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La chronique de Lyonel Kaufmann 

Lorsque le cinématographe, puis la télévision ont fait irruption dans nos vies, ces technologies n’ont pas manqué de susciter le ravissement et l’effroi au sein de l’institution scolaire. Ravissement de certains s’imaginant qu’en diffusant un film ou une émission de télévision, le savoir allait passer directement dans le cerveau des élèves. Effroi d’autres devant la débauche de moyens face auxquels l’enseignant seul dans sa classe ne saurait durablement régater.

J’y ai repensé tout dernièrement en accédant à la page d’accueil du Google Cultural Institute [1] qui met en ligne des archives numériques sur les grands faits de l’Histoire du XXe siècle. Une plate-forme qui permet aux internautes de consulter librement quelque 6 millions de photos, documents textes, films, provenant de dix-sept musées et instituts culturels de différents pays. Comment réagir et se positionner face à cette puissance de feu ? Assiste-t-on à la googlisation de la culture?
Plus près de nous et plus modestement, le site suisse d’information Swissinfo.ch a publié fin août sur Internet plus de 16.000 manuscrits de programmes diffusés par le Service des ondes courtes (SOC) entre 1939 et 1945. [2] Ces archives du SOC ont également fait l’objet d’un premier travail d’analyse au sein d’un séminaire de 2e année organisé par la section d’histoire de l’Université de Lausanne (UNIL), dont l’un des pôles de recherche est l’Histoire audiovisuelle du contemporain. Réalisés sous la conduite de François Vallotton, professeur, et de Raphaëlle Coutaz, assistante, ces travaux de séminaires permettent notamment de mieux appréhender la politique d’information et la manière dont la Suisse a voulu présenter son image à l’étranger pendant la Seconde Guerre mondiale. Disponible sur le site de Swissinfo.ch, un article présente le travail réalisé par les étudiants de l’UNIL. [3]
Bien sûr, les expériences technologiques passées en milieu scolaire ont montré qu’il y a loin de la coupe aux lèvres tant dans le ravissement que dans l’effroi. Néanmoins, nous n’avons probablement jamais été si proche d’un basculement du monde en la matière. Le monde de la recherche universitaire l’a déjà compris lorsque l’on recense les avancées relatives aux humanités digitales formalisant la rencontre entre les Sciences humaines et l’ère technologique. Elles préfigurent la façon dont demain le savoir sera transmis.
C’est ainsi que l’Université de Lausanne et l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) multiplient depuis une année les annonces et les initiatives dans le domaine des humanités digitales. Ils ont ainsi conjointement déposé en janvier 2012 un projet de NCCR « Digital Humanities » auprès du Fond national suisse de la recherche scientifique. Au niveau scolaire, ce projet intègre la question de la place des ressources digitales à l’école et plus particulièrement des jeux en histoire, en géographie, en citoyenneté et en culture religieuse. Ce projet conduit par des enseignants et formateur de la HEP Vaud prévoit de concevoir et de développer de nouveaux outils numériques (enquête sur le terrain, par exemple à travers la réalité augmentée) adaptés aux besoins pédagogiques et aux contraintes de nos enseignements faiblement dotées à la grille-horaire.
En juillet, L’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) confirmait la création d’un laboratoire d’Humanités digitales et annonçait la nomination, à sa tête, du professeur Frédéric Kaplan, spécialiste de l’intelligence artificielle.
A la rentrée universitaire, infoclio.ch, le portail professionnel des sciences historiques en Suisse, lançait en ligne à l’intention des étudiants son Guide de l’information numérique en histoire. [6] Ce Guide en ligne est divisé en trois chapitres : « Créer sa propre infrastructure numérique », pour présenter les programmes qui contribuent à faciliter la planification de son travail pendant ses études ; « Recherche spécialisée », pour savoir où trouver des informations et comment s’en servir ; « Soigner ses contacts et être actif ou active sur Internet », pour s’informer sur les réseaux sociaux et les autres moyens d’entretenir des contacts et d’être actif ou active sur Internet. Chaque chapitre est introduit par un petit film. [5]
Traversons l’Atlantique avec le numéro d’Octobre de Perspectives, le bulletin de l’American Historical Association. Ce dernier numéro comporte un dossier spécial sous la forme d’articles et d’un forum en ligne consacré à l’histoire à l’ère des images digitales. Le dossier comprend une série d’articles sur l’utilisation de la technologie pour la gestion de la recherche en histoire. C’est ainsi que Carl Abbott présente la manière qui a permis aux scanners de démocratiser l’histoire. À l’ère de la surcharge d’information et les progrès technologiques, nos méthodes de recherche sont en constante évolution et, dans un autre article, Rachel Leow nous présente sa gestion avec le logiciel DevonThink de ces différents fichiers numériques. [6]
Face au déferlement du numérique jusque dans le cartable de nos élèves via leurs smartphones et tablettes, il nous reste maintenant à choisir notre posture : voulons nous être googliser ou voulons nous être acteurs à l’ère des Humanités digitales?
Lyonel Kaufmann, Professeur formateur, Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)
Notes

Sur le site du Café


Par jeanpierremeyniac , le jeudi 25 octobre 2012.

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