Compétences et socle : un plaidoyer illustré 

J.-M. Zakharchouk : "travail par compétences et socle commun"
« Même les nouveaux programmes censés le mettre en œuvre n’y font référence que pour la forme, alors même qu’il est récent et a été promulgué par un ministre de la même majorité politique… » Cette phrase de Philippe Perrenoud, initiant la postface rédigée pour le dernier ouvrage coordonné par Jean-Michel Zakhartchouk, « Travail par compétences et socle commun », en dit long sur le paradoxe actuel : devenu force de loi depuis 2005, il reste paradoxalement le grand absent du débat éducatif, sommé d’être partout, mais visible nulle part. « Révolutionnaire », selon les mots d’Alain Bouvier, ex-recteur et membre du Haut Conseil de l’Education, ouvrant l’ouvrage, l’approche par compétences (et le socle) dérange la technostructure, les rectorats, les inspections académiques, les syndicats « peu présents sur le registre pédagogique ». Il décèle même « plus d’enthousiasme dans les écoles, les circonscriptions, les établissements, chez les parents » ntaurellement « bienveillants vis-à-vis de cette démarche qui veut garantir les résultats pour chaque enfant ». Le « livret de compétences », outil « simple et compréhensible pour tous », parents et enseignants, n’arrive pas à sortir des cartons de l’expérimentation ? C’est la faute aux « groupes de pression et corporatismes qui s’opposent ». La voix de l’institution est cacophonique, inaudible, poursuit-il en appelant à un « accompagnement global, clair et construit »…


L’ouvrage souhaite donc proposer à des équipes de collège les « réflexions et outils » pour mettre en place des pratiques pédagogiques allant dans le sens du Socle Commun, « l’approche par compétences constituant une chance pour l’Ecole en crise, ne sachant pas où elle va. ». Il souhaite préférer les « bricolages et réajustements » aux « envolées lyriques » et donne la parole aux acteurs.

« Une compétence est acquise ou ne l’est pas », insiste A. Bouvier dans son introduction. C’est bien le problème. Invité à donner son avis, Bernard Desclaux rappelle le lien entre le Socle Commun français et le processus de Lisbonne qui définit le « compétence-clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, et invite pédagos et politiques à apprendre à « travailler ensemble » pour définir ce que tout citoyen doit savoir.
« Le socle de compétences est une chance pour les disciplines, ca il leur donne sens », introduit le second chapitre avec plusieurs expériences à l’appui : des équipes d’enseignants repensent collectivement leur rapport à l’évaluation (comment s’organiser ensemble pour évaluer régulièrement les mêmes compétences au cours de la scolarité du collège ?), à l’enseignement, en histoire-géographie (comment valider la compétence 7 du Socle : « mettre en relation faits politiques, économiques, sociaux, culturels, religieux, scientifiques et techniques, littéraires et artistiques », même en articulant savoirs et compétences ?), en EPS (sans passer un temps fou à la préparation ou réduire le temps d’activité motrice de l’élève), en langues avec l’apparition du Cadre Européen.

Mais il implique de reconsidérer le travail collectif dans l’établissement, et notamment le rapport à l’évaluation (moins de places pour les notes) et aux dispositifs d’aide et de soutien. Plusieurs équipes en témoignent dans l’ouvrage, sans éluder les conséquences sur le travail demandé aux enseignants et les demandes d’accompagnement et de formation : pas facile à mettre en œuvre par des formateurs ou des IPR disciplinaires…

« Le jeu en vaut la chandelle » témoignent plusieurs contributions individuelles ou collectives, sans toujours cependant arriver à discerner ce qui relève de l’effet « dynamique de projet » de l’effet strictement lié à l’approche par compétences. Souvent, les équipes engagées se penchent aussi sur un travail de formation sur la motivation, le rapport au savoir, les difficultés des élèves qui les aident forcément à regarder différemment le quotidien scolaire. Un enseignant du primaire note combien, depuis la loi de 89, les référentiels de compétence irriguent progressivement les manières d’évaluer, aidant les élèves à comprendre ce qu’on apprend et ce qui reste à apprendre, les parents à s’éloigner de la stricte référence à la comparaison sociale du 1er et du dernier, et les enseignants à repenser les origines des difficultés d’apprentissage. Mais d’autres contributions osent raconter leurs difficultés devant les trop longues listes qui « noyent les élèves », cherchent des solutions à travers des « ceintures » qui reprécisent les niveaux atteints…

« Mais que faire quand la compétence n’est pas acquise ? »
Dans les deux chapitres conscacrés à cette question, les témoignages insistent essentiellement sur les « remédiations » mises en œuvre, souvent dans des dispositifs extérieurs à la classe qui nécessitent une organisation importante. J.-M. Zakharchouk insiste d’ailleurs sur la nécessité d’interroger ce qu’on fait dans ces dispositifs lorsqu’ils deviennent du « toujours plus » où on refait à l’identique ce qui n’a pas focntionné. Il reprend à son compte le verdict d’Anne Armand, inspectrice générale devant la généralisation de « l’aide » individuelle, où on découpe le savoir en micro-tâches qui vont certes amener des réussites, mais sans construire de savoir ni de « compétence », nécessairement complexe…

Travail par compétences et socle commun
Jean-Michel Zakhartchouk , Rolande Hatem
ISBN : 978-2-86615-341-0

Le site des Cahiers Pédagogiques


Par ppicard3 , le vendredi 15 mai 2009.

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