A la Une : Découvrir le monde avec les Conférences Modèle des Nations Unies 

Par François Jarraud



Peut-on faire de l'éducation civique quand on est prof de SVT ? Valérie Pellet montre que oui. Elle a présenté au Forum des enseignants innovants de Dax un projet tout à fait original : la participation de lycéens français aux conférences Modèle des Nations Unies. Une activité qui tient du jeu sérieux et qui permet aux lycéens de découvrir les subtilités de la géopolitique.


Valérie Pellet enseigne les SVT dans un lycée sous contrat, l'externat Notre-Dame, à Grenoble, après une  première vie d'ingénieur du génie rural. C'est ce parcours, nous dit-elle, qui l'amène à préférer la pédagogie de projet et finalement l'a conduit à participer à ces conférences des Nations Unies. C'est aussi l'expérience de projets Comenius.


Votre projet s'appuie sur quelque chose qui est mal connu en France : des conférences des Nations unies pour les lycéens. Qui participe en général à ces conférences ? Vous pouvez nous en dire plus ?

Depuis déjà une dizaine d'année un certain nombre de lycées européens organisent ce que l'on appelle des conférences "modèle des Nations Unies" qui réunissent 100 à 500 élèves venant de lycées de tous pays. Ce sont des sortes de grands jeux de rôle qui reproduisent une session de travail des Nations Unies avec assemblée générale, commissions, conseil de sécurité et où tous les rôles depuis le président de l'assemblée générale jusqu'à l'agent de sécurité en passant par les journalistes sont tenus par des élèves. La plupart de ces conférences sont en anglais mais il en existe aussi 2 en français organisées par le lycée Vincent Van Gogh de La Haye et le lycée français St Joseph d'Istanbul. Ces conférences sont parrainées par les Nations Unies, le résultat des travaux des élèves leur parvient. Sur place ces conférences sont en générale introduites par le discours d’un membre du corps diplomatique local.


Certes le plus souvent des lycées internationaux ou des lycées soucieux de développer des activités internationales. Mais ces conférences ne leur sont pas réservées, loin de là. Tout lycée européen ou non qui le souhaite peut y participer, notre présence le confirme. Un établissement qui participe inscrit un nombre limité d'élèves de 15 à 18 ans (une, parfois 2 délégations d'une dizaine d'élèves). Ce sont des élèves volontaires qui se sont préparés dans le cadre d'un club. Ce sont de fait en général de bons élèves qui voient dans cette opportunité l'occasion de faire une activité internationale de nature à leur faire découvrir les enjeux du monde contemporain mais aussi de développer leurs compétences langagières ou encore aussi leur aptitude à l'argumentation et la prise de parole. C'est un plus (pour les élèves de nombreux pays) dans leur parcours scolaire qu'ils valorisent ensuite dans leur dossier scolaire pour l'accès dans les universités.



Faire travailler les élèves sur des sujets aussi complexes demande beaucoup de préparation. Comment faites vous pour la partie histoire géo ? Comment cela se passe-t-il en anglais et lettres ? Comment les svt ou la physique y trouvent ils leur place ?


Les sujets abordés sont clairement des sujets complexes puisqu'il s'agit de sujets d'actualité traités à l'ONU. Longtemps, alors que nous connaissions ces conférences, cette complexité nous a paru hors de portée de nos élèves et a retardé notre première participation. Et puis face à l'insistance de nos partenaires étrangers nous avons décidé de faire un essai, sans bien savoir comment cela allait se passer. C'est ainsi, en se "jetant à l'eau" en participant à notre première conférence en français à  La Haye en avril 2009 que nous avons compris que cette complexité apparente n'était pas un obstacle majeur.


L'objectif n'est pas de rendre les élèves experts sur ces sujets loin de là. Il ne faut pas avoir l'ambition qu'ils rédigent des résolutions sans erreur sur le fond, sans contradictions. L'objectif est qu'ils approchent justement cette complexité, qu'ils découvrent que les enjeux, les points de vue sur un sujet sont multiples et que les solutions ne sont pas simples.


L'objectif majeur est également méthodologique: se documenter de façon autonome, vivre une négociation, apprendre à débattre avec des codes stricts, oser prendre la parole en public. En pratique pour les 4 conférences auxquelles nous avons participé nous avons préparé les élèves de façon jusque là artisanale au gré des opportunités. Le premier groupe a été préparé succinctement et bénévolement lors de quelques heures en fin de journée. Les groupes suivants ont été préparés dans le cadre de module d'anglais, heures d'ECJS, ou de projets de classes: les élèves intéressés, pendant que les autres faisaient des recherches classiques, ont préparé leur participation. La préparation des élèves était alors un support parmi d’autres d’activités de classe en atelier. Mais cette situation n’est pas confortable car elle met un peu à part les élèves concernés et ne facilite pas la tache du professeur qui doit suivre ces élèves et les autres sur des activités assez différentes. D’autre part cela ne répond pas au besoin de regrouper les élèves issus de diverses classes 2nde, 1ere, Terminale pour les préparer à la prise de parole codifiée de ces conférences.


En résumé, cette organisation nous a permis de faire nos premières armes et de convaincre notre direction de l'intérêt de ces actions mais nous devons la faire évoluer. Nous allons maintenant mettre en place l'organisation classique dans tous les établissements qui participent: un club MUN animé par une équipe pluridisciplinaire de professeurs volontaires. 


La préparation des élèves sera alors déconnectée des activités de classe classiques. Cette organisation facilitera d’une part l’encadrement mais aussi les échanges, les coopérations entre les élèves des différents niveaux qui participent.  Nous projetons en effet la participation d'élèves de seconde, premières, terminales L, ES,S à 4 conférences: 2 en anglais (Athènes, Haarlem) et 2 en Français (La Haye et Istanbul). A raison de 10 à 12 élèves à chaque fois.


Il s’agit donc une activité en plus, transdisciplinaire qui renforce  et élargit les compétences travaillées en lycée. Et c’est là où la réforme du lycée vient à point nommé pour donner sa place à ce type d’activité dans le cadre des heures d’accompagnement personnalisé qui vont commencer à se mettre en place en seconde puis en 1ere et en terminale (activité d’approfondissement, de formation méthodologique, transdisciplinaire).



Quel est le rôle des professeurs dans la préparation?


Il se rapproche de celui des professeurs encadrant les TPE: Il est essentiellement d'accompagner les élèves dans leurs recherches bibliographiques sur le sujet et le pays qu'ils doivent représentés (orientation vers les ressources les plus pertinentes, aide au tri des informations, aide à la compréhension des documents trouvés) Et bien sur l'aide d'un professeur d'histoire géographie est précieuse pour aider les élèves à comprendre le principe de fonctionnement de l'ONU, et pour se préparer à la majorité des sujets traités mais la présence d'un professeur de cette matière n'est pas absolument indispensable si ce n'est pas possible, l'élève devra alors de documenter de façon plus autonome. C'est ainsi que les élèves peuvent être préparés par leur professeur d'anglais, de français mais en fait tout professeur volontaire acceptant ce rôle d'accompagnant. Bien sûr sur le fond les élèves seront plus au moins solides selon les compétences disciplinaires du professeur qui les aura suivi mais encore une fois la préparation sur le fond n'est pas le cœur du problème. Par ailleurs, lors de ces conférences, il y a toujours une commission qui traite d'environnement, de développement durable, ou d'éthique, et la présence alors de professeurs de SVT, de Physique Chimie est pertinente pour préparer les élèves.


Mais encore une fois, davantage que les apports disciplinaires c'est la posture de l'enseignant vis à vis du projet qui rend pertinente sa participation: être accompagnant, oser s'approprier les règles du jeu de ces conférences pour ensuite préparer les élèves à "jouer le jeu". C'est là qu'intervient le deuxième volet de la préparation que tout professeur à l'esprit ouvert est capable de faire: entrainer les élèves à débattre, à prendre la parole, à argumenter. Ce sont là des compétences transversales qui rentrent dans le cahier des charges de nombreuses disciplines tant scientifiques que littéraires. Ce projet qui comme vous le constater m’enthousiasme moi et mes collègues est à notre avis pleinement dans l'état d'esprit de la réforme actuelle du lycée. Le club MUN sera d'ailleurs proposé, parmi d'autres activités, dans le cadre des heures d'accompagnement personnalisé des élèves en seconde. On est à la croisée de plusieurs objectifs de ces heures (aide méthodologique, projets transdisciplinaires, approfondissement, apprentissage de l'autonomie, etc..)


Quelle place tient le réseau de lycées ?


Ces conférences ne s'organisent pas de façon ponctuelle dans un établissement: les conférences auxquelles nous avons participé ont lieu chaque année dans les mêmes établissements. Les lycées qui participent, le plus souvent renouvellent chaque année leur participation, de sorte que professeurs et élèves (s'ils participent plusieurs fois ce qui est souvent le cas) finissent par tisser des liens et parfois cela débouchent sur d'autres coopérations: Ces conférences sont parfois l'occasion de rencontrer par exemple un professeur souhaitant faire un échange classique de classe, ou encore un partenariat e-twinning etc... Et l’on diffuse alors au retour les propositions qui nous ont été faites. C’est notre cas un projet e-twinning va démarrer entre des professeurs non concernés par les projets MUN mais mis en relation par ce biais.

Par ailleurs, et nous souhaitons le développer, nous avons organisé à l’amont des conférences des « chats » entre nos élèves participant au projet et ceux des lycées organisateurs (La Haye et Istanbul) . Il y a là tout un panel de possibilités (e-twinning, chats, blog, téleconférence) à développer !



Qu'est ce que cela apporte aux élèves ?


Beaucoup de choses :

• Prise de connaissance des enjeux géopolitiques, sociaux, environnementaux du monde contemporain

• Apprentissage du fonctionnement des Nations Unies

• Développement des compétences langagières et de la prise de parole en public

• Apprentissage du débat, de la négociation

• Acquisition de savoirs faire méthodologiques, utilisation des TICE

• Rencontres internationales, travail avec des élèves d'autres pays

• Expérience extrêmement enrichissante et valorisante pour les élèves et les professeurs (activités interdisciplinaires, multi compétences, rencontres interculturelles)

• Relation Elèves/Professeur interactive et collaborative

• Expérience suscitant au retour une très grande motivation à s'impliquer dans les actions citoyennes.



Qu'en pensent les parents ? Les élèves ? La direction ?


Du coté élèves, que dire... en résumé, lors des voyages retour, 100 % des élèves expriment le désir de participer à une autre conférence, pour faire encore mieux, pour prendre plus de risques. Ils sont ..."mordus" et prêts à travailler dur pour être encore mieux préparés. Ils ont développé une masse importante de compétences sans s'en rendre compte et ils ont adoré car ils ont fait une activité concrète, "pour de vrai", entre jeunes. Ils se sont sentis extrêmement valorisés et responsabilisés sans doute parce que lors de la conférence les régulations sont réalisées par d'autres élèves. Les adultes n'interviennent plus. Ils sont impressionnés par le travail d'organisation mené par les élèves sur place et cela les pousse à vraiment jouer le jeu et à donner le meilleur d'eux-mêmes.


Du coté des parents: Ils ne réalisent pas toujours l'étendue des apports de ces expériences si originales dans le système français. Ils sont motivés initialement, et à raison d'ailleurs, par l'opportunité d'une activité internationale pour leur enfant (occasion de parler anglais, de rencontrer des jeunes d'autres pays etc.). Les retours sont extrêmement positifs.


La direction de notre lycée ainsi que les parents d’élèves nous soutiennent pleinement et nous accompagne dans notre souhait de développer et pérenniser ces participations. Cette activité répond pleinement aux objectifs de notre projet d’établissement.



Comment financez vous un projet aussi ambitieux ?


C'est là le plus gros bémol...mais il n'est pas plus important que lorsque l'on parle d'un échange scolaire avec l'étranger. En gros les élèves financent le transport (train ou avion) et le coût individuel et collectif d'inscription à la conférence. Lors de la conférence les repas sont inclus dans le coût d'inscription, les autres repas et l'hébergement sont gratuits car assurés par des familles d'accueil (familles des élèves du lycée qui organise); ceci à condition de s'inscrire très en avance. Certaines délégations de lycées internationaux vont à l'hôtel ce qui représente un coût en plus mais ces lycées ont de gros moyens... Pour les professeurs, il s'agit de financer le transport, l'inscription, mais aussi l'hébergement à l'hôtel. Nous nous en sommes sortis en demandant aux professeurs accompagnateurs une participation de 50 à 100 euros (bien sûr ce sont des professeurs volontaires) le reste étant pris en charge par des ventes variées (vente de chocolats, de fleurs) mais aussi cette année par une subvention de la Région Rhône-Alpes. Dans le cadre du club MUN, nous allons essayer de mettre en place un système de bourse pour élèves volontaires dont les familles ne peuvent pas financer la participation. Pour être précis, la participation demandée aux familles varie selon la destination entre 280 à 340 euros pour 4 à 5 jours, voyage compris. Pour information les lycées qui accueillent trouvent (plus exactement les élèves du comité d'organisation trouvent) des sponsors pour assurer l'organisation de la conférence. On rêverait d'organiser une conférence à Grenoble dans quelques années....


Valérie Pellet

 

Entretien François Jarraud


Pour en savoir plus pour les conférences MFNU, le site de la conférence MFNU :

http://www.mfnu.org

Sur le site de l'Externat Notre-Dame

http://www.externatnotredame.fr/rep-edito/ido-122/mfnu_avril_2010.html

Sur celui du consulat de France à Istanbul,

http://www.consulfrance-istanbul.org/spip.php?article1089


Sur le site du Café
Sur le Web
Par fjarraud , le jeudi 17 juin 2010.

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