Conflictualités à Jérusalem 

Frédéric Encel, maître de conférences, HDR

Prononcée à l’IUT de St-Dié, cette conférence démarre tambour battant ; l’orateur, Frédéric Encel, disciple d’Yves Lacoste, captive d’entrée de jeu l’attention de son auditoire.

Pour débuter son intervention, Frédéric Encel rappelle toute l’importance des représentations lorsqu’il est question de géopolitique ; ainsi dans le cas de Jérusalem, cette ville, bénéficiant d’une couverture médiatique inégalée, n’a de valeur que celle qu’on veut bien lui donner.

Il cite de mémoire la légende accolée à une photographie du dôme du rocher vue dans un manuel scolaire : « Depuis toujours, Jérusalem, berceau des trois monothéismes, est l’objet de conflits entre les nations. »

Pour lui, il est impossible de comprendre quoi que ce soit avec cette phrase. *« Depuis toujours » mais depuis quand ? depuis que Dieu ou des dieux aient décidé de créer quelque chose dans la ville pour provoquer des conflits.

* « berceau des trois monothéismes » : faux, pas le cas de l’Islam par exemple et puis chaque acteur a une perception différente de Jérusalem.

* « objet des conflits entre les nations » : entre des nations peut-être mais pas les nations sinon il faudrait qu’il y ait l’Inde, la Chine…


Jérusalem est avant tout l’objet d’un conflit mémoriel et chaque camp avance l’argument de l’antériorité, en gros j’étais là le premier. Frédéric Encel voit trois étapes de sacralisation de la ville :

-vers 1000 avant J.C., David quitte Hébron pour bâtir une capitale, la future Jérusalem, Salomon sera chargé de bâtir le temple. Jérusalem n’a pas été choisi pour sa position en hauteur, peu évidente, ni car elle est un lieu de passage alors pourquoi ? Pour obéir à Dieu ou peut-être plus certainement car David, souhaitant être reconnu comme roi de tous les Hébreux, décide d’implanter sa capitale dans une zone non conquise et sa position centrale.

-La conquête de 636  par les musulmans ; elle n’a pas été réalisée pour occuper le lieu du voyage nocturne du prophète mais plutôt pour contrecarrer les ambitions d’un contre-calife occupant les villes saintes. Omar décide de prendre Jérusalem pour montrer qu’il a conservé le soutien d’Allah mais ensuite la ville n’intéresse plus ni Omar, ni ses successeurs.

-L’appel d’Urbain II à la croisade : 3ème étape de la sacralisation, en fait plus que libérer Jérusalem, cette croisade présentait la possibilité d’éloigner de turbulents chevaliers.

Ainsi aujourd’hui existe un potentiel d’instrumentalisation facile grâce à ses étapes.

Aujourd’hui, Jérusalem, un territoire de 109-100 km² (2 hectares pour la ville primitive), est une ville de plus en plus juive orthodoxe à tel point que Frédéric Encel pense avoir identifié une stratégie de conquête territoriale de la vieille ville par rachat de maisons palestiniennes afin de s’assurer un tracé contrôlé des quartiers orthodoxes de la ville nouvelle vers le mur des lamentations. On assisterait à un double clivage : Palestiniens/Israéliens, juifs orthodoxes/autres israéliens.

Il existe néanmoins une possibilité de partage entre Palestiniens et Israéliens tant les populations sont séparées mais, c’est la conclusion de cette conférence, même en cas d’accord sur un partage, une division, rien n’indique que tôt ou tard un futur dirigeant israélien ou palestinien ne remettra pas en cause un éventuel accord et que toute conflictualité aura disparu.


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Par cfroidure , le mercredi 15 octobre 2008.

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