ULIS, ne vois tu rien venir ? 


Une ULIS dans un collège...


La réussite de tous, même les plus fragiles... A quelles conditions ?

L'ULIS est une Unité Localisée pour l'Inclusion Scolaire, ancienne UPI, qui peut être ouverte en collège et en lycée général ou professionnel.
Dispositif décrété par l'institution, projet qui se prépare ? L'affaire du chef d'établissement ou d'une équipe ? Avec quels moyens ? Suffisants ?
L'inclusion... comment faire avec des élèves handicapés... Aider/accompagner... enseignant/AVS... autant de questions !
Le Café s'est rendu dans un collège où l'ULIS pour des élèves avec des troubles mentaux a été créée  l'année dernière, pour rencontrer l'enseignant. Au bout de presque 2 ans de fonctionnement, Grégory a accepté de faire le point sur cette mise en place.

On entre dans le collège jusqu'au 2ème étage au fond du couloir. Une salle comme les autres, rien qui ne la différencie... si ce n'est... ses occupants silencieux !

« L'aquarium, c'est super important ! » Dans cette classe où chacun a une responsabilité pour faire fonctionner le groupe, les élèves ont aussi à s'occuper de leurs poissons.
Grégory fait partie de ces enseignants qui aime leur métier, même s'il est difficile. Même si  c'est compliqué d'être jeune, sans formation spécialisée, issu du 1er degré... et de « débarquer » dans une équipe constituée, avec des collègues du 2nd degré, chevronnés...
Il ne tarit pas de mots pour expliquer en détails tout ce qu'il fait avec et pour ses élèves. Il a d'emblée été très attentif, a pris le temps de les observer pour connaître leurs points d'appui et leurs points faibles. Il a construit des micro-projets pour souder le groupe de jeunes arrivant d'un peu partout et ne se connaissant pas (Fête de la science, correspondance avec une autre ULIS...). Il a fait le choix de ne pas précipiter l'inclusion dans les autres classes.
« J'ai commencé des intégrations en EPS par binômes « affectifs », c'est-à-dire des élèves qui s'entendent bien et qui ont le même niveau scolaire, pour qu'ils soient rassurés. Cela a concerné quelques élèves en fonction des cycles sportifs des 6èmes et des potentialités de mes élèves. J'ai vraiment fait du sur-mesure pour chacun ! »
Ensuite il a intégré des élèves dans une activité sur la littérature-jeunesse, encore une fois un projet spécifique, cadré dans le temps. « Les autres élèves étaient les lecteurs et les secrétaires des miens... ». Cela a permis de développer des actions d'aide et de tutorat très intéressantes pour les aidants et pour les aidés. La prof de français a animé quelques séances d'initiation théâtre qui ont ouvert les portes des ateliers de la pause méridienne aux élèves d'ULIS. Ils participent maintenant à tous les ateliers proposés (sports, arts du cirque, chorale...) au même titre que n'importe quel collégien.
Du point de vue de la participation à la vie collective, c'est réussi. Ce n'était pourtant pas gagné au début. Les collégiens avaient des relations difficiles avec « les gogols de SEGPA » et les jeunes d'ULIS étaient « les gogols des gogols » (c'est en ces termes qu'ils en parlaient). Peu à peu, parce que des relations ont été médiatisées par les adultes, les tensions se sont calmées.
 
Reprenons la chronologie de la création de ce dispositif au collège Paul Langevin. A quelles conditions ce projet a-t-il réussi ? Snas doute parce qu'il a été pensé largement en amont de l'ouverture.

Première condition : accompagner l'équipe

Des journées de formation sur site sont programmées dès le mois de juin précédant la première rentrée, au plan départemental de formation des enseignants.
Comme souvent dans les équipes pédagogiques qui sont amenées à scolariser des élèves handicapés, la première réaction est de se tenir un peu « sur ses gardes » : elles ne connaissent pas le profil de ces élèves,  ont peur de ne pas savoir faire avec eux, se invoquent un manque de formation. Il faut donc expliquer, rassurer, donner des informations, des pistes de travail... C'est le rôle de l'équipe ASH (IEN, conseillère pédagogique, psychologue scolaire, enseignant référent). Une première demi-journée de stage est effectuée fin juin, qui regroupe tous les personnels du collège, enseignants, équipe de direction, infirmière, conseiller d'orientation, collègues de la SEGPA... avec Grégory, le prof des écoles nouvellement nommé, frais émoulu de l'IUFM. Cela permet qu'ensemble, on mette des mots sur le handicap, on fasse connaissance avec le rôle de l'enseignant référent, on découvre le projet personnalisé de scolarisation.
Trois autres jours sont inscrits au PDF avec les professeurs volontaires pour baliser l'année scolaire. En septembre, on aborde les profils d'élèves, comment ils sont orientés, leurs parcours antérieurs, les aides ou soins dont ils bénéficient... En décembre, on formalise les temps et les modalités pour l'inclusion des élèves dans des classes. En mai, on fait le point sur leurs progrès et on anticipe pour préparer les inclusions à la rentrée.

Deuxième condition : penser l'inclusion
Les élèves d'ULIS ont été préparés à cette intégration, présentée comme une évolution positive. L'image d'eux-mêmes a été valorisée, il a fallu mettre des mots sur cet inconnu, les rassurer. « J'ai pris soin d'eux », dit Grégory. C'est la notion de « prévenance »* qu'il met en avant. C'est aussi l'entraide qui marque la vie du groupe : à l'arrivée des nouveaux entrants en septembre, ce sont les « 2ème année » qui les ont aidés à se repérer dans le collège. En classe, pas de moquerie, pas de réflexion déplacée, un climat de travail et de confiance. Pourtant, on a bien affaire à de vrais ados avec les problématiques liées à cet âge de la vie.

* voir notamment n°40 de la NRAS (Nouvelle Revue de l'adaptation et de la Scolarisation) : Ces enfants qui perturbent : vers une école « prévenante » - coordonné par Paul Fernandez et Dimitri Afgoustidis

Troisième condition : penser la place de l'AVS


Ici, le travail de l'AVSco (l'auxiliaire de vie scolaire collectif) a été centré sur l'accompagnement à l'inclusion. Son emploi du temps a été aménagé pour qu'elle puisse intervenir sur les temps d'inclusion et la pause méridienne. Elle accompagne les jeunes dans les autres classes et les ateliers, elle aide, soutient, encourage et surtout elle fait des liens, donne du sens à toutes les activités.
La concertation d'une heure par semaine permet de transmettre à l'enseignant toutes les observations sur  les réussites ou les difficultés rencontrées par les jeunes dans le collège, leurs comportements devant les apprentissages avec les autres enseignants, leurs centres d'intérêt dans les ateliers. L'enseignant s'en servira pour concevoir des apprentissages au plus près de leurs préoccupations. Cette réunion va aussi permettre de cadrer le travail d'accompagnement scolaire de l'AVS, de définir quelle activité elle va reprendre avec tel ou tel, comment elle va s'y prendre. Des gestes de réajustement à peaufiner au quotidien...

Quatrième condition : trouver le temps pour se rencontrer et construire des projets.

C'est là que « çà coince »...
C'est la question centrale sous-jacente au travail en partenariat. Pour travailler ensemble, il faut des espaces, du temps, des instances pour se concerter. Et on sait bien  que c'est sur ce travail de co-élaboration en amont que va se construire une co-opération efficace.
Or les heures données sont tout juste suffisantes pour le dédoublement de 2 classes afin d'accueillir en même temps 5 élèves de l'ULIS.
Grégory : « On se voit avec les collègues sur des temps informels, on mange ensemble à midi et çà permet d'échanger, mais aussi de mieux se connaître. J'ai commencé de travailler avec des volontaires, ils ont été rassurés par la fiche « projet d'accueil » que j'ai mise en place. J'écris à chaque collègue les objectifs de l'intégration, les axes de travail que je lui propose, les compétences disciplinaires à travailler. »
Le rôle du chef d'établissement est important. Si celui-ci ne s'implique pas, rien n'est possible. Le principal de ce collège a su donner une impulsion dans le démarrage du dispositif et fait en sorte de soutenir les projets des enseignants d'un point de vue matériel, organisationnel ou financier...

Quelles perspectives ?
Grégory vient de passer le CAPA-SH en candidat libre.
« J'ai dépensé beaucoup d'énergie dans la création de cette ULIS, çà m'a demandé énormément de travail... Concevoir et fabriquer mes outils, écouter mes élèves, inventer le travail avec l'AVS, négocier avec les collègues ou la direction, installer les ordinateurs ou l'aquarium, organiser la classe de mer... Alors maintenant, je veux en profiter, et puis j'ai encore plein de projets ! »
A la rentrée prochaine (année 3 de l'ULIS), on ira encore plus loin dans l'inclusion : chaque élève sera inscrit dans une classe de référence où il passera presque la moitié du temps scolaire. Dans les disciplines arts visuels, éducation musicale, EPS, les élèves ont suivi le même programme ; il n'y aura pas de décalage. Pour les autres disciplines (SVT, histoire-géographie, technologie, physique), l'inclusion aura lieu sur des projets spécifiques. Quant aux mathématiques et au français, ils resteront le coeur des apprentissages dans l'ULIS. Une ouverture sur l'enseignement professionnel est en réflexion pour les plus âgés pour envisager une sortie d'ULIS vers une ULIS de lycée professionnel ou vers un IMPRO. Une coopération avec les PLP a commencé cette année pour fabriquer des jeux en bois dans les ateliers de la SEGPA, quand les élèves étaient en stage à l'extérieur. Il s'agira de la renforcer.
Ces orientations sont prescrites dans les textes officiels qui nous disent ce qu'il faut faire, mais pas comment le faire. Ici, il a fallu 2 ans pour que les choses se mettent en place et tout le monde y a mis du sien, à tous les échelons de la hiérarchie. Piloter, diriger, former, enseigner, accompagner... sont des métiers complémentaires. Derrière il y a des personnes qui doivent apprendre à travailler ensemble et il faut du temps pour çà.

Le mot de la fin

La réussite de tous, en actes, sous le regard de Langevin** !

** Paul Langevin, physicien, auteur avec le psychologue Henri Wallon, du plan Langevin-Wallon, projet global de réforme de l'enseignement et du système éducatif français élaboré à la Libération, conformément au programme de gouvernement du Conseil National de la Résistance, qui fait référence encore aujourd'hui quand on parle de démocratisation de l'Ecole, premier président du GFEN (Groupe Français d'Education Nouvelle)


Quelques considérations administratives


La création d'une ULIS a lieu de la façon suivante :
- En fonction du nombre des sorties de CLIS d'élèves de 12 ans, l'IEN-ASH prévoit l'ouverture d'une ULIS sur un secteur de collège. Il travaille en amont avec le chef d'établissement concerné qui, lui, doit porter le projet auprès de son équipe éducative et de son conseil d'administration. Puisqu'on est dans le second degré, cette ouverture est intégrée à la carte scolaire académique décidée par le recteur qui fait des choix pour un maillage territorial et en fonction de priorités nationales (le ministère avait annoncé l'ouverture de 200 UPI par an et cela s'est poursuivi cette année).
- Toute ULIS est dotée d'un coordonnateur qui assure l'organisation du dispositif et l'adaptation des enseignements. Théoriquement, ce peut être un enseignant du premier ou du seconde degré. C'est le plus souvent un enseignant spécialisé du 1er degré, titulaire du CAPA-SH, pour les ULIS TFC (qui scolarisent des élèves présentant des troubles des fonctions cognitives ou mentales). Pour les autres handicaps (sensori-moteurs), c'est plutôt un enseignant du 2nd degré, titulaire du 2CA SH.

- A chaque création d'ULIS, un poste d'AVSco est dédié au dispositif.
- L'établissement reçoit un certain nombre d'heures supplémentaires annuelles ou effectives pour faire fonctionner ce dispositif.
- L'ULIS doit se doter d'un projet, partie intégrante du projet d'établissement, qui permet d'articuler entre eux tous les PPS des élèves concernés. Il concerne et implique tous les personnels de l'établissement.

Le texte fondateur de 1995, puis celui de 2001 sur les UPI ont été abrogés purement et simplement et remplacés par une circulaire en juin 2010. L'apport de cette nouvelle circulaire concerne principalement les trois domaines suivants :
- un progrès dans la qualification des ULIS (tous les handicaps sont pris en compte.)
- des précisions sur leur fonctionnement interne (le rôle du coordonnateur et du chef d'établissement sont bien spécifiés.)
- l'attention portée au devenir professionnel des jeunes (l'ULIS permet d'organiser des stages en milieu professionnel.)

Sur le site du Café
Sur le Web
Par MBrun , le dimanche 26 juin 2011.

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