Lycée Blum à Créteil : Hypokhâgne sans « passer le périphérique » 

Par Jeanne-Claire Fumet



 

C'est une structure ambitieuse et pleine de promesses : l'hypokhâgne qui vient de s'ouvrir au lycée Léon Blum de Créteil, en partenariat étroit avec l'UPEC (Université Paris-Est Créteil, Paris XII), offre aux élèves de l'Académie l'accès aux humanités classiques portées à un haut degré d'exigence, et accompagnées d'un enseignement optionnel rarement proposé : Études Cinématographiques et Théorie et Histoire de l'Art.


Portée par l'élargissement des débouchés des prépas littéraires permis par le dispositif BEL (Banque d’Épreuves Littéraires), la nouvelle hypokhâgne, qui rassemble 27 élève principalement recrutés dans l'Académie, permet de préparer plusieurs concours d'écoles supérieures (ENS, IEP, Celsa, École des Chartes, écoles de commerce, etc.), des concours liés à son orientation artistique (Femis, Ecole du Louvre...) et aussi de se voir proposer des équivalences et des poursuites d'études en Lettres, Philosophie, Histoire ou Langues à l'UPEC, en Cinéma et Histoire de l'Art dans le supérieur. Roland Echinard, professeur de philosophie à Léon Blum, par ailleurs très impliqué dans la formation continue des enseignants de philosophie dans l'Académie de Créteil, professeur coordonnateur, est devenu le principal artisan de cette filière , au terme de plusieurs années de volonté et de patience de l'équipe enseignante et du proviseur du Lycée Blum, Jean-Louis Auzan (l'ouverture d'une khâgne est attendue pour 2012). Il estime qu'on peut y voir une solution d'avenir pour les études supérieures.


Roland Echinard, élève de l'ENS d'Ulm, a enseigné la philosophie dans plusieurs lycées du Val de Marne et plusieurs universités, dont l'UPEC ; en accord avec ses collègues, il a participé à la promotion d'une CPGE littéraire ouverte aux bons élèves de banlieue, peu enclins à « passer le périphérique » pour des raisons financières et sociales, et pourtant très capables de réussir.  L'idée : ne rien renier de l'exigence et de la rigueur de l'hypokhâgne, en construisant une complémentarité avec les ressources et la richesse du monde universitaire, pour assurer échanges et transitions souples entre ces deux domaines. Cela semble bien répondre à un besoin : tandis que certaines prépas littéraires peinent à recruter, celle-ci compte déjà 27 étudiants pour 24 places annoncées. Malgré la difficulté des études, aucun d'eux n'a renoncé.


Une solution d'avenir : éviter la coupure sans renoncer aux Prépas


 « C'est peut-être la solution de l'avenir, remarque R. Echinard, au moment où des arbitrages politiques de fond vont devoir être rendus dans le domaine éducatif. L'alternative entre la valorisation exclusive de l'université ou celle des grandes écoles sélectives est une impasse : entre des élèves de prépas qui ne sortent pas de leur lycée pour découvrir l'université et des étudiants universitaires qui ignorent les rythmes de travail et la transdisciplinarité des préparations aux grandes écoles, la solution n'est certainement pas d'accentuer la rupture. L'idée de prépas intégrées aux universités, qui ne travaillent que sur 26 semaines de cours et délivrent leurs propres diplômes selon des politiques autonomes, ne peut pas non plus fonctionner sans perdre ce qui fait la force des CPGE : un groupe classe cohérent, organisé dans la continuité du lycée, sur le même calendrier, avec beaucoup de travail dans sept ou huit matières. Il faut trouver une autre solution pour rapprocher ces deux mondes sans les diluer l'un dans l'autre. »


Cette autre solution pourrait bien résider dans l'association des structures : la faculté des Lettres, Langues et Sciences Humaines ouvre les portes de la B.U. et s'implique dans les enseignements ; les étudiants des deux structures se mélangent et se rencontrent (y compris dans les activités sportives), les élèves de prépas ayant une journée de cours hebdomadaire sur le campus de la fac. Les étudiants se rendent compte des avantages d'étudier près de chez eux, dans de bonnes conditions,  plutôt que de s'entasser dans les Facs parisiennes. Conscientes de cet enjeu, les instances de l'UPEC ont bien accueilli le projet et contribué à sa mise en place. Une enseignante-chercheuse en Histoire de l('UPEC, Nathalie Gorochov, travaille en liaison constante avec Roland Echinard sur le partenariat entre les établissements.


Démocratiser l'accès à la culture


Le projet pédagogique de la Prépa bénéficie d'effectifs mesurés et s'appuie sur la recherche, par les enseignants, de solutions adaptées à leur public. Ainsi, les devoirs sont organisés plutôt le lundi matin que le samedi, quand les élèves sont moins fatigués, tandis que le samedi est consacré à leur préparation méthodologique. Un état d'esprit qui cherche à favoriser la réussite de tous les élèves, plutôt que l'élimination des plus faibles, et qui donne une mentalité différente à la classe préparatoire.


« Le programme d'hypokhâgne prévoit l'étude d'une langue ancienne, précise ainsi Roland Echinard. Beaucoup de nos élèves n'avaient pas suivi cet enseignement avant le bac : ils forment une section de latinistes « grands débutants ». Mais le lycée a fourni aussi un effort particulier pour permettre aux autres d'approfondir l'étude du grec ou du latin commencée avant le bac. Là encore, il s'agit de favoriser l'accès à la culture humaniste sans rien « lâcher » sur le niveau requis des étudiants. C'est aussi dans la logique de la découverte des études cinématographiques et de l'Histoire de l'Art, enseignées dès la Seconde au Lycée Blum, qui sont des options dominantes de nos deux Terminales L. Cela prolonge la démarche d'excellence engagée par nos équipes pionnières d'enseignants, qui ont établi ces options au lycée depuis longtemps : 25 ans pour le Cinéma! Parmi les signes positifs, 40% de nos élèves sont boursiers et 5 d'entre eux ont pu être logés par le CROUS grâce au partenariat avec l'Université ».


Des équipes très impliquées


Une filière, par conséquent, plus caractérisée par le souci d'exigence que celui d'élitisme, et portée par la volonté d'équipes enseignantes très déterminées.

« Toute l'équipe pédagogique de la classe, soutenue par leqs autres collègues, s'est lancée avec passion dans ce défi. En plus de ce qui est exigé par le programme des options artistiques, nous nous efforçons de développer le plus possible un programme d'ouverture et de sorties culturelles : spectacles, expositions, films, musée... Je suis très heureux d'avoir obtenu le parrainage artistique de la classe par Matthieu Amalric (dont j'avais fait la connaissance justement aux temps de ma propre hypokhâgne !). In connait tout du cinéma, il y a exercé tous les métiers, il nous apporte un éclairage précieux. Ses films ont déjà servi de sujet aux concours de la FEMIS. Son travail est très riche, par exemple, sur la question du corps cinématographié qui est au concours des ENS cette année. »

Un parrainage qui permet à tous les élèves du lycée qui suivent l'option cinéma de bénéficier des visites et des conseils du célèbre réalisateur. 


Limiter l'échec dans le supérieur.


Pour Roland Echinard, ce type d'initiative peut aussi contribuer à faire comprendre l'intérêt des CPGE, rénovées, renouvelées dans leur esprit, leurs moyens et leur pédagogie, sans perdre leur niveau d'exigence et leur qualité d'enseignement : pour un plus grand nombre d'élèves, elles peuvent favoriser l'accès aux grandes écoles, mais aussi d'aborder les filières universitaires avec de rigoureuses méthodes de travail qui pourraient limiter les échecs, les redoublements et les erreurs d'orientation si fréquentes dans les études supérieures.



Tout savoir sur le dispositif BEL :

http://www.recherche.gouv.fr/cid53183/4-fois-plus-debouches-pour-les-khagneux-ici-2012.html


Le site du lycée Léon Blum :

http://www.lyceeleonblum.ac-creteil.fr/



Sur le site du Café

Par JCFumet , le samedi 22 octobre 2011.

Partenaires

Nos annonces