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A la Une : l'enseignement de la morale laïque, une voie entre moralisme et catéchisme ? 

Par Jeanne-Claire Fumet


Peut-on enseigner une morale laïque de manière cohérente et continue tout au long de la scolarité, assurer la neutralité et la pondération raisonnable de cet enseignement et en faire une évaluation équitable, sans tomber dans le double piège des lieux communs consensuels et des formules mécaniques ? Inventer une voie autre que la reprise plus ou moins consciente des préjugés courants en matière de morale, et l'apprentissage de préceptes conventionnels – chacun s'offrant en remède aux  manquements de l'autre - c'est la gageure redoutable que doivent affronter les trois personnalités chargées par Vincent Peillon de travailler sur le thème de l'enseignement de la morale laïque à l'école, dont les conclusions sont attendues pour mars 2013. A charge pour eux de « définir les grands principes de nouveaux programmes » et et de « statuer sur ce que doivent être les formes de cet enseignement (discipline autonome ou non) ».

Des experts d'obédience historienne.
 
Les personnalités choisies par le Ministre pour mener la réflexion sont des spécialistes des questions de laïcité, de morale et d'enseignement, dotés d'un point de vue historien : Alain Bergounioux, inspecteur général de l'Éducation nationale, professeur associé à l'Institut d'études politiques de Paris, est l'auteur d'ouvrages sur l'histoire du syndicalisme et du socialisme et d'études sur l’Éducation civique et la laïcité. Laurence Loeffel, professeure des universités en Sciences de l'éducation à l'Université Charles de Gaulle-Lille 3, a enseigné en IUFM et publié des ouvrages sur la morale laïque scolaire, l'éducation du citoyen et l'histoire de l'école. Rémy Schwartz, conseiller d’État et professeur associé à l’Université de Paris I, a travaillé sur la déontologie de la fonction publique et publié un ouvrage sur la laïcité.

Ni avatar d'enseignement philosophique, ni conservatisme naïf.

Ce profilage pluridisciplinaire promet d'éviter à la « nouvelle » discipline le statut d'avatar appauvri de l'enseignement philosophique ; il garantit aussi contre un certain conservatisme naïf qui puiserait  dans les fonds usagés des vieilles antiennes, faute d'en repérer  les sources contextuelles. Reste le plus difficile : que peut-on apprendre de la morale, fût-elle civique, laïque et républicaine ? La plupart des enfants, éduqués et scolarisés, dispose d'un solide arsenal de réflexes discursifs qui  protège à la fois de l'indifférence radicale et de l'excès d'empathie. Cette « morale de convenances » ne relève pas de l'hypocrisie ou de la sottise, mais d'une  protection spontanée contre le caractère intrusif des formes d'édification morale de toutes origines (et parfois contradictoires) reçues au fil du temps. Elle peut s'avérer nécessaire à la formation progressive d'exigences personnelles,  d'inspiration plus large, mais elle peut aussi faire rempart à leur émergence dans la réflexion, sous la pression des  impératifs pragmatiques du quotidien, qui soulignent leur caractère artificiel. L'éducation morale supposerait donc de déjouer ce processus sans altérer la liberté de jugement du sujet.  


L'expression politique nouvelle d'un problème éducatif ancien.

Le problème, évidemment, n'est pas nouveau ; mais la demande du Ministre en renouvelle l'expression : trouver les conditions d'un partage authentique et non contraint des valeurs de la République, par le biais d'une transmission institutionnelle établie et vérifiable, sous la responsabilité d'enseignants tenus à leur devoir de fonctionnaires d’État, en assurant à cet enseignement l'indépendance idéologique et religieuse quels que soient les aléas du devenir réel de l'organisation collective. Accomplir, en somme, la jonction du public et du privé, de la contrainte et du devoir, sous une forme qui laisse le jeune citoyen aussi libre mais mieux armé qu'il ne serait sans elle.

C'est un bel acte de foi que de partir des données théoriques du problème pour en déduire les conditions de sa résolution concrète, compte non tenu de l'hétérogénéité des champs de l'étude et de l'application. Mais c'est aussi, au fond, la tâche du politique que de tenter de faire émerger du bouleversement des pratiques les solutions que l'anticipation ne permet pas de concevoir entièrement. Gageons en tout cas que le rapport des « sages », au mois de mars, ne sera pas reçu sans d'âpres discussions.


La lettre de mission du Ministre et la présentation officielle des chargés de mission, sur le site du Ministère :

http://www.education.gouv.fr/cid65773/vincent-peillon-nomme-trois-personnalites-po[...]


Sur le site du Café

Par JC Fumet , le jeudi 25 octobre 2012.

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