir notamment les résultats de l’OQRE), il n’y a pas de véritables indicateurs de progrès en ce qui a trait aux compétences des élèves à lire, à écrire et à penser de façon critique en histoire. Une partie du problème réside dans notre difficulté, à titre d’éducateurs et de didacticiens, à enseigner la littératie historique.»

Une partie du problème réside dans la part importante accordée à l’acquisition de connaissances historiques factuelles. Or, note Lévesque,

«la littératie historique ne représente pas une seule habileté, celle de la maitrise des connaissances, mais plutôt l’interaction complexe de compétences et de ressources dont l’élève a besoin pour interpréter les textes et les réalités du passé.»

Stéphane Lévesque nous propose alors d’établir les contours des compétences disciplinaires propres à l’histoire et adaptée aux enjeux actuels de l’enseignement de la discipline historique. Il les organise autour des questions fondamentales qui guident le travail de l’historien en les rapportant à la guerre de 1812, commémorée en 2012 au Canada :

    1.    La situation d’enquête: Comment pouvons-nous savoir ce qui s’est passé en 1812?

    2.    L’importance historique: Pourquoi la guerre de 1812 est-elle importante à étudier? 

    3.    Ma position personnelle : Dans quelle mesure mon identité affecte-elle ma façon de lire l’histoire?

    4.    L’empathie historique: Comment vivaient les soldats anglais et américains à l’époque de la guerre de 1812?

    5.    Le recours aux sources: Quelles preuve avons-nous  que le Canada a gagné la guerre de 1812?

    6.    Les causes et conséquences: Quelles sont les causes de l’invasion américaine en 1812? Quelles furent les conséquences de la guerre pour les colonies du Canada? 

    7.    Les liens avec le présent: Dans quelle mesure le présent affecte-il notre façon d’étudier les événements du passé? 

    8.    Le jugement: Pourquoi devrais-je accepter ou réfuter les arguments présentés par les autorités canadiennes?

    9.    Le langage de l’histoire: Comment pouvons-nous lire et interpréter les sources produites par les témoins de l’histoire? Comment devons-nous les représenter?

    10. Le récit historique: Quelles récits de la guerre de 1812 sont diffusés de nos jours??Comment ces récits sont-ils construits et pour quel but?

Ces questions sont facilement adaptables à toute situation ou événement historique.

On peut y ajouter des éléments des Thèses sur les sciences historiques à l’ère digitale, proposées en 2009 par Peter Haber [3] et plus particulièrement la production d’un texte combinée avec des ressources numériques et multimédias, le processus collaboratifs, de validation par les pairs et, à titre citoyen, le développement d’une culture open source :

    1.    Visualisation: l’histoire numérique est avant tout un texte scientifique utilisant les capacités multimédias des médias numériques.

    2.    Collaboratif: les processus de travail sont effectué de manière collaborative, et non plus individuellement, à l’aide des technologies des réseaux numériques.

    3.    Culture de l’Open source: l’activité éditoriale change et se calque sur les principes du libre-accès et de l’examen (on-line) des résultats par les pairs.

Je poursuivrai avec la question des manuels adaptés à l’ère numérique et, pour lesquels, Andrew Campel définissait 6 idées forces dont un contenu personnalisable par l’enseignant et par l’élève, une forme numérique multimédiatique et l’évaluation intégrée au manuel. [4]

Je terminerai avec le constat de la nécessité d’un enseignement de l’histoire associant ressources numériques, médiation par les réseaux sociaux, coopération entre élèves et intégration individuelle par l’élève. Il paraît cependant difficile d’y parvenir en disposant d’une à deux périodes par semaine, sauf à associer cet enseignement à l’enseignement du français.

Lyonel Kaufmann, Professeur formateur, Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)


Notes

[1] THEN/HiER est le premier organisme pancanadien (réunissant donc anglophones et francophones) consacré à la promotion et au perfectionnement de l’enseignement et de l’apprentissage de l’histoire. L’organisme réunit les divers acteurs impliqués dans la pédagogie de l’histoire : les universitaires ; les spécialistes œuvrant dans les musées, les archives, et les sites historiques ; les enseignants ; les chercheurs œuvrant dans les facultés d’éducation ; et les créateurs de programmes d’enseignement. L’objet du réseau est de favoriser, d’une part, une pratique de l’enseignement (de la maternelle aux études supérieures) fondée sur la recherche et, d’autre part, une recherche fondée sur la pratique de l’enseignement, le tout par le biais d’un dialogue entre les divers milieux. Leur site :
http://thenhier.ca/fr/

[2] Qu’est ce que la « littératie historique »? | The History Education Network ( http://thenhier.ca/fr/content/quest-ce-qu[...])

[3]Thesen zur Digitalen Geschichtswissenschaft | weblog.histnet.ch (http://weblog.histnet.ch/archives/3035). Traduction française :
http://lyonelkaufmann.ch/histoire/2009/09[...]

[4] The Future of Digital Textbooks | Looking Up :
http://acampbell99.wordpress.com/2012/1[...]



Sur le site du Café

Par jeanpierremeyniac , le vendredi 29 mars 2013.

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