Un ministre de l’identité nationale est-il compatible avec les valeurs démocratiques ? 

 

Par François Jarraud

 

« Le ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement en matière d’immigration, d’asile, d’intégration des populations immigrées, de promotion de l’identité nationale et de co-développement » annonce le Journal Officiel du 1er juin qui définit les attributions du nouveau ministère.

Et elles ne sont pas minces : « Il prépare et met en œuvre les règles relatives aux conditions d’entrée, de séjour et d’exercice d’une activité professionnelle en France des ressortissants étrangers. Il est chargé […] de la lutte contre l’immigration illégale et la fraude documentaire intéressant des ressortissants étrangers ; […] de la lutte contre le travail illégal des étrangers ; […] de la politique d’attribution des visas. Il est compétent, dans le respect des attributions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Commission des recours des réfugiés, en matière d’exercice du droit d’asile et de protection subsidiaire et de prise en charge sociale des personnes intéressées. […] Il a la charge des naturalisations et de l’enregistrement des déclarations de nationalité à raison du mariage. Il est associé à l’exercice par le garde des sceaux, ministre de la justice, de ses attributions en matière de déclaration de nationalité et de délivrance des certificats de nationalité française. »

Mais les enseignants seront aussi particulièrement sensibles à des attributions qui ont un impact sur l’enseignement : « Il participe, en liaison avec les ministres intéressés, à la politique de la mémoire et à la promotion de la citoyenneté et des principes et valeurs de la République. »

C’est cette politique de mémoire qui dresse un collectif d’historiens contre le gouvernement. Démissionnaires du Centre national d’histoire de l’immigration, ils dénoncent « l’association entre immigration et identité nationale » et y voient un péril pour l’idéal démocratique. « Associer "immigration" et "identité nationale" dans un ministère n’a jamais eu de précédent dans notre République. C’est, par un acte fondateur de cette présidence, inscrire l’immigration comme "problème" pour la France et les Français. Or il n’est pas dans le rôle d’un État démocratique de définir l’identité. Ce rapprochement s’inscrit dans la trame d’un discours stigmatisant l’immigration et dans la tradition d’un nationalisme fondé sur la méfiance et l’hostilité aux étrangers, dans les moments de crise. »

Reçus le 29 mai par B. Hortefeux, ils ont décidé de lancer un espace d’information et discussion ainsi qu’une pétition.

Au J.O.

http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=IMIX0755108D

Le site Upolin

http://www.upolin.org/

 

 

Huit historiens refusent de collaborer avec le gouvernement

« Les mots sont pour le politique des symboles et des armes. Or il n’est pas dans le rôle d’un État démocratique de définir l’identité. Associer "immigration" et "identité nationale" dans un ministère n’a jamais eu de précédent dans notre République : c’est, par un acte fondateur de cette présidence, inscrire l’immigration comme "problème" pour la France et les Français dans leur être même. » Huit historiens (Marie-Claude Blanc-Chaléard, (Paris 1), Geneviève Dreyfus-Armand (BDIC), Nancy L. Green (EHESS), Gérard Noiriel (EHESS), Patrick Simon, démographe (INED), Vincent Viet (IDHE), Marie-Christine Volovitch-Tavarès et Patrick Weil (CNRS-Paris1), démissionnent des instances officielles de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) pour protester contre l’instauration « inacceptable » d’un ministère de « l’immigration et de l’identité nationale ».

« Ce rapprochement s’inscrit dans la trame d’un discours stigmatisant l’immigration et dans la tradition d’un nationalisme fondé sur la méfiance et l’hostilité aux étrangers, dans les moments de crise. Là où le pari de la CNHI était celui du rassemblement tourné vers l’avenir, autour d’une histoire commune que tous étaient susceptibles de s’approprier, ce ministère menace au contraire d’installer la division et une polarisation dont l’histoire a montré les ravages. »

Section de Toulon de la LDH

http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2047

 

 

Le ministère de l’identité nationale reste en débat

« L’intégration pose le problème de l’inégalité sociale fondée sur des discriminations d’origine. Si ce ministère a pour fonction de s’attaquer à ces inégalités, tant mieux, mais s’il a pour but d’assigner des gens à résidence en fonction de leur provenance, je doute de son intérêt. Pour que le flux migratoire n’augmente pas, il faut que ces pays trouvent les moyens de se développer. Cela ne relève pas d’un ministère unique mais des politiques européennes. » Dans l’Humanité, trois historiens, E. Le Roy Ladurie, C. Charle et S. Wolikow, analysent la création du ministère de l’Identité nationale.

Article de l’Humanité

http://www.humanite.fr/journal/2007-06-02/2007-06-02-852236

 

 

Par fjarraud , le vendredi 15 juin 2007.

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