Le Café a lu 

 

Par Cyril Froidure

 

 

Le développement durable, (Dir) Yvette Veyret, Capes-Agregation, éditions Sedes, 432 pages.

L’inscription d’un thème au programme de concours de recrutement déclenche classiquement une vague de publications. Dans le cas présent, la vague était déjà haute tant le développement durable fait couler beaucoup d’encre, certains diront à tort et à travers.

Tel n’est pas le cas de cette livraison des éditions Sedes, avant tout destinée aux candidats, pour laquelle Yvette Veyret s’est entourée d’une trentaine de géographes abordant leur thème de prédilection sous l’angle du développement durable. L’ensemble se présente comme un manuel au découpage classique : une partie sur les définitions du concept, quatre parties thématiques (ressources, activités, risques, ville), seules les deux dernières parties sortent du schéma en traitant des pays en développement puis Etats-Unis et Chine intégrant ainsi une dimension multiscalaire au propos.

« Le développement durable. Quels enjeux géographiques ? » La documentation photographique 

http://www.clionautes.org/spip.php?article1246&var_recherche=developpement%20durable

 

 

Définitions et questions.

C’est Yvette Veyret qui se colle au jeu des définitions rappelant le flou de l’expression développement durable ainsi que des mots développement et durable, laissant la voie libre à tous les discours. Dès le XVIIIème, des textes insinue la notion, son récent succès tient au constat d’une crise globale touchant une nature dont la virginité et l’existence sont remises en question par l’homme et ses activités.

Médiatisées par les protecteurs de la nature, ces observations ont engendré des efforts et des politiques de protection marquant durablement le développement durable. Car malgré la définition d’un développement durable à la confluence de l’économique, du social et de l’environnemental, les théories opposant développement à durabilité faible ou forte, voire évoquant l’hypothèse de la nécessité d’une décroissance, le développement durable s’assimile encore trop à la protection de l’environnement.

D’autres questions sont posées en plus de ce déséquilibre : celle de l’application d’une notion à l’échelle mondiale posant le problème de la gouvernance, celle d’une idée du Nord s’imposant au Sud, celle de la difficile mesure d’un concept à géométrie variable.

 

Ressources et développement durable.

Eau, forêts, énergies, autant de ressources pour lesquelles sont posées la question de la durabilité. Seulement pour toutes, l’évaluation des quantités disponibles est en question : Laurent Boulier et Joël Boulier signalent la multitude de définitions existantes pour la forêt tout comme délicate reste la question de la définition et la quantification des réserves énergétiques, pétrole et gaz en tête, ajoute Bernadette Mérenne-Schoumaker (La géographie de l’énergie).

Pour chacune de ces ressources, les situations divergent même si une tendance à la raréfaction est observée : Sandrine Vauchelle et Véronique André-Lamat insistent sur une « renouvabilité » variable selon l’échelle observée de l’eau alors que pour les hydrocarbures, la fin du pétrole, le fameux peak oil, est régulièrement annoncé. Comment gérer ces ressources ? par des comportements (mieux consommer), par des technologies nouvelles (dessaler l’eau de mer, énergies renouvelables) mais surtout par la responsabilisation de tous les acteurs.

La géographie de l’énergie :

http://www.cafepedagogique.net/searchcenter/Pages/Results.aspx?k=geographie%20de%20l'energie

 

Types d’activités et développement durable.

Les contributeurs relèvent la difficulté à conjuguer activités économiques et développement durable, Jean Soumagne voit une contradiction entre commerce et développement durable et Jean-Paul Charvet oppose agriculture productiviste et agriculture durable), et le caractère trop vague du concept : Rémy Knafou considère que l’expression tourisme durable est mal choisie et Jean-Pierre Orfeuil que la forêt d’analyses et de perspectives rend délicat une approche claire. Néanmoins, pour François Bost, la prise de conscience a eu lieu dans le monde de l’entreprise mais l’adaptation du concept au domaine économique n’a rien de simple. En effet la marginalité de l’agriculture biologique et du commerce équitable sont évidentes ; l’implication des entreprises dans une démarche de développement durable oscille entre effet d’image et exploitation d’une niche économique. Baisse des émissions de CO2, réalisation de transports en commun, accélération de la recherche, normes et labels nuancent le tableau.

 

Risques et développement durable.

Quelques catastrophes naturelles récentes (tsunami, ouragan Katrina) ajoutées à la montée des discours sur les changements climatiques ont amené à réfléchir aux risques naturels mais aussi technologiques sous l’angle du développement durable et ce pour plusieurs raisons. Yvette Veyret signale que des évènements naturels exceptionnels freinent la mise en place d’un développement durable par leurs conséquences, ralentissement auquel il faut ajouter les inégalités des territoires face à ces menaces, mieux gérées dans le cas des risques technologiques tel que le démontre Jocelyne Dubois-Maury citant les diverses normes mises en place en Europe ou encore plus précisément le classement d’infrastructures à haute dangerosité en tant que site Seveso rappelant ainsi un événement précis dans la mémoire des Européens.

Cette partie consacrée aux risques traite de ceux liés à la santé et à la géopolitique. Santé car le développement durable comprend un volet social or, pour Jeanne-Marie Amat-Roze, comment envisager un développement sur le long terme si la santé n’est pas un acquis. Rappelant les lourdes inégalités connues de tous, l’auteur évoque les quelques chantiers essentiels dont une partie rentre dans les objectifs des OMD. Géopolitique le développement durable, car prenant l’exemple de l’eau, Béatrice Giblin répertorie les enjeux liés à cette ressource pour laquelle elle évoque des conflits possible pas tant au niveau international qu’entre régions et acteurs d’un même pays.

 

Aménagement, ville et développement durable.

Le titre de cette partie ne reflète pas totalement le contenu puisqu’il est d’abord question des territoires pertinents pour un développement durable. François Mancebo pose la question pour en conclure qu’il n’existe en fait pas de territoires types mais que le territoire idéal devrait être celui dans lequel les interactions entre les domaines économique, social et environnemental seraient fortes ajoutant qu’une fois défini cet espace a vocation à être pensé avec son à-côté et non pas en tant qu’entité isolée.

Yvette Veyret et Elisabeth Dorier-Aprill constate l’association récente de la ville  et du développement durable ; la première établit une chronologie de cette thématique partant de la conférence d’Istanbul en passant par la rédaction d’agendas 21 locaux et arrive à la conclusion que la ville durable reste à penser au-delà d’actions ponctuelles. Dans les villes du Sud, Elisabeth Dorier-Aprill note le décalage entre les attendus du développement durable et les réalités du terrain, faite de recherche de croissance économique et de satisfaction des besoins de base. Elle tord le cou de quelques idées reçues sur l’étalement urbain, la pollution automobile et l’approvisionnement en eau insistant sur la priorité du volet social dans ces agglomérations. La question de la gestion intégrée des littoraux, article d’ Alain Miossec, ferme cette partie, gestion qui semble une évidence à l’auteur identifiant les blocages (lenteur de la prise de décision, prédominance des aspects environnementaux) limitant son efficacité.

 

Les pays en voie de développement et le développement durable.

Dans ce que l’on appelle les Suds, l’application de politiques de développement durable affronte des difficultés spécifiques : la prise en compte d’un discours élaboré par le Nord, la pauvreté, la place prise par la biodiversité. Malgré cela, le concept fait son chemin par opportunité ou réelle prise de conscience d’après Sylvie Brunel. Des initiatives sont prises mais, et les exemples développés de l’éco-tourisme et de la certification/commercialisation des produits ou pratiques locales tendent à la démontrer, elles versent trop souvent dans une fixation, une « sanctuarisation » qui n’a plus rien à voir avec le développement durable. Tracé à grands traits ci-dessus, la prise en compte du développement durable dans les Suds n’est pas monochrome : des politiques de conservation observées surtout en Afrique à la promotion des agrocarburants au Brésil, les Suds montrent encore toute leur diversité.

 

Etats-Unis, Chine et développement durable.

Pourquoi ces deux pays ? Simplement car on a affaire là à la superpuissance actuelle et à celle de demain et puis il s’agit des deux plus forts pollueurs atmosphériques de la planète. Seulement les problématiques sont différentes :

-Pour les Etats-Unis, la prise en compte de l’environnement n’est pas une découverte mais celle du développement durable est en cours car si un nombre croissant de collectivités (état, ville), d’associations civiques s’impliquent, l’état fédéral reste en retrait. Néanmoins, émergent peu à peu quelques-unes des questions essentielles : la gestion du territoire, la thématique énergétique, l’étalement urbain.

-En Chine, ce sont les excès de la croissance économique qui pousse l’état chinois à intégrer le développement durable dans ses politiques, illustrées pour l’instant par quelques projets-phares : la rivière des Perles ou Dongtan. Mais dans ce pays, les freins sont à chercher au niveau des collectivités plus que du centre sans compter qu’à ce jour, l’état chinois  souhaite avant tout maintenir le rythme de la croissance économique avant de prendre en considération d’autres paramètres.

 

 

Voilà donc un vrai manuel à l’usage de tous les étudiants et candidats aux concours qui y trouveront pistes et idées, même si les contributions sont inégalement convaincantes et demandent un approfondissement à l’aide d’ouvrages traitant précisément de tel ou tel thème. L’enseignant, au moment où les nouveaux programmes de collège vont être rendus publics, aura un outil bien utile à sa réflexion afin d’intégrer le développement durable dans ses cours ; à noter, et qui intéressera plus particulièrement les professeurs de seconde, quelques études de cas : « Espace urbain, vulnérabilité et développement durable : le cas de la métropole francilienne », « transport maritime, ports et développement durable ». Grand regret, l’absence de documents (cartes, graphiques, textes) dans un livre de géographie de plus de 400 pages est un manque évident.

 

 

 

Sur le site du Café
Par fsolliec , le mardi 15 avril 2008.

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