A la Une : L'Etat, l'Ecole et la décentralisation 

Par François Jarraud



Adoptée le 1er décembre, la loi sur le Grand Paris a pour objectif officiel la constitution d'un réseau de transport public de voyageurs en Ile-de-France. En réalité l'article 7 donne un large droit de préemption sur les zones traversées par ce réseau à la Société du Grand Paris. Et l'article 8 donne le pouvoir à l'Etat dans cette société. Est-ce la fin de la décentralisation ?



Retour aux années 1960. Par ce texte, le gouvernement ramène l'Ile-de-France, région pilotée par la gauche, à la situation des années 1960, celles ou R Delouvrier façonnait à sa guise, sous contrôle du Général, l'avenir de la première région française. On prétend que c'est d'un hélicoptère que ce technocrate, de retour d'Algérie, a décidé de l'emplacement des villes nouvelles.


Briser les pouvoirs locaux. La nouvelle loi sur le Grand Paris retire une partie de leurs prérogatives aux collectivités locales franciliennes. Au Conseil régional, elle retire le pilotage du Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme dont un des points essentiels était le développement des transports en commun, et particulièrement d'Arc Express, une rocade ferroviaire en banlieue. La région venait de négocier le schéma avec les autres collectivités territoriales et… l'Etat mais cela n'empêche pas ce dernier de s'en emparer. L'Etat venait de céder à la région le contrôle du STIF, le syndicat des transports franciliens, il récupère le pouvoir d'une autre main. Aux départements, le projet retire l'influence qu'ils pouvaient exercer sur l'avenir des territoires en négociant le Schéma directeur. Quant aux communes, le périmètre passé sous contrôle de la Société du Grand Paris, c'est-à-dire de l'Etat, retire à un grand nombre d'entre elles tout pouvoir sur leur développement futur. La seule façon de retrouver un peu de pouvoir ce sera de négocier avec l'Etat un contrat (article 18). Mais que pèse une commune dans une négociation initiée sous cette pression face à l'Etat ? C'est donc bien une mise à mort du principe de la décentralisation, la gestion des problèmes locaux confiée aux élus des populations concernées, qui a été adoptée par les élus UMP à l'Assemblée nationale.


Au service de quel développement ? Il est vrai que la région francilienne, par son poids,  son rayonnement international, ne peut laisser l'Etat indifférent. Mais il est vrai aussi qu'elle souffre de problèmes profonds : déséquilibres sociaux graves, ghettoïsation de ses banlieues, manque criant de logements populaires, transports saturés, voies routières embouteillées. Face à tous ces problèmes, la voie négociée du schéma directeur est forcément moins rapide que la décision autoritaire de l'Etat. Il faut donc juger le projet du Grand Paris au critère de ce qu'il apporte aux franciliens. Il est possible de comparer les deux projets de transports en commun proposés par la région (Arc Express) et par la Société du Grand Paris (le grand huit). Le premier relie les quartiers populaires de banlieue, à forte densité, facilitant les déplacements de banlieue à banlieue de ces populations. Le "grand huit" joint les pôles de développement de la région : aéroports, Défense, nouveaux quartiers de bureaux comme la Plaine Saint-Denis, nouveaux pôles industriels comme Saclay ou Massy Palaiseau, banlieues chic comme Versailles. Ces tracés révèlent deux priorités différentes : l'une est axée sur l'amélioration de la vie quotidienne des banlieusards, le désenclavement des quartiers et la réduction du flux routier. L'autre est au service du développement économique. On pourra par exemple aller trois fois plus vite de Roissy à La Défense. Pour Bertrand Delanoë, maire de Paris, ce texte "ne s’attaque pas aux disparités et inégalités territoriales qui entravent le développement économique de la métropole, il ne répond pas aux urgences quotidiennes des Franciliens en matière de transports. Le véritable dessein du gouvernement, à travers cette loi, est manifestement de « reprendre la main » sur la métropole francilienne, sans aucun engagement financier de l’Etat et en assumant la régression que constitue la remise en cause des acquis historiques de la décentralisation".


Et pour l'Ecole ? Cette loi qui piétine les pouvoirs des élus franciliens sans offrir aux populations concernées de contre pouvoir, n'est que la première flèche d'un tir de barrage contre la décentralisation. Un autre texte concerne directement l'Ecole. Il s'agit du projet de loi sur les collectivités territoriales. Il prévoit de leur retirer la clause de compétence générale qui leur permet de suppléer aux carences de l'Etat, par exemple en achetant du matériel informatique, en subventionnant les manuels et les frais de cantine et de transport des élèves, en finançant des projets pédagogiques. Les députés qui viennent de dépouiller les élus franciliens de la maitrise de leur sol décideront en janvier des pouvoirs des collectivités locales.  Dans une tribune accordée au Café, Jacques Auxiette, président de la région Pays de la Loire, montre ce que cette loi entrainerait sur le terrain. Un exemple à méditer…

Le texte de la loi

http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/grand_paris.asp

Communiqué Paris

http://www.paris.fr/portail/accueil/Portal.lut?page_id=1&d[...]

Le tracé

http://www.lefigaro.fr/assets/images/grand-paris.jpg



La tribune de Jacques Auxiette : Les régions devant l'incertitude

Bouclier ou parachute ? Les deux sans doute. Les régions vont au-delà de leurs obligations pour assurer le droit à l'éducation. Président de la région Pays-de-la-Loire, Jacques Auxiette en donne un exemple concernant la formation professionnelle dans cette tribune accordée au Café. Il montre ainsi les difficultés que créerait la réforme des collectivités territoriales qui sous prétexte d'économies déshabillerait aussi l'Ecole.


"Le projet de réforme des collectivités territoriales qui veut briser la marge de manœuvre des Régions, et la suppression de la taxe professionnelle qui va rogner leurs ailes, ne doivent pas être considérés comme un simple débat entre spécialistes de la décentralisation ; il s’agit d’un enjeu républicain dont l’issue aura des répercussions sur la vie quotidienne de chacun et l’avenir de nos jeunes".

Lisez la tribune de Jacques Auxiette

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/12/Auxi[...]



Sur le site du Café
Par fjarraud , le mardi 15 décembre 2009.

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