Sur
l'école, sur le sens des savoirs, une auteure de jeunesse, une
chercheure... deux livres bien différents, un coup de coeur et une
petite déception à leur lecture...
Le premier, c'est « La classe » que Marie Desplechin vient de publier
chez Odile Jacob. L'auteure a publié une quarantaine d'ouvrages pour
enfants ou adolescents, elle a l'habitude de travailler dans les
établissements scolaires, que ce soit pour des animations d'ateliers
d'écriture que pour des rencontres écrivains-élèves. C'est sans doute
pour cette expériene irremplaçable que la ministre de la culture l'a
choisie pour piloter le groupe de travail sur l'éducation artistique et
culturelle.
La
classe : un drôle de livre ! Le titre pourrait faire penser à...
un essai sur l'Ecole... une expérience de prof... un ouvrage
pédagogique pour apprendre à faire la classe... Rien de tout cela.
C'est un livre original, écrit à la fois par et avec des jeunes.
L'expérience est unique : faire écrire par des étudiants de Sciences-Po
Lille des « autoportraits à deux», avec des élèves de troisième d’un
collège d'un quartier de Lille. Et dans la préface, l'auteure parle
d’école, de jeunesse, d’écriture et elle décrit l’histoire de l’atelier
qu’elle a piloté.
Les textes de ce livre font entendre la voix d'adolescents. « Il ne faut pas s’attendre à y trouver
des vérités générales, psychologiques ou sociologiques, mais les
impressions qu’on en retire nous font plus avertis. On reste touché, et
parfois ébahi, par ce qu’il y a d’énergie et de désir, mais aussi de
fracture et de fragilité, chez ces jeunes de 14 à 16 ans. Leurs
histoires n’ont rien de spectaculaire, et c’est dans leur banalité que
réside leur qualité », dit Marie Desplechin.
C'estdonc à elle qu'Aurélie Filipetti a confié la mission de
piloter la consultation nationale sur l'éducation artistique et
culturelle. Elle devait rendre son rapport fin décembre mais
finalement, elle réfléchit encore... et ce sera pour mars 2013.
Le deuxième est un livre de Britt-Marie
Barth « Enfant chercheur, enseignant médiateur : donner du sens au
savoirs » paru conjointement aux éditions Chénelière (maison
d'édition canadienne) et Retz.
Ce 3ème livre de Britt-Mari
Barth, se situe bien dans la continuité des 2 précédents (L'apprentissage de l'abstraction
et Le savoir en construction).
Il reprend des notions déjà développées antérieurement : celle de
l'approche sociocognitive des apprentissages et de la médiation de
l'enseignant, d'où le titrec : ce qui se passe du côté de l'enfant, ce
qui se passe du côté de l'enseignant.
Cette dialectique n'apparait pas vraiment dans le livre qui adopte une
drôle de forme. Successivement constitué d'une introduction au livre,
d'une introduction à la partie 1, d'un entretien, d'un exemple de
situation de classe, d'un exposé théorique de 20 pages, le tout
représentant un tiers du volume du livre, puis une partie
d'exemplification de la méthode d'analyse contenant à nouveau un exposé
théorique qui reprend des notions précédemment explicitées, ensuite 4
scénarios didactiques de l'école à l'université (un tiers du livre),
enfin des questions-réponses de stagiaires, une conclusion, une
bibliographie et des « memos » en annexes (le dernier tiers). Des notes
de bas de page renvoient à des videos sur le site des éditions Retz.
L'explicitation de ce découpage est un peu longue, mais elle montre à
quel point les contenus du livre sont eux aussi écartelés. De
nombreuses notions sont abordées : le rapport au savoir des élèves,
l'accès au sens et à la conceptualisation, la motivation. : enseigner,
apprendre, savoir, comprendre, donner la bonne réponse, processus,
produit, penseer, motiver, être attentif, attendre de, mémoriser,
évaluer... former les enseignants... Rien que dans la conclusion, sont
déclinés le changement des pratiques pédagogiques, les intelligences
multiples (dont on sait combien elles sont discutées en ce moment), les
neuro-sciences, l'autorité, les valeurs développées par les
apprentissages (ou par la façon d'enseigner, les conceptions sur
l'éducation ?...), le sens de l'effort, le vivre ensemble et
l'éthique... Ouf !
L'exemple de la situation de classe de la première partie du livre,
conçue comme un scénario pour construire du sens avec les élèves,
décrit une analyse de tableaux en arts plastiques avec une classe de CM
(8-9 ans). Cela permet à l'auteure de montrer le cheminement de la
réflexion des élèves, soutenue par l'attitude du maitre. On y voit
l'enseignante dans une posture d'animatrice du groupe, renvoyer les
questions en miroir, solliciter l'un, demander aux autres ce qu'ils en
pensent, faire préciser les réponses, accepter les erreurs... jusqu'à
conduire tous les élèves à parler et à faire valider la bonne réponse
par le groupe.
Britt-Mari Barth construit une grille
d'analyse de la médiation de l'enseignant, adaptable à chaque
situation de classe, et qui sera ensuite appliquée aux quatre scénarios
décrits dans la deuxième partie du livre. Elle définit cinq conditions
préalables à prendre en compte pour co-construire du sens : définir le
savoir à enseigner, exprimer le sens dans des formes concrètes, avec
pour principe « rendre le savoir accessible » au moment de la
conception de la séance ; engager les apprenants dans le processus
d'élaboration du sens, guider le processus, préparer au transfert des
connaissances, pendant la conduite de la séance, pour négocier le sens
pour comprendre.
Un de ces scenarii travaille
l'apprentissage de la justification dans une tâche de compréhension
d'un texte narratif, en prenant appui sur Ami-ami de Rascal et Girel
(Ecole des loisirs). Reste à savoir ce qui est à « décortiquer » pour
comprendre : justifier, comprendre comment sont utilisées les
conjonctions de coordination , est extrêmement ambigu, épais, «
résistant », rempli d'oppositions, pour arriver à entrer dans
l'intention de l'auteur : une histoire d'amitié contre nature entre un
loup et un lapin, qui n'a pas de fin. C'est un livre qui se prête
merveilleusement à un débat littéraire, quand on sait que Rascal est
l'anagramme de Lascar, que les lettres du titre rapprochées
différemment font Miam...
Yvanne Chenouf et l'AFL l'ont bien
compris, qui ont produit un DVD avec des élèves et l'auteur : « Une fin
de loup ». Aux enseignants d'y faire leur miel...