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Le billet de Gilles Fumey : La France et ses "baby tech" en Californie 

 

L’image passera-t-elle dans les manuels prochainement ? Car François Hollande reçu par les patrons (pardon, les créateurs) de la Silicon Valley, c’est peut-être l’étape d’une révolution silencieuse. Depuis que Fleur Pellerin, ministre à l’économie numérique a pris son poste, on ne dira pas qu’il ne s’était rien passé, mais bon… Les hommes politiques socialistes et le numérique, c’est juste l’inauguration d’une start up, des malentendus sur ce qui se passe à l’école (voir les chapitres avec V. Peillon, sur le site Café pédagogique) et des plus-values fiscales.

J’étais à Phnom Penh dans le stade où des autochtones me parlaient d’un certain De Gaulle qui, en 1966, annonçait la reconnaissance diplomatique de la Chine de Mao (l’année même de cet funeste Révolution culturelle) lorsque François Hollande arpentait la Route 101 à la rencontre des élites de la high tech californienne. Peut-on associer un coup diplomatique à la De Gaulle à une visite plan-plan du bon et sympathique Docteur Hollande ? Un « bain de coolitude » grince Gilles Fontaine ?  Essayons.

Car les Français pour qui l’industrie, c’était encore Florange et le bel exploit d’Airbus, du solide, du vendable (enfin pas tant que ça : combien de Mirage, de TGV ?), les Français ne savaient sans doute pas à ce point qu’ils ont des entrepreneurs de qualité sur le créneau très californien des nouvelles technologies. Est-ce Xavier Niel qui est à l’origine du déclic ? Celui qui les a sauvés des griffes et des ententes très cordiales d’un trio d’opérateurs se gavant de manière indécente sur la téléphonie mobile ? Ou celui qui injecte des millions d’euros de sa fortune pour rénover la halle Frecyinet dans le XVIIIe arrondissement de Paris destinée à accueillir en 2017 plus de mille start up ?

Avant que brille l’étoile de cette success story parisienne, la France a ouvert un French Tech Hub à San Francisco qui est son premier incubateur de start-up à l’étranger. Inauguré par le chef de l’Etat le 12 février 2014 avant que d’autres lieux n’éclosent en Asie. Ne rêvons pas : s’il s’agit d’aider les entrepreneurs français et d’attirer les start-up américaines, le pari est loin d’être gagné. Quand bien même la région Ile-de-France, toujours très sourcilleuse sur l’enseignement supérieur, pouponne dans ce nouveau landau technologique avec HubTech21 ou qu’un condisciple énarque de Fleur Pellerin, Romain Serman, pousse du coude pour s’occuper du fameux bébé dès l’été 2014.

Des hommes donc, qui tentent de mettre de l’huile dans les rouages de « ces machineries sensibles composées de quatre engrenages : le vivier de jeunes entrepreneurs, les start uppers eux-mêmes, les investisseurs en capital-risque et les grands groupes ». Est-on en train d’engranger les bénéfices d’une révolution numérique qui met sur le marché du travail les premières générations de jeunes ayant baigné dans ce nouveau monde technologique ? Le vivier français est impressionnant lorsqu’on possède la liste de ceux qui, passés par les grandes écoles ou l’université, montent des entreprises dans la Silicon Valley. A l’instar des grands groupes américains qui sécurisent les premières années de ces entrepreneurs, la France voudrait suivre le parcours de ses talents qui émigrent sur la côte pacifique ou en Israël pour « faire partie de l’écosystème mondial », selon Jérémie Berrebi du fonds Kima.

D’où vient ce climat nouveau d’entente cordiale entre les jeunes générations et les grands groupes dont il était de bon ton de moquer la lourdeur et l’incapacité à développer les talents ? De l’exemple étatsunien qui a poussé les géants  à fonder des corporate venture ? Sans doute aussi. Orange, Publicis, Iris Capital Management, Renault ouvrent désormais plus grand leurs portefeuilles.

Du coup, dans nos bons manuels de géographie, le terril gazonné et skiable sur l’ancien bassin minier en guise de troisième révolution industrielle va prendre un sacré coup  de grisou. Gageons qu’on verra les cubes en verre californiens faire des petits dans notre « cher et vieux pays » et la halle Freycinet du nom de l’aménageur des chemins de fer français de la IIIe République narguer Google France pour de bon. Incorrigibles et fiers Français, prenons rendez-vous !

Gilles Fumey est professeur de géographie à l’université Paris-IV (master Alimentation et ESPE). Il a animé les Cafés Géo pendant dix ans. Il chronique dans l’hebdomadaire La Vie depuis 2012 dans la rubrique « L’œil du géographe » et anime le blog Geographica.net/

 

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Par jeanpierremeyniac , le dimanche 23 mars 2014.

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