Par Cyril Froidure,

Ce mois-ci, le Café Pédagogique pose ses 5 questions à Jean-Paul Collicard auteur d’une carte du mois sur le site de l’académie de Grenoble. En Préambule, Jean-Paul Collicard se présente et nous décrit son itinéraire professionnel.

« Mes études de Géographie à l’Institut de Géographie Alpine de Grenoble m’ont spécialisé dans la Glaciomorphologie avec un travail de recherche sur les glaciers de la Vanoise. Ensuite, ma réussite à l’agrégation de Géographie m’a menée à l’enseignement d’abord en collège puis en Lycée.

Aujourd’hui j’enseigne au Lycée Pravaz à Pont de Beauvoisin (académie de Grenoble) et à l’IUFM de Grenoble en tant que formateur associé. Dans les années 90 alors que les TICE étaient embryonnaires, je me suis engagé avec quelques collègues passionnés (Pascal Boyries, Jean Pierre Meyniac..) dans l’utilisation des TICE en géographie en m’impliquant plus particulièrement dans la formation continue des enseignants de l’Académie. Le concept de « carte du mois » est d’ailleurs le résultat et l’illustration de cette démarche. D’autre part je suis engagé avec l’INRP dans un travail de recherche important, concernant l’utilisation en classe des Systèmes d’Information Géographique (expérimentation en cours de puis deux ans avec des classes de première générales). »

Le Café

Pourquoi avoir choisi de réaliser des cartes et de les mettre en ligne ?

Jean-Paul Collicard

C’est d’une part pour utiliser l’éventail des possibilités offertes par un système d’Information Géographique dans la gestion des données et leur spatialisation,  et d’autre part pour répondre à des préoccupations pédagogiques et proposer la démarche de construction, que je me suis « lancé » dans la réalisation des cartes. D’ailleurs la première carte date de Février 2000 et était consacrée à l’agglomération grenobloise, notre environnement local. Il y avait alors une forte demande en relation avec les données du recensement pour établir une carte de croissance et vérifier la pertinence du modèle centre-périphérie.

Le Café

Comment choisissez-vous les sujets de vos cartes ?

JPC

Les sujets sont choisis sans à priori et sans tabou.

     *Souvent en  fonction de l’actualité (exemple les cartes sur les élections, sur les données du recensement, sur les Jeux Olympiques).

     *En fonction du développement de nouveaux concepts « en vogue » (les cartes sur la globalisation, les villes mondiales, l’émergence, l’attractivité…)

     *En fonction de besoins pédagogiques initiés par les collègues, soit pour assurer une nomenclature « reconnue » (les cartes sur les niveaux de développement définis par l’ONU), soit pour faire le point sur quelques aspects importants ou problématiques du programme (les cartes sur le Japon, sur les minorités aux Etats Unis, sur la France de l’intérieur, sur les émissions de C0², sur la Chine de l’ouverture…).

     *En fonction de données nouvelles pour faire des mises au point et proposer une nouvelle lecture de la notion de puissance (cartes sur les lieux de pouvoir, sur les portes d’entrée de la mondialisation…)

     *En fonction parfois des programmes de concours (Agrégation, CAPES, CAPLP) comme les cartes sur les villes mondiales, les espaces industriels (l’automobile dans le monde), le tourisme, les espaces de la mondialisation, l’Asie orientale…).

Dans ces choix, je veille à proposer des cartes sur des sujets à différentes échelles (voir tableau en annexe) locale, régionale, nationale, continentale, mondiale.

Enfin encore faut-il que nous disposions de données fiables et peu contestables ; je m’en tiens aux sites Internet institutionnels de l’ONU (UNDP, FAO…), d’ EUROSTAT, des Etats (CENSUS, INSEE, INED…), ou reconnus par la communauté internationale (Fortune, Shanghaï Institute, L’Expansion, Quid…).

Le Café

Quelles sont les étapes de la construction d’une carte ? Quels outils utilisez-vous ?

JPC

J’applique à toutes les cartes la même démarche à savoir : l’échelle et la projection choisies, la problématique, le protocole suivi et les choix , les données utilisées, les graphiques en cohérence avec la problématique.

Toute carte est le résultat d’un croisement d’au moins deux données (corrélation ou non…) ; par exemple pour la carte sur les minorités aux Etats Unis, nous avons croisé cinq données !!

Elle est comparable à un immeuble dont les différents étages correspondent chacun à une donnée et un type de représentation cartographique (on ne peut mettre ensemble sur un « étage » des signes de surface, ponctuels ou linéaire). C’est une des limites du SIG.

Ainsi la carte est-elle l’aboutissement d’une démarche plus globale, toutes les données nécessaires à son élaboration étant présentes dans le dossier ; ainsi la démarche est-elle transparente (notamment en ce qui concerne les seuils d’analyse, les discriminations…) et les données à croiser

La démarche est la suivante:

1)Définition du thème : quelle échelle, quelle problématique

2)Récolte des données sur Internet: vérification par croisement ou comparaison entre différents sites. Données encodées pour le logiciel Excell.

3)Mise en place de « l’espace d’analyse » notamment par discrimination (par exemple je ne garde que les villes millionnaires) ou fixation de seuils.

4)Avec le logiciel SIG (MapInfo):

  - Choix de la carte dans la cartothèque fournie avec le logiciel (qui est en général suffisante) ; sinon géocodage d’un espace particulier (image Raster).

  - Entrée des données dans la base de données correspondant à l’espace choisi (gros travail !!).

- Corrélation sur la carte entre les données et les espaces avec définition des différents « étages ».

- Requêtes éventuelles (discriminantes ou non)

Avec le logiciel : application des principes sémiologiques de la cartographie :

   -Choix du nombre de classes de la série (quatre en général)

Choix de la méthode de calcul des seuils

Choix des variables de type et de taille des signes ponctuels (cercles, carrés…), linéaires (plein, pointillés…) et de surfaces (chromatique des couleurs ).

Choix de la nomenclature

Vérification que la carte soit « à lire », d’un abord aisée et dans laquelle les corrélations ou non apparaissent  de la manière la plus directe (si en dix secondes je n’ai pas saisi l’essentiel je reprends le travail !!)

Le Café

Pour quels sujets et quelles cartes rencontrez-vous le plus de difficultés ?

JPC

Les plus grandes difficultés sont liées aux données disponibles. Lorsqu’il y a des espaces originaux dont les limites ne correspondent plus aux entités administratives (par ex. la façade Atlantique de l’Amérique du Nord, les espaces de l’archipel mégalopolitain liés à la globalisation , les périphéries de l’espace européen , l’espace Méditerranéen…), il est alors difficile d’obtenir les données correspondantes fiables.

Enfin certains types de représentations s’accordent mal au SIG comme les cartes de flux et de réseaux (outre que la mise en forme statistique est délicate) ; il est fréquent alors d’utiliser l’outil dessin du logiciel.

Le Café

Quels sont les sujets des prochaines cartes ?

JPC

La prochaine carte traitera une question « géo-historique »:

L’O.N.U : COMPOSITION ET PRINCIPALES INSTITUTIONS DU SYSTEME DES NATIONS UNIES

L’objectif est de faire le point sur les pays membres, leur niveau de développement, la spatialisation des adhésions et la localisation du site des principales institutions.

Ainsi sur cette carte nous aurons une synthèse « du système des Nations Unies ».

A moyenne échéance une carte sur le « club » des agglomérations possédant les plus hauts buildings, une série sur l’interprétation des données des trois derniers recensements fournies récemment par l’INSEE, une comparaison des taux de chômage à l’échelle européenne, les particularismes des DOM TOM ….).

Jean-Paul Collicard nous soumet pour conclure un tableau des cartes réalisées par ses soins ; elles sont classées par année et par échelle.

Pour accéder aux cartes du mois.

http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/hg/articles.php?lng=fr&pg=126

Merci à Jean-Paul Collicard pour sa gentillesse et sa disponibilité.

Exemple du jeu des échelles :