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François Dubet : "les problèmes de l'Ecole ne se régleront pas en interne"...

dubetAvec « Faits d’Ecole », François Dubet livre une synthèse remarquable de son point de vue de sociologue, qui permettra à chacun de mieux comprendre sa désormais célèbre expression « Malheur aux vaincus » : parce que la démocratisation de l’Ecole n’arrive pas à se faire réellement, « L’Egalité des Chances » risque de faire porter sur les individus perdants le poids de la responsabilité de leur échec.


Peu de discours moral ni pédagogique chez Dubet : « je me sens républicain ». Mais pas de ces «républicains» qui réclament le retour de l’élitisme ou la fin du collège unique. L’homme veut analyser au scalpel les insuffisances de l’Ecole sans renier ses idéaux démocratiques. Oui, donc, au socle commun (« si le SMIC est trop faible, faut-il pour autant demander la suppression du SMIC ? ») ; oui au collège pour tous (le modèle du « collège unique » des années 70 ayant trop souvent été la propédeutique du lycée général). Derrière ses constats de recherche, le chercheur veut que son « indignation » et sa « véhémence » soient comprises comme autant de marque de confiance en l’Ecole pour rendre le monde « moins inquiétant ».
Reprenant un certain nombre de thèses de publications antérieures. F. Dubet appelle surtout le politique à se réapproprier les enjeux de l’Ecole, et à faire les arbitrages nécessaires malgré les risques démagogiques. « Toute école a une fonction de transmission, de mémoire, de tradition, en même temps qu’elle doit préparer de futurs adultes à vivre dans un monde en évolution de plus en plus rapide. La tradition de l’Ecole Républicaine française était si forte qu’elle ne l’a pas aidé à répondre aussi vite que d’autres des questions nouvelles. »
En tout état de cause, pense-t-il, ce n’est pas en interne du système qu’on pourra dépasser les intérêts contradictoires entre les différents groupes. On notera au passage le rappel (très à l’opposé des discours actuels…) du constat de la sous-administration de l’Education Nationale : 0,3% du personnel seulement, renforcé par la « balkanisation » des directions technocratiques du ministère. Une armée de fantassins livrés à eux-mêmes chaque jour au front, et bien peu de cadres pour les aider, les sécuriser, leur donner le souffle nécessaire.
« On comprend que les vainqueurs d’une compétition n’aient pas envie de modifier une règle qui les fait réussir » écrit Dubet en parlant de l’Ecole. Son chapitre sur « Pourquoi ne croit-on pas les sociologues » est percutant : fort de l’expérience de ses nombreuses conférences devant des enseignants, il compile les commentaires entendus sur la baisse de niveau, les élèves en échec aussi nombreux dans les centre-ville que les ZEP les plus difficiles, les présumées vertus du redoublement, la difficulté à entendre que de minuscules différences de traitement fréquemment répétées se traduisent par des inégalités considérables en fin de cursus...
Mais il ne jette pas la pierre aux enseignants, considérant même que ces réticences leur sont souvent nécessaires pour « tenir » dans le travail quotidien, leur permettre de continuer à croire en leur action sans trop désenchanter leur monde, trop souvent coincés entre les deux fonctions contradictoires de l’Ecole : assurer l’Egalité tout en promouvant le mérite individuel… Quitte à considérer alors les chercheurs comme des « donneurs de leçons » de morale. Dubet remarque d’ailleurs que les « groupes constitués » (syndicats, mouvements, inspecteurs…) n’hésitent pas à ne retenir des travaux de recherche que la part qui valorise leurs thèses, même s’il faut pour cela faire comme si on avait omis certaines pages plus contradictoires.
On espère seulement que l’auteur nous fera l’économie de ce genre de reproche…
Faits d'Ecole
Éditions de l'École des hautes études en sciences socialesISBN-10 2-7132-2166-8septembre 2008, 16,00 €


La carte scolaire : une fausse bonne idée ?
Co-rédigé par deux références en matière de politique éducative, Agnès Van Zanten et Jean-Pierre Obin, ce petit opuscule décortique avec talent l’évolution de la pensée d’Etat en matière de carte scolaire, depuis la massification des années 60, quand la création des collèges a donné l’espoir de réunifier les élèves qui vivaient séparés, les plus humbles au cours complémentaire, les plus favorisés dans les petites classes des lycées.Il passe au crible les conséquences de la décision de Nicolas Sarkozy, de supprimer d’ici 2010 la carte scolaire, notamment en dressant un premier bilan des évolutions constatées depuis 2007. Ainsi, si les demandes de dérogation restent peu nombreuses, les auteurs portent un « jugement réservé » sur la mise en œuvre de l’objectif d’amélioration de la diversité sociale dans les établissements. « C’est aux deux extrémités de la hiérarchie des établissements que la mixité sociale est mise le plus à l’épreuve » : peu d’élèves modestes dans les établissements convoités, et disparition des catégories moyennes et favorisées dans les établissements les plus « évités ».S’appuyant notamment sur les travaux de Nathalie Mons, bien connus des lecteurs du Café, A. Van Zanten et J.-P. Obin estiment que les politiques de « libre choix » ne montrent nulle part en Europe leur efficacité en instaurant un « cercle vertueux » qui améliore la qualité des résultats scolaires sous la pression du libre marché. « Contrairement à ce qu’on observe dans le secteur marchand, les usagers de l’éducation sont peu mobiles », surtout pour les familles les moins dotées culturellement. « Les parents de milieu défavorisé sont surtout victimes des choix des parents plus favorisés qui recherchent « l’entre-soi » scolaire, social et ethnique ».  Même dans les établissements ordinaires, on recrée souvent des formes de ségrégation par le biais d’options ou de classes de niveau pour attirer les bons élèves. Les établissements qui accueillent les publics les mois faciles ont moins besoin d’un surplus de moyens (souvent assez conséquents dans les zones « Ambition Réussite », disent les auteurs) que de compétences internes et d’accompagnements externes de proximité en matière pédagogique et éducative.
La mixité sociale, dont il est désormais avéré que c’est le premier facteur d’efficacité d’un établissement, n’est pas forcément un objectif partagé par tous, écrivent crûment les auteurs. Du côté des enseignants comme du côté des parents, on est parfois tenté de protéger ses intérêts, et il est difficile pour les élus (sous pression des électeurs) et l’administration de l’Education Nationale de travailler ensemble pour faire jouer à la sectorisation scolaire sa vraie fonction : réduire l’impact des ghettos territoriaux qui se développement dans les zones urbaines…

La Carte Scolaire
Agnès Van Zanten et Jean-Pierre Obin.,
Que Sais-Je, PUF, 2008.


Mettre les TICE au service des apprentissages"Les technologies modifient fondamentalement l'accès à l'information et de plus en plus les modalités de communication. Les enjeux concernent l'accomplissement du futur citoyen capable de s'informer, de développer un esprit critique, d'élaborer une pensée propre et de l'exprimer". Ecrit pour les enseignants du primaire, ce petit livre de Georges Férone, formateur IUFM de Créteil, nous emmène droit dans la classe.
Très concrètement il propose des outils pour mener des projets avec les Tice et aborde des questions essentielles : à quelles difficultés sont confrontés les élèves quand ils recherchent de l'information sur Internet ? Comment les aider ? Comment exploiter l'information ? Pourquoi communiquer avec les Tice ? L'ouvrage montre clairement comment les Tice peuvent être un bon appui non seulement pour transmettre des connaissances mais aussi pour aider les élèves à se construire.
Georges Férone, Mettre les TICE au service des apprentissages, Delagrave, 2008, 94 pages.
Comment apprendre à ses parents à aimer les livres pour enfants"Si tes parents disent que les livres pour enfants ne racontent que des bêtises, réponds-leur qu'ils ont raison mais que tu es navré pour eux". Alain Serres et Bruno Heitz nous font un gros plaisir avec ce petit livre drôle remarquablement illustré qui ne peut qu'inciter les enfants à lire. Avec cet ouvrage, l'éditeur Rue du monde s'associe à "Lire en fête 2008".
A. Serres, B. Heitz, apprendre à ses parents à aimer les livres pour enfants, Rue du monde, 2008, 60 pages.La chasse aux enfantsRéalisé par des militants de RESF, ce livre raconte comment des parents, des enseignants ont épousé la cause des enfants sans papier et comment celle-ci modifie leur vie. Il montre que la politique discriminatoire visant les enfants de famille sans papiers scolarisés en France a des effets sur la société française dans son entier, et plus particulièrement sur ses enfants. Il défend l’hypothèse selon laquelle, au-delà de la conscience de chacun, l’engagement au nom de la solidarité relève donc de la possibilité matérielle de vivre ensemble.
Miguel Benasayag, Angélique del Rey, RESF La chasse aux enfants : L'effet miroir de l'expulsion des sans-papiers, La Découverte, paris 2008, 124 p.  
Sur le site du Café
Par ppicard3 , le lundi 15 septembre 2008.

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