Le Café a lu 

 

 

Par Cyril Froidure

 

La vie du rail international, mars 2008.

Découverte derrière un amas de revues en tous genres, la vie du rail international traite des questions de transport ferroviaire sous un angle technique mais aussi économique et géographique.

Au sommaire de ce numéro, quelques articles peuvent intéresser le géographe et l’enseignant du secondaire : un dossier spécial SITL, les projets ferroviaires en Arabie Saoudite entre autres.

Sous le titre « Arabie Saoudite : projets phares et chantiers faramineux », sont présentés les trois grandes initiatives ferroviaires lancées par le royaume wahhabite dont le coût additionné se monterait à plus de 15 milliards de dollars. Chaque projet, dont on peut suivre le tracé sur une carte, fait l’objet d’un zoom pour en comprendre les tenants et aboutissants.

Le premier permettrait de relier les mines de bauxite et de phosphate du Nord du pays au port de Ras-al-Zawr sur le Golfe persique. Cette ligne de fret de plus de 2000 kilomètres s’accompagnerait d’une possibilité de transport de voyageurs. Autre intérêt de cette infrastructure selon une personne proche du dossier NSR (North South Railway), elle rendrait visible la frontière floue entre Irak et Arabie Saoudite. Le projet de pont terrestre, Landbrige, reliera le Golfe persique à la mer rouge et aura pour principale mission le transport de conteneurs d’une côté à l’autre offrant un gain de temps comparé aux quelques jours nécessaires au contournement de la péninsule. Enfin, le train à grande vitesse de Médine à La Mecque au rapport distance/voyageurs élevé, voyageurs réguliers mais surtout pélerins. Ces énormes projet attirent bien sûr de nombreux groupes internationaux que le lecteur peut lister grâce aux encadrés énumérant les consortiums qualifiés pour présenter un projet.

Le dossier SITL (p22 à 32) met en évidence le retard de la France dans le fret ferroviaire liés aux ports et surtout le transport de conteneurs, au bénéfice de l’axe Rotterdam-Milan. Les causes de ce retard sont multiples et le rattrapage reste possible, rattrapage illustré par les bonnes premières performances de Port 2000 au Havre dont le trafic conteneur a crû en 2006 de 25%. Toutefois tous les observateurs, dont Michel Savy répondant à une interview, sont d’accord pour reconnaître l’avance allemande, en l’occurrence celles de la Deutsche Bahn et des ports allemands (Hambourg), et plus généralement du Nord de l’Europe. Cette avance est dû aux fortes relations ferroviaires entre ces ports et leur hinterland, à la prise en charge des infrastructures ferroviaires des ports par ceux-ci, à la multiplicité des acteurs, source de dynamisme. Malgré cela, la position de la France n’est pas définitive ; Michel Savy rappelle l’atout que représente la situation géographique de la France en Europe, la solidité générale de l’infrastructure ferroviaire mais l’obligation d’investir toujours et encore dans celle-ci, le possible engorgement des ports nord-européens.

Les ports français doivent donc ériger en priorité le développement du mode ferroviaire d’évacuation des marchandises, des conteneurs afin de bien se placer dans la lutte entre grands ports européens au moment où semble se dessiner une nouvelle géographie portuaire hiérarchisée, comme pour le transport aérien, autour de hubs, têtes de pont, rayonnant sur des ports secondaires.

 

 

Questions internationales, mars-avril 2008.

Comme pour tous ses numéros, le sommaire de la revue s’articule autour d’un dossier occupant les deux tiers du magazine, celui de mars-avril est consacré au Japon mais on trouvera dans cette livraison un article sur « deux acteurs internationaux atypiques : la Norvège et l’Australie.

 Les articles composant le dossier Japon sont l’œuvre d’auteurs aux spécialités complémentaires (géographe, historien, économiste, chercheur en relations internationales) permettant au dossier d’envisager le Japon dans son épaisseur historique tout en faisant le point sur des questions intérieures et extérieures. Présenté comme une superpuissance économique dans les années 80, en crise dans les années 90, le Japon d’aujourd’hui se situe dans un entre-deux flou caractérisé par des situations internes et externes en mutations.

 

Le Japon vu de l’intérieur.

Jean-Marie Bouissou analyse l’histoire du Japon sous l’angle de la rupture. Après un rapide retour sur l’avant XVIème siècle, il consacre son développement aux ruptures de l’époque moderne et contemporaine, faisant passer le Japon de pays fermé aux structures politiques archaïques (période Edo) à celui de nation moderne, ouverte, à partir de l’ère Meiji, au  développement économique rapide, au fonctionnement politique bipolaire et dont l’affirmation sur la scène internationale scella une identité et un sentiment national fort autour de l’empereur (voir l’encart sur l’institution impériale).

Seulement, les mutations sociales mal vécues et les frustrations extérieures du siècle précédent furent le lit de l’autoritarisme et l’expansionnisme des années 30 et 40. Rupture majeure du XXème siècle, la capitulation s’ensuivit d’une occupation associée à une transformation du Japon auquel l’auteur associe la démocratisation politique, incarnée par la constitution de 1947 mais sapée par l’omnipotence du PLD et les relations de clientélisme, et économique marquée par la dissolution avortée des concentrations économiques mais par le passage réussi d’un managériat familial à un managériat de cadres.

Etudiant la situation politique, Eric Seizelet ouvre son article sur quatre constats : la longévité de la démocratie japonaise comparée à la situation de ses voisins, sa contestation de l’intérieur par le PLD, l’absence de passage à l’acte du parti dominant. Contestation car les institutions et la constitution post-guerre mondiale furent considérées comme des figures imposées. Dès la fin de l’occupation, le courant conservateur entreprit d’altérer le poids de la constitution dans les pratiques (création des FAD, triangle d’airain de la décision politique, dépendance des collectivités territoriales vis-à-vis de l’état), abandonnant dans les années l’idée d’une révision jusque dans les années 90. Conséquences de mutations politiques internes, la possibilité d’une révision n’est plus rejetée mais discutée afin de l’adapter au Japon du XXIème siècle et trouve un écho plus favorable dans la population mais plus partagé au-delà des frontières.

Philippe Pelletier, dans son article, reprend pour parti le texte produit pour la documentation photographique dans lequel il bat en brèche une série d’idées reçues sur l’homogénéité de la société japonaise : le mythe des classes moyennes, le couple un peuple/une identité mais la présence de populations d’origine coréenne et plus récemment le retour de Nikkeijin remettent en cause cet autre mythe. En effet, ces derniers, bien « qu’ayant l’air » de Japonais, ne se comportent pas comme Japonais provoquant des sentiments de rejets de la part du reste de la population.

 

Le Japon dans ses rapports à l’Asie et au monde.

S’intéressant aux relations Japon/Occident, Robert Calvet note que, dans ce sens même l’ère Edo a connu des contacts et l’arrivée des « navires noirs » de Perry est à la fois une ouverture économique, politique mais permet aussi une pénétration culturelle précédant une occidentalisation mais aussi un rejet de celle-ci. Après 45, la question n’est pas de savoir si occidentalisation il y a, mais s’il ne s’agit pas plus d’une américanisation visible dans les modes de vie, beaucoup moins dans l’économie. Quant à la japonisation de l’Occident, elle n’a rien à voir quantitativement avec l’occidentalisation même si mangas, jeux vidéos et matériel High-Tech la véhiculent.

Le Japon est la 2ème puissance économique mondiale et Evelyne Dourille-Feer analyse cette situation depuis la capitulation de 45. Cette position a été acquise par étapes et autour de quelques axes :  priorité à  l’industrie associée à une orientation à l’export des produits manufacturés permettant à terme l’émergence du Japon comme puissance financière. La réussite japonaise est brisée par le bulles spéculatives et immobilières ainsi que des évènements exceptionnels (séisme de Kobé) : recul du Nikkei, du prix des terrains, hausse du chômage mais surtout sur une inadaptation du système économique à la mondialisation… En résulte une croissance faible et en dents de scie pendant dix ans mais cette décennie fut plus qu’une période de crise, celle d’une mutation des structures. Depuis 2002, la reprise s’appuie sur le dynamisme des entreprises, une reprise des exportations, une baisse du chômage mais restent plusieurs défis à relever : chômage, vieillissement…

2ème puissance économique mondiale mais puissance régionale paradoxale pour Karoline Postel-Vinay, du fait de son particularisme comparé à ses voisins asiatiques de part le double choix de la démocratie libérale et de l’occidentalisation. Cette singularité nippone s’est accompagné de repli et d’ouverture sur le continent asiatique et plus particulièrement les voisins proches (Chine, Corée) ce jusqu’à ces dernières années car malgré l’essor des échanges et rencontres (ASEAN+3) entre états de la région, les discours nationalistes, voire révisionnistes tels que ceux tenus par le premier ministre Koizumi ont donné un coup de frein à ces relations.

Dernier point abordé par le dossier, la place du Japon sur la scène internationale. Valérie Niquet et Céline Pajon réalise un historique de la place du Japon dans le monde en partant de la capitulation de 45. La fin du conflit inaugure une période marquée par la faible autonomie diplomatique du pays associée à une forte dépendance américaine symbolisée par la présence en nombre de troupes US (près de 260 000 hommes au début des années 50). Le temps suivant, celui de la guerre froide, commence en 55 marqué par la formation et l’accession au pouvoir du PLD ; ce moment se caractérise par une progressive réintégration du Japon au jeu diplomatique international (ONU, relations avec l’Asie), retour favorisé par l’essor économique nippon.

Enfin la guerre du Golfe marque l’ouverture d’une dernière période lors de laquelle le Japon  brise un tabou par l’envoi hors du territoire national de militaires et renforce son alliance avec les Etats-Unis bien que des divergences, et l’asymétrie dans le partenariat, persistent sur nombre de questions. Au final, le Japon tend à quitter son habit de nain politique et s’affirme sur les enjeux diplomatiques par le biais de vecteurs identifiés : soft power, puissance économique, soutien à l’ONU.

Sur le site du Café
Par fsolliec , le mardi 15 avril 2008.

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