A la Une : Des élèves commémorent le centenaire D’Estournelles de Constant 

Par François Jarraud

 

Prix Nobel de la paix 1909, D’Estournelles de Constant a promu, avant la guerre de 1914-1918, l'arbitrage international et le règlement pacifique des conflits internationaux. En ce sens il a été un précurseur de ce que sera la sécurité collective de la SDN et de l'ONU. Les élèves du lycée d'Estournelles de La Flèche, avec leur professeur H Bois, ont entrepris de lui rendre hommage à travers un blog et, c'est plus rare, un colloque historique. Tout un travail collectif à découvrir qui associe Internet, les archives, des élèves en position d'histoiren, d'autres en logisticiens.


Entretien avec Hervé Bois


D'Estournelles est un personnage oublié de notre histoire. Pourquoi vouloir le faire revivre ?


Notre lycée porte le nom de ce personnage, et comme vous le dites, c’est un des oubliés de l’Histoire. Les oubliés sont souvent des gens intéressants, D’Estournelles de Constant, petit neveu de Benjamin, est l’un des dix prix Nobel de la Paix français. Nous n’en avons donc pas beaucoup. Paul D’Estournelles de Constant est donc fléchois.Toute sa vie, il a milité pour le rapprochement et une coexistence pacifiste entre les nations. Ce combat pour la paix, son plus grand projet, fût mené à travers diverses associations et fondations auxquelles le politicien a participé activement, notamment au début du XX ème siècle à l'aube de la Première Guerre Mondiale qu'il a tenté vainement d'empêcher.


Ses talents de diplomate lui confèrent une vision très précise de la géopolitique internationale. Il voit dès 1900, la montée en puissance de nouvelles Nations, le Japon, les Etats-Unis, l’Australie et surtout la Chine. Il imagine fort bien ce que l’on appelle aujourd’hui les délocalisations et la mondialisation. Pour lui, seule un Fédération Européenne aurait la capacité de concurrencer efficacement ces nouvelles puissances.


Mais D’Estournelles, ce n’est pas que cela, c’est aussi l’ami des artistes et scientifiques de l’époque. Il entretient une correspondance assidue avec Rodin et surtout Claude Monet, avec lequel il peint le long des canaux hollandais. Il obtient des subsides pour financer les travaux de Pierre et Marie Curie…

Notre prix Nobel est aussi, un humaniste. Il prône une vision plus respectueuse des rapports colonisés, colonisateurs. Il milite également après la guerre de 1914, pour le droit de vote des femmes… Donc un personnage méconnu, mais attachant et dont les discours sont d’une actualité impressionnante.


Votre projet engage les élèves dans des recherches aux Archives. Quel accueil dans ce lieu ?


Le travail aux archives s’est déroulé en novembre 2008 sur deux jours complets. Les élèves furent accueillis par le service éducatif des archives départementales de la Sarthe. (Qu’il soit remercié pour son professionnalisme et sa disponibilité)Ils connaissaient avant de se rendre sur place, l’inventaire du Fonds D’Estournelles, ils ont donc pu dans un premier temps remplir leurs fiches de demandes, et consulter leurs documents directement en salle de lecture. Dans un second temps, nous sommes allés dans une salle du service éducatif pour atténuer le volume sonore de la salle de lecture. Certains lecteurs, chercheurs sont venus spontanément à la rencontre des élèves, pour voir ce qu’ils fabriquaient là, eux aussi surpris par l’intérêt porté à un inconnu. Le passage aux archives, se retrouver les mains dans la poussière, sentir au propre comme au figuré les vieux papiers, a été un grand moment pour les élèves. Ils ont eu réellement le sentiment de construire un savoir, de construire une histoire. C’est peut-être un peu grandiloquent, mais c’est ce que je ressens réellement.


N'est ce pas une perte de temps pour les élèves ? Qu'est ce que cela leur apporte pour leur programme d'histoire ?


Aucune perte de temps, puisque l’essentiel de la recherche et du travail a été réalisé en dehors des heures de cours. Ce projet s’inscrit en fait dans le cadre d’une politique de revalorisation de la filière L menée dans notre établissement. J’ai donc  utilisé les heures libres des élèves pour travailler, essentiellement sur le créneau laissé vacant par la fin des TPE au second semestre.  De plus, les choix que j’avais fait  sur les facettes du personnage correspondaient au programme de première : la politique coloniale, l’Europe, la guerre, la paix. Seuls les aspects « People » du personnage sont hors-programme mais indispensables au sujet.


La publication sur le blog est-elle indispensable ?


Le blog n’est pas là comme outil de publication, mais comme outil de travail pour les élèves et pour moi. Au début, nous avions épinglé les documents collectés aux archives avec les différentes fiches d’analyse sur des panneaux de liège, mais nous fûmes rapidement dépassés par l’ampleur de la tâche. Le blog s’est donc imposé, un wiki aurait pu également être utilisé. Le blog a permis dans ce cas aux élèves de classer les documents dans des catégories prédéfinies en classe. Dans ce type de projet, chaque élève est seul face à ses documents, et si il veut avoir une vue d’ensemble du personnage, il est obligé de lire ce que ses camardes ont rédigé. Pour cela, le blog est utile et facile d’emploi, donc adapté au travail. Comme dans tous les projets que j’ai pu mener, je revendique haut et fort, le travail incomplet, les maladresses, les fautes de mes élèves, ce blog n’a ni la vocation, ni l’ambition d’être une somme scientifique sur la question.


Quelle part les élèves prennent ils dans le colloque ?


J’ai la chance pour ce colloque de travailler avec Stéphane Tison, maître de conférences à l’Université du Maine, il a parfaitement compris le sens du projet et s’est glissé dans nos thèmes d’études. Les élèves réalisent et présentent donc une introduction des quatre parties du colloque.  Ils sont suivis à chaque fois, par deux universitaires, qui précisent et étudient un point plus particulier. Les élèves vont donc intervenir réellement devant plusieurs centaines d’auditeurs. Le public sera composé d’autres classes du lycée,  mais aussi du Prytanée Militaire de la Flèche, d’étudiants, et bien entendu de particuliers.


Les élèves ont également réalisé une exposition papier qui sera présentée lors du colloque. A noter également, que la logistique est prise en charge par des élèves de STG, accueil des conférenciers, déplacement des invités…


Quelles difficultés avez-vous rencontré ?

Pour les élèves, la principale difficulté est cet oral, même si j’ai la chance d’avoir une classe assez exceptionnelle par son dynamisme et sa bonne volonté, les ventres commencent à se tordre, ils n’avaient pas réaliser qu’ils allaient se retrouver devant autant de monde…Mais je leur fait entièrement confiance, ils vont gérer la situation.


Par contre, l’organisation matérielle du colloque est lourde, la gestion des partenariats, des officiels, des associations … mais cela ce ne sont pas les élèves qui gèrent, c’est une équipe qui a créé une association pour l’occasion.


Dans ce projet quelles sont les parts du pédagogique, du citoyen, de l'historien ?


C’est une question difficile, difficile de déterminer la part de chacun. Les élèves ont adopté les méthodes de l’historien, (étude de la bibliographie, recherche et analyse des sources, synthèse pour rédiger un article), cela leur donne automatiquement des compétences nécessaires pour leur métier de lycéen (ils ont assimilé maintenant l’importance pour un document, de sa nature, de son auteur, de sa date, de son contexte…). Enfin, la richesse du personnage, son rôle d’homme de paix, ses choix souvent à contre-courant permettent je l’espère la construction de futurs individus acteur de leur citoyenneté.


Hervé Bois

Professeur d’histoire-géographie au lycée d’Estournelles de Constant


Entretien : François Jarraud


Le blog

http://lewebpedagogique.com/estournelles/


Dans le Café : H Bois : Kanaks et parisiens en 1931

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/hi[...]


Sur le site du Café
Par fjarraud , le jeudi 15 octobre 2009.

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