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Le billet de Gilles Fumey : Des géographes pas formés ? 

Pourquoi les rentrées seraient-elles toujours chaudes et périlleuses ? Cette année, la grande affaire c’est l’arrivée de 12 000 enseignants « non formés » dans les classes. Tout n’a-t-il pas été formulé comme une imposture politique pendant que certaines universités préparent au Capes dont l’écrit a lieu en novembre ?

 

Voici qu’un des piliers du journalisme, longtemps planté à Libération avant de diriger L’Etudiant, fait un peu d’histoire sur cette « réforme » . L’histoire d’une curée contre les IUFM dont il fallait railler l’incompétence et se débarrasser. Le ministère en quête d’économies de postes a dû s’en souvenir. Tant de professeurs, de journalistes, de politiques ont craché sur ces antres du pédagogisme et d’une didactique mal digérée… Combien d’enseignants de tous âges aujourd’hui ont haï ces séances devant des inspecteurs, des professeurs jargonnants ! Mais combien seraient honnêtes de dire qu’ils ont empoigné leur métier sans y avoir été formés : les agrégés et certifiés dont beaucoup ont découvert le goût de faire classe une fois en poste, les vacataires et remplaçants appelés au pied levé… Il y a beaucoup de naïveté à publier dans Libé le blog d’un jeune professeur. Passons sur la persistante absurdité ministérielle d’attendre fin août pour annoncer les affectations. Mais s’étonner d’avoir à préparer des cours sans savoir s’y prendre… Comme si notre Candide n’avait pas eu le temps de se projeter dans le métier en ayant été élève ! Pourquoi feint-il de découvrir l’énorme charge de travail ? N’y a-t-il dans ce pays que les enseignants qui savent qu’ils bossent dur ? Et que va-t-il écrire, notre arrivant lorsqu’il sortira d’une réunion de parents où il sera seriné sur les devoirs, les notes, les bulletins, et lorsqu’il découvrira sur les blogs d’élèves des commentaires sur son propre travail ?

 

Revenons aux IUFM, puisque j’y enseigne. Devant moi, des étudiants qui souhaitent embrasser un métier. Ils sont à quelques semaines d’un concours très ambitieux au bout de cinq années d’études supérieures. Ils ont pesé le pour et le contre de leur choix professionnel. Ils en savent déjà beaucoup. Je pense qu’ils ne voient pas les classes comme je les vois et le métier comme je l’entends. Comme les ministres à l’Elysée le mercredi matin et comme leurs propres élèves dans quelques semaines, il leur arrive de jeter un œil sur leur messagerie. Ils ont été façonnés par une forme de zapping bien plus radical que la distraction d’un cours provoquée par une chute de neige. Ils savent ce que leur apporte cette dictature de l’instantanéité et vont devoir s’y coller. Sur quoi ont-ils besoin d’être formés ? Ne sont-ils pas déjà en train de chercher spontanément ce dont ils auront besoin ? Ou faudrait-il que la bonne mère bureaucratique de l’Education nationale ait tout prévu ? Peut-on faire le pari que certains apprentis géographes d’aujourd’hui vont utiliser Google Earth en classe ? Que d’autres trouveront cela peu utile ? Que certains seront très directifs sur la cartographie, d’autres sur tel savoir ou proposeront-ils des extraits du dernier Houellebecq dans un cours sur les cartes  ? Que certains seront stimulés par les exigences des élèves et d’autres épuisés par la tâche à accomplir ? Dans quelques semaines, plus de cinq cents historiens et géographes démarrent une carrière que nous leur souhaitons passionnante.

 

Gilles Fumey, créateur des Cafés de géographie, enseigne la géographie à l'IUFM de Paris et la géographie culturelle de l'alimentation à l’université de Paris IV-Sorbonne.


Notes

[1]E. Davidenkoff, http://blog.educpros.fr/emmanueldavidenkoff/2010/09/01/[...]

[1]  http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1957

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Par jeanpierremeyniac , le vendredi 17 septembre 2010.

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