Dossier : L’Inde - Le Café a lu... 

Par Cyril Froidure

   

L’Inde au miroir du monde : géopolitique, démocratie et développement de 1947 à nos jours. Christian Bardot.


Après les Etats-Unis, l’Asie de l’Est et la Russie, La collection CQFD de chez Ellipses s’enrichit avec cet ouvrage sur l’Inde. Certes 145 pages, c’est court pour espérer faire le tour du sujet mais tel n’est pas l’objectif ; il s’agit plutôt de tracer à grands traits le portrait d’un pays-continent. Les points forts de cette collection sont connus : des documents utilisables en classe, un point sur les connaissances, des quoi/qui présentant des personnages, des idées, des notions.

L’Inde a changé ces quinze dernières années. Partant de ce constat, l’auteur évoque ce qu’il nomme la voie indienne, voie tracée à partir du modèle anglais dans le domaine politique et socialiste pour l’économie, privilégiant à ce titre l’industrie.

Les années 80 marque un tournant ou un changement de voie : l’Inde, soutenue par le FMI, la Banque mondiale, opère une libéralisation économique progressive, en particulier en ce qui concerne les échanges. Aujourd’hui l’Inde est classée dans le groupe des pays émergents. Emmenée par de grands groupes industriels (Tata, Mittal…), le pays accroît son poids dans l’économie mondiale tant qu niveau des exportations que des investissements. Ces mutations s’observent dans les différents secteurs de l’économie à tel point que les services représentent désormais une part conséquente du PIB indien stimulés par la réussite dans le domaine de l’informatique. Néanmoins « le rayonnement international reste modeste » et les comparaisons avec la Chine ne sont pas à son avantage, freiné qu’il est par des retards en termes d’infrastructures, l’efficacité douteuse de l’administration…

Cette entrée dans la mondialisation laisse la société indienne écartelée entre des logiques différentes : une traditionnelle illustrée par la division en varnas et en caste, une « moderne » qui permet de constater l’essor des classes moyennes, la montée d’une société de consommation caractérisée par la place croissante prise par les grandes surfaces ou le développement du marché de l’automobile.

La mondialisation modifie aussi l’espace indien ; dans cette reconfiguration, le Sud reste un « espace moteur de la mondialisation ». Fréquemment l’Inde fait l’objet d’une partition entre une « Inde qui brille » correspondant à un croissant de la partie occidentale de la plaine du Gange jusqu’à Madras-Bengalore en passant par Mumbai et une « Inde qui stagne » soit le Nord-Est et l’ensemble BIMARU. Cette opposition recouvre pour l’essentiel la distinction littoraux/intérieur si ce n’était les cas de Bengalore et de Delhi.

Dans ce contexte de mondialisation, l’Inde dispose d’un atout si on la compare à la Chine : la démocratie. Mais ces dernières années, son avenir s’est assombri du fait d’une instabilité gouvernementale patente depuis 1977, la poussée du nationalisme hindou, de la montée en puissance de forces centrifuges. Diagnostic à nuancer car finalement la participation au scrutin est toujours élevée et l’alternance fonctionne autour du parti du Congrès et du BJP.

Le rapport au monde de l’Inde s’est donc modifié ; dans le domaine des relations extérieures, l’Inde les entrevoit à trois échelles : celle du sous-continent qu’il convient de stabiliser, celle du continent avec lequel les échanges sont en forte croissance sans oublier le cas du voisin chinois dont on se méfie mais avec qui l’on souhaite des relations normalisées ; enfin l’espace mondial : ici la nouvelle relation avec les Etats-Unis devient prépondérante.

Quel avenir pour l’Inde ? Cette question est l’objet du dernier chapitre. Différents scénarios sont envisagés : Bollyworld, celui d’une croissance soutenue au détriment des progrès sociaux ; un autre, Pahale India qui verrait une répartition des bénéfices de la croissance plus équitable, Bhatakta Bharat (l’Inde qui erre) caractérisé par une croissance instable, un retard dans la modernisation des infrastructures. En tous les cas, une question d’actualité reste en suspens: ce développement sera-t-il durable ? Les impacts environnementaux d’un développement accéléré se font déjà sentir (déforestation, rejet de GES) d’autant plus, que bien qu’ayant signé Kyoto, l’Inde n’est pas contrainte à diminuer ces émissions.

Les défis sont donc immenses mais là réside peut-être la chance, l’opportunité d’un pays aspirant  à un destin mondial.



 

Géopolitique, n°99. L’Inde : état souverain.


Le dernier numéro de ce bimensuel est entièrement consacré à l’Inde sous l’angle de la puissance et de la place de l’Inde sur l’échiquier géopolitique internationale. La quinzaine d’articles évoque à la fois les ressorts de la nouvelle puissance indienne, l’état des relations avec les Grands de ce monde (Etats-Unis, Chine, Russie), les zones d’action de cette puissance.

Parmi les atouts de l’Inde, Jean-Joseph Boillot brosse un tableau de l’économie indienne, rappelant que nombreux sont les rapports d’organismes internationaux faisant état de la promotion de ce pays, dans un futur proche, dans le cercle des grandes puissances. Si on considère les indicateurs classiques de la puissance (population, PIB, production), le constat est contrasté : bien sûr elle pèse et pèsera de par sa masse mais, citant le rapport cyclope, celle-ci n’a un impact décisif sur aucune matière première tant sa production est destinée à son marché intérieur. Toutefois note l’auteur, l’Inde intégrera certainement le club des puissances pour trois raisons : « la renaissance économique du pays, la combinaison d’un effet vitesse et masse et la perspective d’un rattrapage du niveau de PIB par habitant ». La disponibilité en actifs jeunes et bien formés permet et pourrait permettre à l’avenir d’attirer toujours plus d’investissements des firmes multinationales. Enfin, les nouvelles relations avec les Etats-Unis, le dynamisme des grandes entreprises indiennes, l’adaptation du secteur bancaire et l’utilisation d’un soft power à l’indienne (diaspora, Bollywood) viendront étoffer cette puissance en construction.

Symbole de cette volonté d’accession au statut de puissance, le nucléaire et l’espace font l’objet de toutes les attentions. L’accord nucléaire de juillet 2005 est synonyme de lever des sanctions américaines sur la fourniture de « produits » nucléaires à l’Inde, de reconnaissance du pays comme puissance nucléaire mais il est critiqué car, représentant pour certains, un « bridage » du programme d’armement stratégique indien et de la recherche. Recherche aussi dans le domaine spatial dont le budget a fortement augmenté afin de permettre de  rattraper ces concurrents et notamment la Chine et de parvenir à lancer des missions lunaires autonomes.

Une deuxième série d’articles abordent les relations extérieures de l’Inde. La disparition de l’URSS et l’essor de la Chine ont amené une modification des orientations indiennes rendues possibles par les réformes économique du début des années 90 et les essais nucléaires de 1998. Depuis lors, la diplomatie indienne s’attache à conclure des accords avec les grandes puissances, à stabiliser le sous-continent et s’investir en Asie. Cette nouvelle diplomatie a des implications économiques avec la multiplication des échanges avec l’Asie mais aussi un soutien affirmé aux pays en difficultés par le biais de l’aide. La technologie joue aussi un rôle  tant dans le domaine des échanges commerciaux que dans celui des transferts de technologie (avec les Etats-Unis et la Russie).




Géopolitique de l’Inde : Védisme, laïcité et puissance nucléaire. Denis Lambert collection références géopolitiques, éditions Ellipses, 302 pages.


Chargé d’études géostratégiques, Denis Lambert souligne la méconnaissance française de cette partie du monde, méconnaissance illustrée par nombre d’idées reçus circulant à propos de l’Inde.

Tel qu’il l’expose, il indique que son livre a pour d’aider le lecteur à mieux appréhender l’Inde mais, précise-t-il de suite, il n’entend pas livrer un essai objectif de la situation.

Une grande partie de son ouvrage tient pourtant du manuel classique voir vieilli. Classique par l’architecture des premiers chapitres s’attachant dans une posture descriptive à évoquer les fondamentaux naturels (climats, situation, ressources…), humains ( fécondité, déséquilibre filles/garçons, division en castes…) ; vieilli  car débutant par les fondamentaux naturels, poursuivant par les hommes…

On l’aura compris cette première partie n’est pas la plus emballante. Ensuite vient un historique de l’Inde remontant à la préhistoire pour remonter jusqu’à la période contemporaine et la création de l’Union indienne, la partition indo-pakistanaise. Ce parcours dans le temps n’est certes pas inutile il permet aux néophytes de combler les lacunes du lecteur sur des points précis de l’histoire du pays mais refaire l’histoire de l’Inde ou du territoire indien avant le XIXème siècle semble avoir peu d’intérêt dans un ouvrage de géopolitique.

Le reste de l’ouvrage rend compte de ce que l’Inde a pu être et/ou st encore depuis l’indépendance avec en fil rouge la volonté parfois contrariée de posséder l’arme atomique mais aussi de se voir reconnaître une place correspondante a son poids démographique et historique.

La période marquée par la bipartition Est/Ouest, laisse l’Inde osciller entre son rôle de chef de file des non-alignés et une proximité en partie avouée avec l’URSS, ne serait-ce que par les options économiques choisies par Nehru. Ce premier temps est aussi celui du choix précoce d’une mise en place d’un programme nucléaire, détaillé étapes par étapes jusqu’aux premiers essais de 1974, réprouvés par la communauté internationale.

La période suivante, 1974-2005, des essais au partenariat avec Washington, permet de comprendre le chemin parcouru par ce pays, chemin parsemé de difficultés intérieures, de menaces extérieures, marqué par la perte de l’allié soviétique mais par la recherche de nouveaux partenaires contradictoires (Iran, Israël). Le programme nucléaire lui suivit son cours entre période de stagnation et d’avancées. La nouvelle série d’essais de 1998, suivis d’essais pakistanais, amène les Etats-Unis à reconsidérer le statut de l’Inde pour aboutit au récent accord autorisant la fourniture à l’Inde de combustibles nucléaires, faisant de facto de l’Inde une puissance nucléaire.

A partir de là, l’auteur livre des réflexions d’ordre militaire ou géostratégiques. Militaires lorsqu’il réalise un état des lieux des forces armées indiennes, armée nombreuse et en cours de modernisation. Modernisation et diversification aussi dans le domaine des forces nucléaires : modernisation par le souhait de produire des vecteurs de portée plus longue et diversification afin de pouvoir rendre l’arme atomique opérationnelle sur terre, mer et air.

L’option du nucléaire militaire fut prise pour répondre à plusieurs objectifs : dissuader un éventuel agresseur, asseoir la position internationale de l’Inde. Car l’Inde mène désormais une politique étrangère entre pragmatisme et recherche de sécurité :aider à la reconstruction de l’Afghanistan, pays-clé en Asie centrale, aider ses voisins (Pakistan, Bangladesh lors de catastrophes naturelles), rapprochement avec Chine et Inde, nouvelle « alliance avec les Etats-Unis, poids croissant en Asie. Mais dans le même temps, le pays doit face à des forces centrifuges pouvant remette en cause la stabilité intérieure de l’Union.

La conclusion insiste sur les rapports avec Inde et Chine, pointant les risques éventuels, militaires ou économiques.



L’Inde ou le grand écart, Frédéric Landy, N°8060, la documentation photographique, 64 pages.


Dans ce nouveau numéro de la Documentation photographique, Frédéric Landy, maître de conférences à  Paris X et éminent spécialiste de l’Inde, annonce ses ambitions : nuancer idées reçues et à-priori, décrire les mutations en cours.

Comme il est de coutume ce numéro opère un point sur la question puis thèmes et documents sont répartis en trois chapitres d’inégales longueurs, les deux premières parties étant privilégiées :

-L’Union malgré tout.

-Campagnes et villes : de plus en plus d’écarts … et d’interrelations.

-Les nouveaux espaces de la mondialisation.

 

Alors où en est l’Inde ? Est-ce l’Inde pauvre (p34-5, « le maintien de la pauvreté ») des reportages ou de la cité de la joie ou est-ce celle de Bengalore, de Bollywood ? Certainement un mi-chemin entre les deux ou plutôt un mélange des deux au dosage différent selon l’échelle envisagée.

« L’Inde qui brille » est l’une des réalités indiennes, celle d’un pays s’insérant depuis 1991 dans la mondialisation. Cette insertion est illustrée par toute une série d’indicateurs économiques au beau fixe : croissance du PIB et des échanges (p56-57, « commerce international et zones franches »), IDE et trafic aérien en hausse. Cette dynamique se remarque particulièrement dans un secteur de l’informatique (l’infogérance) attirant moins pour des raisons de gains de productivité que pour la qualité de la main d’œuvre. Mais le tableau vu de plus près est à nuancer ; les inégalités semblent s’être creusées au profit des classes hautes  et de classes moyennes en expansion (p48-9, « l’essor de la middle class ») acquérant les symboles de la réussite que sont portable, automobiles et logements dans des quartiers fermés alors qu’une proportion considérable de la population active travaille dans l’informel, dans l’agriculture ( p38-39, « des campagnes en attente d’un second souffle ») et subit malnutrition voire sous-nutrition (p36-7, « autosuffisance alimentaire et défi alimentaire »). Frédéric Landy voit là un risque réel de repli sur elle-même de la population riche au détriment des équipements collectifs et de l’ « Inde de la pauvreté. »

L’individualisme récent des classes aisées feraient peser un risque sur la société indienne auquel s’ajouterait un risque économique, conséquence d’une déficience et d’une vétusté des infrastructures. (p52-53, déficience des infrastructures et des services publics »)

L’Inde c’est aussi et surtout le deuxième pays le  plus peuplé au monde (p42-43, « un dense semis urbain qui n’empêche pas la ruralité »), un pays encore à forte population rurale mais au grand nombre de villes millionnaires (p46-47, « Mumbai, Delhi, megacities ») ; il est possible d’y voir une opportunité, celle de posséder dès aujourd’hui et à l’horizon 2030 une main d’œuvre pléthorique, mais fécondité et mortalité infantile encore élevée, déséquilibre garçon/fille noircissent l’horizon (p20-21, « moins d’enfants, moins de filles »)

L’insertion politique de l’Inde est-elle aussi en mutation. Le rapprochement avec les Etats-Unis, sur fond de guerre contre le terrorisme, représente la donnée nouvelle de ce début du XXIème siècle mais ne elle ne dot pas occulter ce que l’auteur définit comme un blocage en Asie tant l’asymétrie est grande entre l’Inde et ses voisins tout autant que l’inimitié avec certains d’entre eux. (p58-59, « la nouvelle donne géopolitique »)

Enfin se pose la question très actuelle du développement durable. Frédéric Landy parle à ce sujet de « non-développement non durable », expression par laquelle il entend montrer, à travers les exemples du parc national de Mumbai et de l’irrigation, que non seulement le développement actuel oublie une partie de la population mais ne contribue pas à une préservation durable de l’environnement (p22-23, « le défi de la conservation de l’environnement »)

Enfin est abordé l’avenir de l’Inde. Entrée dans la mondialisation, l’Inde sera-t-elle au premier rang de la mondialité, définie comme « l’aboutissement du processus de mondialisation » ? Ce développement reprend dans ses grandes lignes le contenu d’un café géo cité plus haut ( http://www.cafe-geo.net/article_imp.php3?id_article=772 )

Si l’auteur entrevoit quelques obstacles, il insiste aussi sur les atouts de l’Union indienne (sa culture, sa diaspora) pouvant aboutir à une mondialité « partiellement indienne ». (p60-1, « le soft power culturel de l’Inde », p62-63, « l’hétérogénéité de la diaspora indienne ») tout autant que le consensus existant par delà les différences (p28-29, « les états de l’Union », p24-25, « les Indiens, les Hindous et les autres ») et divergences.

 

Bien sûr, inutile de dire que ce volet de la documentation photographique permettra aux enseignants de collège et de lycée d’actualiser leurs cours.

En 5ème, les cartes de l’urbanisation, du taux de population urbaine, de l’alphabétisation pourront répondre aux besoins des professeurs pour aborder les contrastes régionaux de même que les différents paysages urbains et ruraux (p18-19, « contrastes ruraux », p44-45 « paysages urbains »).

Pour envisager le programme de seconde, de nombreux thèmes et documents apporteront de l’eau au moulin des professeurs :

-Plus de six milliards d’hommes sur la Terre, à utiliser la double-page « moins d’enfants, moins de filles » par exemple.

-pour « nourrir les hommes », la double-page « autosuffisance céréalière et défi alimentaire » composé de cartes des productions et rendements en blé et riz, un graphique présentant les progrès des rendements, un schéma de la filière du grain offriront la possibilité d’une étude de cas.

-Le thème « dynamiques urbaines et environnement urbain » trouvera matière dans les doubles-pages « paysages urbains »,  « un dense semis urbain qui n’empêche pas la ruralité », « Mumbai, Delhi, megacities » et permettra d’aborder le phénomène urbain à plusieurs échelles.

Enfin en troisième mais peut-être plutôt en terminale et pour sortir des exemples moultes fois labourés, certains documents serviront à aborder la mondialisation et les échanges (p54-55, l’industrie à deux vitesses avec un ensemble de cartes localisant les implantation du groupe Tata, p56-57 « commerce international et zones franches », p62-63, « le soft power culturel de l’Inde ») et les migrations (p62-63, « l’hétérogénéité de la diaspora indienne »).



Sur le site du Café
Par fgiroud , le samedi 15 décembre 2007.

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