Une nouvelle course aux armements ? Etat des capacités régionales et des transferts mondiaux 

Jean-Paul Hébert, chercheur EHESS

Une mise au point ouvre cette conférence ; Jean-Paul Hébert souhaite clarifier un point : alors que la presse utilise sans faire de grandes différences dépenses militaires, dépenses d’armement et transfert d’armements, il précise la valeur de chacune de ces activités. On évalue aujourd’hui à 1200 milliards de $ les premières, 300 les deuxièmes et  50 les dernières.

Il établit ensuite une chronologie sommaire des dépenses militaires depuis la fin de la guerre froide : une baisse dans les années 90, un redémarrage à la fin de la présidence Clinton pour atteindre aujourd’hui un niveau similaire à celui de 88. Observant les grandes zones géographiques, il remarque que ces dépenses baissent légèrement en Europe de l’Ouest comparativement à 1988 mais ont augmenté au Moyen-Orient , en Asie et en Océanie ; toutefois, au Moyen-Orient, elles oscillent en fonction des risques alors qu’en Asie et Océanie, l’augmentation est régulière, dépendant donc peu des choix des autres, des risques et illustrant une montée en puissance de pays tels que la Chine ou l’Inde. Il n’en reste pas moins que l’Amérique du Nord représente presque encore la moitié des dépenses militaires mondiales, en second arrivant l’Europe de l’Ouest.

Pour avancer des chiffres, se posent le problème des sources, en gros 3 à 4 sources fournissent des statistiques :

*Le registre des Nations Unies sur le transfert des armements reposant sur la déclaration volontaire des pays concernant leurs exportations et importations dans 7 grandes catégories d’armement (char, missiles…). Quelles sont les limites de ce registre ? Il ne fournit pas la valeur des contrats, des pays ne déclarent pas, les armes légères sont exclues, des incohérences existent entre les déclarations d’importation des uns et d’exportation des autres.

*Le Sipri, une structure suédoise publiant un annuaire annuel. Il fournit des indicateurs des ventes d’armes mondiales mais ne mesure pas les flux réels.

*Le CRS, un service de recherche du Congrès américain. Depuis 1989, il rédige un rapport annuel d’une centaine de pages, très détaillé seulement les données sont réévaluées d’une année sur l’autre, les modifications étant parfois conséquentes. Autre bémol, le rapport est souvent orienté en fonction d’un message à délivrer au Congrès et à l’administration américaine.

*Le code de conduite européen.

*Le Comtrade des Nations Unies, une division statistique des Nations Unies.


Si l’on suit le Sipri et le CRS, les ventes d’armes entre 1988 et 2003 ont globalement diminué de près de la moitié pour ces deux organismes.

Dans le Top 100 des producteurs d’armes du Sipri, on retrouve très logiquement les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Italie, l’Allemagne. Amérique du Nord et l’Union européenne représentent à eux deux 90% du total. Sur les 10 premières firmes, 6 sont américaines, 4 sont européennes.

Chez les pays vendeurs, les Etats-Unis gardent la tête mais selon le Sipri, ils le sont pour un tiers des ventes, pour le CRS pour bien plus de 30% ; puis suivent Russie, quatre pays d’Europe de l’Ouest, le reste du monde vendant les 17% restant.

Enfin le classement des principaux acheteurs différent fortement entre Sipri et CRS ; le Sipri met la Chine en tête alors que l’Arabie Saoudite n’arrive qu’à la dixième position alors que le CRS classe ce dernier pays au premier rang des acheteurs devant la Chine.

Abordant la question de la prolifération, Jean-Paul Hébert pointe le rôle joué par les pays producteurs, vendeurs de 30 000 missiles ou engins de cette nature depuis 1991, y compris vers des zones sensibles (Moyen-Orient).

Dans la dernière partie de son discours, l’universitaire explique le titre de sa conférence opposant une vieille course aux armements entre l’Est et l’Ouest et la nouvelle entre Etats-Unis et UE. La première , sur fonds de menace nucléaire, se caractérisait par l’importance du nucléaire, de l’accumulation d’armes, par une course secrète à la technologie. Celle-ci de notre époque a pour élément central la course à une maîtrise technologique de haut niveau affichée au grand jour et reposant sur la production d’un matériel de qualité.

Dans cette lutte, les Etats-Unis puis ensuite l’UE ont été le théâtre d’une concentration  des entreprises du secteur de l’armement qui mettent en œuvre des moyens économiques ou autres afin d’arracher les marchés. Pourquoi une telle concurrence ? Etats-Unis et UE se situent sur les même marchés de systèmes d’armement alors que cette rivalité est moins féroce entre Etats-Unis et Russie dont les entreprises ne fournissent pas le même type d’équipements. Il conclut sur les difficultés de l’Europe à tenir le choc, résultat d’une Europe de la défense encore à construire.


Sur le site du Café

Par cfroidure , le mercredi 15 octobre 2008.

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