Le Café a lu 

Par Cyril Froidure



La GéoGraphie, n°2 nouvelle formule

Après les îles, objet de rêve pour le commun des mortels, la carte, premier contact avec ce rêve, est le thème choisi pour ce numéro deux de la nouvelle version de la GéoGraphie. Et encore une fois, c’est une réussite. Difficile de revenir sur toutes les contributions et d’ailleurs avant d’en évoquer quelques-unes, soulignons les magnifiques illustrations qui jalonnent les 110 pages de la revue. Il faut dire qu’à l’instar des îles, les cartes se prêtaient bien au jeu : entre la carte agricole hyper-chargée d’Alain Bernard (p59), « la carte de la Baltique à Gibraltar avec les îles britanniques » de Guillaume Bouscon, 1548 (p 53) et la carte du rivage des Syrtes réalisé par Yves Lacoste, on est là face à quelques superbes exemples de l’objet- carte.

Tel est le cas de cette incroyable carte de navigation des îles Marshall faite de coquillages, de coraux et de morceaux de bois, autant dire pour le quidam tout sauf une carte mais néanmoins une vraie carte d’entraînement pour des navigateurs des îles, objet précieux car transmis de père en fils.

A l’autre bout de la chaîne, désormais tout un chacun peut de chez lui consulter moults cartes, assis, au chaud, voire faire ses propres cartes par le biais des nouveaux outils TICE : Géoportail, Google Earth, Google Maps pour les plus connus. C’est désormais la France, le monde à portée de clic et en 3D que nous présentent Patrick Leboeuf et Boris Beaude.

Certes, reste à posséder un ordinateur et une connexion haut débit mais tout cela se généralise et permet au voyageur, au professeur, au professionnel, au curieux de localiser, se déplacer (Street View), visiter, réaliser.

Parmi les articles les plus passionnants, « le monde comme vous ne l’avez jamais vu » : Karine Hurel et Patrick Poncet y insistent sur les limites de la carte classique faisant la part belle aux surfaces or « aujourd’hui l’essentiel occupe souvent peu de place » :  prenant le cas du phénomène urbain, les auteurs relèvent que sur une carte classique, son poids et sa diversité sont sous-évalués alors que le cartogramme, forme d’anamorphose,  « reflète l’importance des espaces de référence du sujet traité. Les idées relayées par cet article se trouve plus largement développées dans « L’invention du monde » dirigé par Jacques Lévy.

N’oublions pas de citer pour ce numéro, les désormais habituelles Nouvelles de la GéoGraphie : expos, films, livres et une page consacrée aux dix ans des Cafés Géos.



Courrier international, semaine du 10 au 16 avril 2008

Clairement le titre m’a attiré comme un aimant : « l’hyperpuissance américaine, c’est fini ». Régulièrement on porte au pinacle les Etats-Unis (l’hyperpuissance, la superpuissance) ou les descend plus bas que terre (déclin, récession).

Ici, le pronostic est gonflé ; certes les Etats-Unis sont embourbés en Irak et en Afghanistan, ils sont contestés dans un grand nombre de pays et par des foules entières, des rivaux émergent sur la scène politique et dans le champ économique internationaux mais de là à dire que le qualificatif attribué par Hubert Védrine devient un terme historique, il y a une marge.

Alors sur quoi s’appuie cette affirmation choc ? 4 articles dont deux d’enseignants chercheurs Parag Khanna et Kishore Mahbubani. Quel est le propos des uns et des autres ?

Parag Khanna utilise le concept de deuxième monde, tiré de son ouvrage « The second world : Empire and influence in the new global order ». D’après lui, l’hyperpuissance US n’aura duré que le temps des années 90. Depuis le début des années 2000, nous serions entrés dans un temps nouveau où les Etats-Unis ne domineront plus le  monde mais seront à la lutte avec deux concurrents : la Chine et l’Europe. Il écarte des prétendants tels que la Russie (problème démographique), l’Inde (retard conséquent sur la Chine).

Dans cette lutte pour la domination géopolitique du monde, chacune de ces trois forces devra séduire les états du 2ème monde mais quels sont-ils ? Ils  n’appartiennent ni au centre de l’économie mondiale, ni aux pays les moins développés ; en gros, ce sont tous les autres (Vénézuela, Vietnam, Maroc, Malaisie) qui feront pencher la balance et dont la priorité serait de « réussir par tous les moyens ». Mis à part les atouts des deux puissances concurrentes, Parag Khanna considère que les Etats-Unis et leur modèle libéral tendant à l’universel serait en phase d’isolement du fait de l’existence d’autres modèles de croissance économique (modèle chinois) ; autre désavantage, leur isolement géographique.

Alors que faire ? Le politologue soumet plusieurs propositions qui tiennent à la fois du hard et du soft power : multiplier les échanges universitaires, construire un complexe diplomatico-industriel, permettre à l’innovation us de reste à la pointe par l’injection massive de capitaux, convoquer un G3 afin d’aboutir à des compromis sur les grands sujets du siècle : changement climatique, sécurité énergétique…

Complétant cette analyse, Kishore Mahbubani critique l’aveuglement américain. Les Etats-Unis n’auraient pas pris conscience des mutations à l’œuvre à l’échelle mondiale et surtout n’aurait pas adapté leur façon d’agir à la nouvelle donne : une politique étrangère méprisante, le sentiment d’être ad vitam eternam LA puissance, des menaces de rétorsion économique face aux concurrents potentiels ou avérés et notamment l’Asie.

Les arguments des deux politologues ne sont pas dénués de bon sens mais la fin de mandat Bush a certainement une influence sur leurs propos. Côté concurrents, certes la Chine a potentiellement la possibilité de challenger les Etats-Unis dans tous les domaines mais elle n’y pas encore ; quant à l’Europe, ou certainement l’UE,  sa cohésion reste à prouver.


A lire aussi dans ce numéro une tribune de C. Raja Mohan parue dans The Indian Express, tribune défendant le modèle indien de relations à l’Afrique, comparé au modèle chinois. Toujours concernant l’Inde, la signature d’un accord entre l’Inde et le Myanmar à propos du développement du port de Sittwe dans le but entre autre de relier les 7 états indiens du Nord-Est à un port de marchandises moins lointain.

Autre article pouvant représenter un intérêt dans le cadre du programme de Seconde, celui paru dans El Pais traitant des problèmes d’approvisionnement en eau de Barcelone, carte à l’appui



Sur le site du Café
Par cfroidure , le jeudi 15 mai 2008.

Partenaires

Nos annonces