Les malentendus ? Quels malentendus ? 

Reuter ICEM

Trouver la bonne réponse ?
Vikash est un élève issu de milieu populaire. Lorsqu’il l’observe dans le cadre de la classe, Stéphane Bonnery pense qu’une de ses difficultés vient du fait qu’être un bon élève, c’est se conformer aux consignes pour faire ce que veut son enseignante. Lorsqu’il fait un exercice de grammaire (distinguer dans des phrases présentées en colonne si l’adjectif est épithète ou attribut), il se met au travail, écrit des réponses sur sa feuille. Vient le moment de la correction : le premier interrogé est un « bon élève » qui donne la réponse correcte, « épithète ». Il est valorisé par la maîtresse, qui demande ensuite à Vikash sa réponse pour la secone phrase : « attribut ». C’est une erreur. Avant de lui signifier, l’enseignante lui demande de justifier sa réponse. « Parce que l’épithète, on l’a déjà mis avant. – Et alors ? – Je croyais qu’on ne pouvait le mettre qu’une fois ! ». S’il avait répondu une réponse conforme, le malentendu serai resté inaperçu. Dans le cas présent, la réponse de « conformité » (quand on a plusieurs questions dans un exercice, il y a de fortes chances pour que chacune des réponses ne soit pas toujours la même) a pris le pas sur l’activité intellectuelle que cherche à installer l’enseignante, ici utiliser une procédure efficace pour identifier quel type de fonction occupe l’adjectif.

Colorier ou symboliser ?
Dans une autre classe, en 6e, Amidou doit « apprendre une carte de géographie ». A l’aide aux devoirs organisée dans le collège, il passe beaucoup de temps à « faire la carte », comme il recopierait le modèle d’un tableau abstrait. Il mémorise la couleur de tel trait, de telle zone, dans tel secteur de la carte.
Mais si l’interrogation du cours suivant porte sur un autre fond de carte, l’enseignant souhaitant évaluer si l’élève a bien compris comment il devait utiliser la légende, Amidou se retrouve perdu, incapable d’utiliser le «par cœur» qu’il a eu tant de mal à retenir. La « situation-problème » proposée par l’enseignant lui échappe, il se rend compte que le contrôle va mal se passer, d’autant plus qu’il lui est interdit de communiquer, et qu’il ne peut réellement savoir ce qu’il y a à faire.
Interrogé par S. Bonnery, Amidou explique qu’il ne comprend pas pourquoi le contrôle ne porte pas sur la carte qu’il avait à préparer, « ce n’est pas normal ». Et lorsque lors de la correction, le professeur, sûr de son fait, explique que « si vous avez bien appris, il suffit que vous réfléchissiez un peu pour y arriver », Amidou est renvoyé soit à sa propre « incapacité », soit au fait que l’enseignant le met volontairement en échec. Cela risque de le conduire à un comportement agressif face à l’enseignant ou aux « bons » élèves qui n’ont pu réussir que, selon lui, « parce qu’ils connaissaient la carte du contrôle, eux… ».

Selon le chercheur, c’est sans doute en levant le malentendu sur ce que signifiait « apprendre à faire une carte » (décoder la légende et les multiples signes culturels codés sur la feuille, plutôt qu’apprendre à recopier « par cœur) que l’enseignant aurait pu l’aider.
On retrouve là les résultats d’un autre membre de l’équipe ESCOL, Jacques Bernardin, interrogeant les élèves sur la manière d’apprendre une leçon : quand les élèves en réussite savent qu’il faut organiser, surligner l’essentiel, faire des liens avec les cours précédents, les élèves en difficulté apprennent « tout par cœur » et tentent de réciter le cours dans le contrôle, sans forcément en comprendre les tenants et les aboutissants. D’un côté, une posture d’apprenant, de l’autre une posture de docilité inefficace…


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Par ppicard3 , le mardi 15 janvier 2008.

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