Le café a lu 

Par Cyril Froidure,



Le défi chinois, Thierry Sanjuan, la Documentation photographique, n°8064, juillet-août 2008

Le défi chinois ou les défis chinois ? Plus sûrement le pluriel que le singulier car la Chine pose des défis d’envergure au reste du monde et doit en relever de taille. Et les JO l’ont montré, lors des prochaines olympiades, la Chine sera l’adversaire à battre car désormais elle trône au sommet de la hiérarchie olympique.

On le devine cette publication de la Documentation française intervient au moment où la Chine s’impose de plus en plus comme la puissance de demain. La documentation photographique a donc fait appel pour ce numéro à l’un des spécialistes de la question, Thierry Sanjuan, déjà auteur d’un « Dictionnaire de la Chine contemporaine » paru chez Armand Colin et d’un « Atlas de la Chine. Les mutations accélérées » chez Autrement.

(http://www.clionautes.org/spip.php?article1308)

Dans la quinzaine de pages consacrées à la mise au point scientifique, Thierry Sanjuan prend le parti d’aborder la Chine au travers de son insertion dans la mondialisation. Au sortir d’un processus étalé sur une trentaine d’années (p 18-19, La Chine dans la mondialisation), les Trente Glorieuses (1976-2006), la Chine ne se satisfait plus de son statut de pays-atelier ; ses masses (démographique, territoriale), son offensive économique tous azimuts (p 22-23, La Chine en Afrique) et ses besoins en ressources naturelles en font désormais l’un des centres de la mondialisation et amènent l’auteur à se demander si l’on assiste pas à la naissance d’un pays du Nord dans le Sud. Cette nouvelle puissance prend appui sur l’état à l’origine des réformes, les entreprises (p20-21, un groupe pétrolier chinois mondialisé) et la plus nombreuse diaspora du monde (p24-5, La diversité de la diaspora) mais n’est pas sans provoquer des remous : au Nord « critiques » et « ressentiments » se font jour (l’affaire des jouets chinois défectueux fut révélatrice) ; au Sud, aussi, la présence chinoise, au-delà des investissements et prêts, agace les populations et entreprises supplantées par main d’œuvre et multinationales chinoises.

Cette participation croissante aux affaires du monde n’est évidemment pas sans conséquences en interne. Territoriales (p 30-31, les territoires de la Chine dans la mondialisation) d’abord car, bien que l’auteur appelle à la nuancer, l’opposition littoral/intérieur reste une clé de lecture nécessaire, amenant d’ailleurs l’état chinois à compenser le retard des régions occidentales et intérieures par des projets d’envergure (barrage des Trois-Gorges p 42-43, Développement du Grand Ouest, p 44-45). Mondes ruraux et urbains mutent aussi sous les coups de l’ouverture croissante : le premier la subit, l’autre la vit (croissance des écarts entre les deux mondes, passage à une majorité d’urbains vers 2010). Les villes (p 34 à 39, Pékin, Shanghai, Shenzhen), et plus encore certaines villes côtières, se transforment à grande vitesse échangeant un profil horizontal pour une verticalisation, formant de plus en plus réseau tant le développement des infrastructures de transport s’accélère. Sociales aussi : chômage, classe moyenne, relâchement relatif du carcan social (p 50-51, un encadrement politique plus fort, un contrôle social plus souple) sont quelques-unes des nouvelles réalités chinoises.

Tout cela contribue-t-il à faire de la Chine une grande puissance ? Thierry Sanjuan n’en est pas convaincu et ne suivant pas totalement les conclusions de « Géopolitique du monde contemporain », ouvrage collectif, paru chez Nathan,  délivrant aux Etats-Unis et à la Chine le titre de Centres; certes des arguments de poids penchent en sa faveur, elle l’est au niveau régional mais n’a pas encore les atouts d’une puissance mondiale.


A nouveau la Documentation photographique, par l’intermédiaire de Thierry Sanjuan, livre un numéro complet dans lequel l’enseignant du secondaire trouvera documents de qualité et connaissances actualisées. En Terminale et en troisième, le volet pédagogique (18 transparents), réalisé par Françoise Dieterich, soumet aux professeurs des propositions d’activités clé en main (La Chine dans la mondialisation ou les migrants intérieurs) mais on pourra aisément tiré profit des photographies pour travailler en sixième sur les paysages urbains, en sixième et cinquième sur les contrastes territoriaux en associant pourquoi pas cette photo d’une ligne ferroviaire au Tibet et une d’un paysage littoral densément occupé.



Géopolitique du monde contemporain. Etats, continents, puissances. Dir Pierre Gentelle, Nathan.

7ème parution de la collection Nouveaux Continents, cette géopolitique du monde contemporain, servie par une kyrielle de géographes de renom (Pierre Gentelle, Denis Eckert, Philippe Pelletier), fournit une synthèse complète et solide qui sera d’une grande utilité à l’enseignant du secondaire.

S’ouvrant et s’achevant sur des réflexions d’ordre générale (la frontière, les acteurs de la géopolitique), un travail de définitions (géopolitique, méta-frontière) le cœur de l’ouvrage propose en quelque sorte une nouvelle carte du monde conservant la notion de centre mais abandonnant celle de périphérie, lui préférant celle de « monde en mouvement ». Entre ces deux extrêmes, ce que les auteurs ont choisi de nommer les puissances avérées. Si l’on reprend ce découpage, on ne sera pas étonné de voir les Etats-Unis rester l’un des centres du monde mais, signe d’une forme d’anticipation ou peut-être est-ce plutôt le constat d’une réalité presque évidente, la Chine deviendrait le 2ème pôle d’un centre à deux têtes.

L’affirmation d’un polycentrisme durable, rappelé en conclusion, est évidente dès la première partie, les Centres, puisque succèderait à l’idée d’une hyperpuissance, une structure à deux têtes, Etats-Unis et Chine.

Leurs situations sont toutefois différentes. Les Etats-Unis, puissance mondiale établie, ont à réfléchir à leur rapport au monde, repli ou interventionnisme, après l’ère Bush alors que la Chine, aspirant à une puissance planétaire mais devant gérer de rapides mutations internes, élargit ses horizons dans une « montée pacifique » qui bouge les lignes de l’ordre établi. Entre les deux, un face-à-face, une concurrence voire de l’adversité mais pas de volonté actuelle d’aller à l’affrontement.

Union européenne, Japon et Russie constituent le groupe des puissances avérées. Des valeurs sûres en somme mais dont les situations géopolitiques, certes très différentes, posent des questions aiguës à leur dirigeants.

L’’Union européenne, puissance civile. Avec ce titre, on comprend ce qu’elle n’est pas, et l’auteur d’identifier les leviers par lesquels l’UE a et peut garder une place éminente dans le monde : recherche de la  médiation/négociation, démarche à l’avant-garde dans le domaine environnementale, souci de stabilisation à ses marges par des accords de voisinage. Reste Russie et Turquie posent deux questions à l’UE : peut-on aller plus loin donc dans l’étranger proche russe ? Quid de la Turquie ? Adhésion, simple partenariat et donc quel est le projet européen ?

Le Japon serait lui une puissance retenue. Marqué par ce que Philippe Pelletier nomme le syndrôme d’Hermione, un souci de mieux faire, le Japon aspirerait à la puissance (siège au conseil de sécurité, modernisation de l’armée) mais se briderait.

Dernière puissance avérée, la Russie. Néanmoins à lire les chapitres sur l’Inde et le Brésil, on aurait envie de réunir ces états : les trois veulent tenir un rôle et avoir une place dans le monde à la mesure de leurs ambitions et de leur potentiel. La Russie, qualifiée de puissance, cherche à occuper une « place forte dans le monde » ; l’Inde élargit sans cesse son horizon géostratégique et le Brésil rêve d’un statut international digne de sa masse démographique et de son poids économique. Tous trois affrontent des écueils différents. La Russie doit gérer un déséquilibre territorial conséquent et faire face à des poussées occidentales et orientale (chinoise) qui malgré ses rodomontades semblent inévitables. L’Inde doit à l’échelle du sous-continent faire face à un voisinage turbulent et des inégalités internes criantes. Enfin le Brésil, ses capacités industrielles et le charisme de son président, ne lui ont pas permis à ce jour d’être autre chose qu’une puissance intermédiaire.

Enfin, reste le monde en mouvement ou le reste du monde. En mouvement mais à un rythme différent tant les écarts, les situations, sont grands entre l’Amérique du Sud, le Moyen-Orient et les Afriques noires. On relèvera la persistance d’un certain afro-pessimisme faisant du continent africain la réserve de matières premières des puissances, grandes, avérées ou émergentes.

Pour qui voudra retoucher ses cours ou simplement pour son édification personnelle, ce manuel servira de référence incontournable.



Sur le site du Café
Par cfroidure , le lundi 15 septembre 2008.

Partenaires

Nos annonces