Chroniques ASH : scolariser les élèves d'IME en milieu ordinaire ? A quel prix ? 

Petite chronique de l'ASH n°3

Des classes externes des IME (institut médico-éducatif) dans des établissement scolaires ordinaires : un nouveau cadre pour une scolarité partagée des élèves handicapés

Isabelle Lardon

Ce mois-ci, le Café a rencontré une équipe dans un IME qui depuis longtemps déjà a implanté des classes externalisées dans une école de quartier. Les pratiques d'inclusion ne sont pas forcément nouvelles !

IME
Des textes d'avril 2009 réorganisent complètement la scolarisation des élèves handicapés dans les milieux sanitaires ou médico-sociaux et encouragent très fortement les établissements à penser la scolarité autrement pour les populations d'enfants ou de jeunes qu'ils accueillent.
On y parle de scolarité partagée entre différents lieux, qui peuvent être l'école d'origine de l'enfant (celle de son quartier ou de son village), l'école interne à l'IME, l'école ordinaire la plus proche de l'IME, ou encore une école plus éloignée, qui serait plus « accueillante », ou qui possèderait une CLIS. Le raisonnement est le même pour le 2nd degré.
On y parle de parcours d'élèves, de projets personnalisés, de dispositifs souples et adaptés aux besoins des élèves tout au long de leur scolarité.
Ces textes se démarquent complètement de la logique de filières structurées de manière cloisonnée entre le milieu ordinaire et le milieu spécialisé avec peu de passerelles entre ces deux « mondes ».Ils précisnet également  que tous les professionnels doivent concourir à la réalisation du parcours de scolarisation et de formation du jeune accueilli en IME.
Mais c'est une prescription  pour les équipes d'IME et d'école qui ne dit pas comment faire...
Il s'agit d'abord de concevoir ensemble (co-élaboration entre les équipes de direction, de soins, équipes éducative, enseignante)  un projet pour l'élève (et avec l'élève) au plus près de ses potentialités : peut-il ou non être scolarisé à l'extérieur, est-il suffisamment autonome, peut-il communiquer, se repérer ?...
Ensuite il faut l'organiser ensemble (on est dans un autre degré de la co-construction qui est celui de la co-opération) en tenant compte de multiples contraintes : temps de scolarisation, soins, temps éducatifs, transport, disponibilité des personnels, lieux... Cela n'est pas si simple de prendre en compte à la fois le bien-être individuel des enfants ou des jeunes, l'intérêt collectif et un certain confort pour les personnels. Si le coût en énergie et investissement pour les professionnels est plus grand que le bénéfice retiré, on va vers de la souffrance au travail. Alors il faut d'abord « soigner » son travail, comme dit Yves Clot.
Penser ensemble fait bouger les marques de chacun mais quand on arrive à le faire, on a la satisfaction d'avoir « fait du bon boulot ».
C'est le sentiment général qui ressort des propos des équipes rencontrées.
« Nous avons été aidées par les outils proposés par l'administration, même si à première vue, çà nous a paru comme encore de la « paperasse » à remplir », dit Emilie, la coordonnatrice pédagogique, qui a son franc-parler. (Ici, dans le handicap mental, contrairement à l'ITEP, il n'y a que des enseignantes)
« C'est quand même beaucoup de changements pour tout le monde. »
« On a apprécié d'avoir du temps pour travailler. » (l'Inspection académique a eu la volonté d'inscrire des jounées de travail au plan départemental de formation, ndlr)
« Et la conseillère pédagogique est venue travailler avec nous. »
 

ecoleLa coopération avec des écoles extérieures entre enseignants spécialisés et enseignants généralistes ne va pas non plus de soi. Pour l'école d'accueil l'enseignant spécialisé est une personne ressource pour analyser les pratiques et les faire évoluer vers une école inclusive. Pour les élèves, c'est apprendre à accepter les différences.
Au collège, où la classe externe est implantée seulement depuis un an, c'est un peu plus délicat. D'abord, il ne faut pas se leurrer, quand on a affaire aux troubles des fonctions cognitives, plus on avance dans la scolarité, plus le décalage est important entre les potentialités des élèves handicapés et celles des élèves de la même classe d'âge.
Ensuite, les modalités de coopération entre les différents professionnels n'ont pas été suffisamment pensées et ne se sont pas mises en place. Du coup le collège se sent un peu « frustré ». En témoignent ces réactions :
« Le groupe de l'IME qui vient au collège bénéficie de locaux, d'heures de professeurs. Mais en contrepartie, qu'apporte t-il ? »
« La psychologue de l'IME anime des groupes de paroles avec les jeunes de l'IME au collège, elle  pourrait les ouvrir à d'autres jeunes de l'ULIS par exemple », pense la coordonnatrice de l'ULIS (unité spécialisée qui scolarise les élèves handicapés).
« Pour qu'un partenariat « marche », il faut que chacun y trouve son compte. »
 
Il y a encore des questions à travailler... Celle de la multiplication des structures par exemple. On pourrait imaginer que l'ULIS du collège (ou la CLIS de l'école) accueille en son sein des élèves de l'IME, plutôt que d'ajouter une nouvelle structure (la classe externalisée) « à côté » des autres... Ce qui tendrait à redéployer des moyens enseignants du secteur médico-social vers le secteur ordinaire, c'est sûr. Mais ce serait la tendance à privilégier pour aller vers une Ecole inclusive.
Il ya aussi toutes les questions d'ordre administratif, souvent très concrètes, que l'administration n'a pas vraiment anticipées... Et les collègues de décliner :
« Le collègue nommé sur cette classe est-il mis à disposition de l'IME ou adjoint dans l'école d'accueil ? À quelles obligations est-il soumis (instances de l'école, 108 heures vs synthèses, réunions cliniques à l'IME) ? »
Pour les élèves d'IME fréquentant partiellement une école extérieure :
- « Où les inscrire ? Comptent-ils dans les effectifs de l'école d'accueil ? (sujet très sensible en ces périodes de carte scolaire)
- Les fournitures scolaires sont-elles prises en charge par l'IME ou par la commune de l'école d'accueil ? »
Lorsque le cadre de coopération est posé de façon rigoureuse, qu'il est pensé et formalisé concrètement, les conditions sont réunies pour travailler ensemble et acquérir une « culture en commun », tout en « protégeant » chaque acteur dans son « coeur de métier ». Au grand bénéfice des élèves ? Mais cela demande du temps...


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Par MBrun , le lundi 24 janvier 2011.

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