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À la Une : « On peut parler aussi bien de rugby que de sciences ou de peinture... » 

Par Jeanne-Claire Fumet

Cédric Eyssette, 36 ans, professeur de philosophie au Lycée Aiguerande à Belleville (69), est très présent sur les réseaux sociaux et les sites discussion de professeurs de philosophie. Enseignant depuis 7 ans, impliqué dans le secteur associatif, il éprouve le besoin d'échanger avec des collègues de tous horizons pour enrichir et diversifier ses pratiques. D'abord inscrit sur le site historique  Philoliste, il a trouvé dans les nouveaux réseaux sociaux le moyen d'atteindre un cercle plus large et plus varié. Associé au site de Didier Moulinier, Enseigner la philosophie sur Facebook, il a créé sa propre communauté sur Google +, Professeurs de philosophie. Le principe de sa démarche : ancrer son enseignement dans l'expérience et la réalité pour impliquer les élèves dans la réflexion. Et rien de mieux qu'en discuter avec les autres pour progresser !

 

Dans votre pratique, quel regard portez-vous sur les programmes et les évaluations actuels ?

C'est difficile d'avoir un regard global sur le programme et les épreuves. Là où j'enseigne, j'ai la chance de pouvoir exercer mon métier dans de bonnes conditions, avec des élèves hétérogènes mais plutôt intéressés dans l'ensemble. Il est certain qu'on partage tous certaines difficultés, en particulier au regard de l'écrit, surtout dans les séries technologiques où l'évaluation orale serait la bienvenue. Dans ces sections, les élèves ont particulièrement besoin d'être accompagnés à l'écrit. Mais il me semble que les exercices classiques restent globalement accessibles, même s'il y faut un travail de suivi que l'étendue du programme ne permet pas toujours de réaliser comme il le faudrait. En série L, on est plus à l'aise avec nos 8h de cours. C'est beaucoup moins évident en série ES ou en série S.

 

Comment procédez-vous pour ce travail d'accompagnement des élèves ?

J'essaie de trouver des situations qui les impliquent le plus possible et de les faire écrire régulièrement pendant le temps de classe. Ce peuvent être des expériences de pensée, ou un travail sur des vidéos, des images, des thèses un peu étranges qui les forcent à réfléchir. J'aime bien le format court, pour les forcer à être efficaces. Parfois, je donne un sujet de dissertation après un cours et on voit comment on peut utiliser ce qu'on vient de faire. D'un autre côté, dans l'esprit de la philosophie analytique anglo-saxonne, je fais un travail important sur la structure du cours : j'utilise des schémas, des tableaux, des mises en forme logique pour les articulations du cours et les distinctions conceptuelles. J'essaie de rendre les choses très visuelles pour faciliter l'apprentissage.

 

Vous convoquez des éléments du quotidien dans le champ philosophique ?

J'essaie d'ancrer mon cours dans des exemples concrets, ce que permet assez bien notre programme. J'utilise des images publicitaires, par exemple sur le bonheur, celle d'un parfum célèbre où une jeune femme rampe dans un bain d'or, pour montrer la manière dont la publicité joue sur le désir. J'utilise l'exemple du foie gras pour notre rapport éthique aux animaux. Je travaille aussi sur la construction de l'identité personnelle et du rapport aux autres dans le contexte de la société de consommation, dans le cours sur le sujet.

 

Les débats d'actualité sociale ont-ils une place dans votre enseignement ?

Ce qui est intéressant, c'est de montrer aux élèves les les enjeux de la réflexion sur des situations contemporaines de la société, parfois sur des questions vives, comme le modèle français de l'universalisme républicain, avec la question du voile, ou bien la théorie du complot, au sujet de la notion de vérité. Mais je me documente beaucoup avant d'en parler. Pour l'affaire Dieudonné, je me suis posé la question, mais je n'étais pas sûr d'être assez solide pour aborder ce sujet. Par contre, je fais un travail sur l’homoparentalité depuis quelques temps et j'ai pu analyser la question du mariage pour tous. Dans un travail critique sur l'argumentation, c'était l'occasion d'étudier les arguments fondés sur le « naturel » et de montrer ce qui ne fonctionne pas dans ce genre de propos. 

 

Vous participez à un groupe de travail sur la pédagogie en philosophie ?

Ayant la chance d'avoir une compagne professeure des écoles, je bénéficie de toute la réflexion menée en primaire sur l'approche pédagogique, et c'est très précieux. Je suis aux antipodes de la position selon laquelle la philosophie serait pédagogique par elle-même, sans autre effort que le déploiement du concept en lui-même. Dans le groupe ressource de l'Académie de Lyon auquel je participe, nous réfléchissons à la manière de mettre les élèves en action, de les impliquer réellement dans l'activité de cours. Nous venons de terminer une formation dont les productions seront bientôt diffusées sur le site académique. Les professeurs apprécient ces actions, qui les aident à trouver des solutions pour la prise de notes, l'apprentissage du cours, la problématisation... On a vraiment besoin de ce travail.

 

Menez-vous des activités particulières avec vos élèves ?

Je suis enseignant en section européenne. J'exerce en DNL (Discipline non linguistique) anglais en  ECJS en 2nde et en 1ère, et en philosophie en terminale. Ce n'est pas un cours classique : j'essaie d'impliquer les élèves dans un projet de groupe où ils parlent eux-mêmes le plus possible en anglais. Je les fais réfléchir sur l'éthique, la morale. Actuellement, nous préparons des courts-métrages en anglais pour le Festival de cinéma lycéen Eidôlon, que j'ai d'ailleurs découvert sur les réseaux de profs de philo. Nous explorons des dilemmes d'éthique appliquée.

 

Vous souhaitez continuer d'enseigner la philosophie ?

 

C'est un métier vraiment passionnant, très dynamisant. On a la possibilité de se renouveler constamment dans les contenus, les thèmes sont innombrables : on peut parler aussi bien du Haka des All-Blacks que des dernières expérimentations scientifiques. La source est intarissable, on ne peut pas se lasser. Alors oui, bien sûr, je veux continuer d'enseigner la philosophie. 

 

La communauté Professeur de philosophie :

https://plus.google.com/u/0/communities/108419210521833181194

 

La communauté Enseigner la philosophie de D. Moulinier :

https://www.facebook.com/groups/197192470301462/?fref=ts

 

Le site de philoliste :

http://philoliste.online.fr/


 

Sur le site du Café



Par JC Fumet , le samedi 22 février 2014.

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