Le congrès de l'ANCP 


- Parmi les intervenants que vous aviez invités, quelle contribution vous a paru essentielle pour élucider les enjeux professionnels des conseillers pédagogiques ?
En effet, la thématique de notre congrès, « l’Ecole par-delà les frontières », était volontairement très ouverte, comme n’aura pas manqué de le souligner notre conférence liminaire. Et cela était manifestement un clin d’œil fait à la notion d’école « sanctuaire » chère à François Dubet, qui intervenait en clôture de congrès. Autrement dit, souligner les multiples frontières dont notre Ecole est aujourd’hui l’enjeu, en profiter d’ailleurs à ce titre pour élargir cette problématique à l’échelle européenne, c’était du même coup montrer la responsabilité croissante sinon écrasante qui pèse aujourd’hui sur elle, avec un double risque à la clé.
Celui d’y répondre d’une part par une attitude de retrait qu’elle connaît bien, la « sanctuarisation ». Et nous voyons que ce protectionnisme renforcé, appliqué à l’espace intellectuel qui est le sien et qui est quelque part sa marque de fabrique originelle, se trouve aujourd’hui psychologiquement conforté.
Psychologiquement conforté dans la mesure où nous pouvons comprendre la peur instinctive des enseignants face à l’accroissement accéléré des attentes qui pèsent sur notre Ecole, par cette volonté sociale de voir s’ouvrir largement son espace intellectuel, d’en faire une sorte une zone de libre-échange et par conséquent de « juste-échange », à l’image du procès libéral qui s’est emparé de l’économie à l’échelon mondial. Car aujourd’hui, l’idée d’une école plus juste en vient à se confondre avec cette notion de libre-échange généralisé, universalisé. C’est en quelque sorte le triomphe paradoxal des valeurs citoyennes, critiques de l’Ecole : plus d’exclusion, plus de frontière intempestives, y compris, ou ce serait un comble pour notre Ecole, sur le plan intellectuel !

Le risque inverse, ce serait de voir l’école céder brutalement à ce procès libéral du savoir, sans se soucier d’organiser cette ouverture des frontières traditionnelles qui étaient les siennes afin que la loi du plus fort ne ressurgisse pas là où nous croyions en avoir triomphé.

Et nous voyons que les problèmes qui se posent à l’Ecole aujourd’hui ne sont pas étrangers à ceux que nous pose la construction européenne, pour limiter l’espace de réflexion de mon propos.

Nous voyons qu’il en va aujourd’hui de la construction d’une Ecole plus ouverte comme de la construction politique de notre espace européen.

Le procès libéral qui la traverse conduit spontanément soit au repli angoissé dans le fantasme de la frontière toute-puissante, bref à sa « sanctuarisation » passée sinon dépassée, soit à l’illusion inverse qui consiste à céder brutalement à quelque angélisme en ouvrant largement notre espace intellectuel sans autre inquiétude, sans prendre soin d’établir de nouvelles règles d’échange et leurs moyens de mise en œuvre afférents.

Dans les deux cas, nous risquons, bien loin de « dé-sanctuariser » notre Ecole d’hier, de compromettre demain, plus sûrement qu’on ne le croit, la responsabilité historique qui nous est offerte aujourd’hui, de son ouverture maîtrisée, effective.

Permettre la prise de conscience de ce double risque et, au-delà, du réel enjeu de notre l’Ecole d’aujourd’hui, soucieuse de se démocratiser réellement, telle aura été, pour répondre à votre question, la contribution essentielle de nos intervenants durant notre congrès annuel.
- A travers les questions que vous avez traitées lors de votre congrès, quelles vous paraissent être les préoccupations de vos adhérents, notamment les questions qui se posent quant à l'évolution de leur métier ?

Quelles sont les préoccupations de nos adhérents sinon celles qui se posent en définitive aujourd’hui à la communauté éducative qui est la leur ? Avec pour eux le souci d’y répondre pédagogiquement. Et y répondre pédagogiquement, c’est justement être en mesure de leur permettre d’ « y voir clair » dans leurs responsabilités d’aujourd’hui de manière à permettre à leur public, en priorité les jeunes enseignants qui intègrent l’institution d’y voir clair à leur tour.

Y voir clair, cela passe déjà par réussir à problématiser le malaise légitime qui peut être le leur face à cette demande forte sinon incontournable de la construction d’une Ecole « par-delà les frontières ».

Problématiser leur malaise, en saisir autrement dit les ressorts théoriques qui leur permettent de le mettre à distance, de ne plus le subir sur le seul registre émotionnel qui décourage l’action. Telle aura été la contribution essentielle de ce congrès.

Comprendre que cette attente sociale actuelle forte, si forte qu’elle en devient parfois violente, illégitime, en faveur d’une Ecole réellement démocratique, « par-delà les frontières », il revient à nos adhérents de la légitimer, et à plus forte raison là où elle se fait violente, d’y apporter en définitive une réponse au niveau de responsabilité qui est le leur. Une réponse pédagogique qui, parce qu’elle en expose le fondement théorique sans dogmatisme, dédramatise dans un premier temps la situation en ce qu’elle permet enfin sa mise à distance, sa mise en réflexion.


Savoir que cette mue attendue de notre Ecole vers plus d’ouverture d’esprit est quelque part devenue incontournable et que, par conséquent, elle ne doit pas être désespérée mais accompagnée par la raison, avec raison, tel est le message confiant qu’attendait nos adhérents et qu’ils auront entendu avec l’heureuse possibilité, pour celles et ceux qui auront prolongé le congrès par la lecture de votre revue pédagogique sur Internet, de profiter d’une reformulation complémentaire sur la question !




Marcel JALLET, vice président délégué de l’ANCP, responsable de la commission « Evolution de la profession »
Conseiller pédagogique depuis 14 ans, Marcel Jallet exerce les fonctions de conseiller pédagogique départemental en EPS, dans les Bouches du Rhône depuis 4 ans.Comment analysez-vous la situation des CPC cette année ?
A mon sens, elle continue à se détériorer tant sur le plan professionnel que sur le plan également de la reconnaissance. C’est un paradoxe, voici une fonction que l’on exerce après avoir passé un examen difficile, le CAFIPEMF et elle n’est nullement valorisée puisque plusieurs études ont montré que à part une NBI de 27 points, les conseillers pédagogiques fermaient la marche à échelon égal bien derrière les Maîtres formateurs, les coordonnateurs ZEP, les Zil et autres
brigades, les directeurs d?école sans oublier les directeurs d’école d’application. De moins en moins de frais de déplacements sont remboursés, et de plus en plus de tâches à accomplir, car ces dernières années ont vu les missions des conseillers pédagogiques augmentées avec les PPRE, les PARE, les langues vivantes, l’ASH entre autres. Encore a-t-il fallu engager un mouvement de protestation soutenu par les syndicats pour ne pas avoir aussi à suivre les PE2. La morosité est de mise au sein des conseillers pédagogiques : beaucoup ont demandé un retour sur classe soit comme IMF, soit comme directeurs, soit tout simplement comme PE. De plus les CP spécialisés sont menacés, de-ci de-là, au bon vouloir de certains IA : des postes supprimés, des profils de postes modifiés…Quel est votre point de vue sur la réforme de la formation ?
En ce qui concerne la formation initiale, je pense que l’alternance théorie-pratique est une bonne chose. Mais la mise en place cette année a été précipitée au détriment de la qualité. Le dispositif de stage filé doit être repensé : il est inconcevable que des PE2 puissent remplacer des T1 : ce n’est pas bien pour les enseignants, et ce n’est pas bien pour les élèves ! La notion de maître référent dans les textes de 2007 (cahier des charges de la formation initiale) est à approfondir mais attention au choix de ces référents ! Elargir l’équipe de suivi va également dans le bon sens mais il faudra alors repenser la place de chacun, organiser les temps de concertation, reconnaître comme travail supplémentaire ces temps pour certaines catégories, telle celle des Conseillers pédagogiques. Eviter par exemple de leur demander de faire à la place des maîtres formateurs le suivi des PE2, uniquement pour des raisons budgétaires. En ce qui concerne la formation continue, elle fond comme neige au soleil, surtout pour les stages en IUFM et toujours pour des raisons économiques. Je pense que l’expérimentation dans certains départements d’une formation continue de proximité redonne une posture de formateurs au CP encore faudra t-il la leur reconnaître.
Quelle place devraient avoir les Cpc, selon vous, dans la formation et l'entrée dans le métier ?
La note de service  de 96 était un bon texte : déjà s’y référait pleinement serait une bonne chose. Le CP est à l’articulation de la formation initiale et continue. Allons dans ce sens et cessons de se perdre dans une multitude de tâches administratives. Si par contre, il s’avérait qu’une majorité de conseillers soit intéressée par la formation initiale, alors, au risque de me répéter, cela doit donner lieu à une reconnaissance financière...Quelles peuvent être les perspectives d'évolution pour la fonction des cpc dans le contexte actuel ?
Hors une véritable reconnaissance de leur fonction nous ne pouvons pas être optimistes ! Cela passe par une revalorisation conséquente : l’alignement sur les DEA (qui ont le même diplôme) serait le minimum, mais ce n’est pas tout : Il faut également de la formation pour cette catégorie de personnel : une formation au CAFIPEMF, mais également une formation initiale aux gestes du métier et enfin une nécessaire formation continue ! Il faut également améliorer les conditions de travail : les frais de déplacements doivent être remboursés. Il est inconcevable de payer pour aller travailler! Enfin il faut être doté d’un équipement performant....

Par ppicard3 , le vendredi 15 juin 2007.

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