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DOSSIER : Les voyages d'étude en LCA : tous les chemins ne mènent pas à Rome... 

Par Robert Delord et Marjorie Lévêque


Octobre, l'automne est là et à la veille des vacances de la Toussaint, les premiers Conseils d'administration se font jour. Si vous ne l'avez pas déjà fait au dernier Conseil d'Administration de l'année, avant les congés estivaux, il est grand temps de présenter vos projets de sorties et voyages et de les faire voter devant cette honorable assemblée. Dans ce dossier du mois, nous entendons vous rappeler le calendrier et les démarches à respecter, mais aussi vous prodiguer quelques conseils pour l'organisation de tels projets.

I. Intérêt des voyages d'étude en LCA
« Pourquoi vous organisez un voyage en Grèce avec les latinistes ? Ils ne parlent pas latin là-bas ! » - Non, mais tu sais, même si tu vas à Rome, plus personne ne parle latin !
Voilà le type de question que peuvent poser les collègues et la réponse que le  professeur de latin peut être amené à leur faire quand il a l'idée saugrenue d'organiser un voyage pour vos élèves latinistes.
Évidemment, un voyage d'étude en langues anciennes ne peut pas – et pour cause ! - être un voyage linguistique, mais son utilité n'est pas pour autant à remettre en cause.
En effet, bien plus que les langues vivantes, l'apprentissage des Langues et Cultures de l'Antiquité nécessitent un très gros effort d'imagination. Si la City de Londres et les gratte-ciel de la grosse pomme new-yorkaise n'ont plus de secrets pour les élèves grâce aux films et aux séries télévisées devant lesquels nos chères têtes blondes passent beaucoup de temps, imaginer ce que devait être la vie d'un citoyen ou d'un esclave romain il y a plus de 2000 ans est une tâche plus ardue.
Que ce soit le forum romain, l'agora d'Athènes, la cité ensevelie de Pompéi ou le port de Carthage, il s'agit donc d'emmener les élèves dans les décors mêmes des textes qu'ils traduisent et lisent à chaque heure de cours.
Mais ce n'est pas tout, les voyages de section de latin et de grec sont également l'occasion de formidables projets interdisciplinaires montés aussi bien avec les collègues de lettres et d'Histoire-géographie que ceux de sciences (naissance des sciences en Grèce, volcanisme en Italie du Sud et Sicile...).
Enfin, le voyage d'étude en LCA qui est souvent, pour les collégiens, leur premier voyage à l'étranger est bien sûr un grand moment de dépaysement et d'ouverture sur le monde et les autres peuples. La visite de Naples peut être l'occasion d'attirer l'attention des petits français sur le sort de leurs homologues italiens levés à l'aube pour travailler dans la rue pour dix euro par semaine. Celle d'Athènes de leur montrer les carreaux cassés des écoles publiques grecques qui, faute de moyens, n'ont pas non plus de chauffage l'hiver. Celle d'El Jem en Tunisie de constater la ferveur des écoliers qui font parfois 10 km avec leur cartable sur le dos pour gagner l'école la plus proche.

II. Organiser un voyage
1°- Anticiper
Même si le jeu en vaut la chandelle, l'organisation d'un voyage n'est pas chose aisée. Ceux qui ont tenté l'expérience pourront en témoigner.
La chose primordiale est d'anticiper toutes les échéances afin de ne pas se laisser déborder par toutes les tâches et démarches à accomplir.
Si l'essentiel se joue, nous l'avons dit, à la rentrée scolaire et plus précisément lors du premier C.A. de l'année, traditionnellement consacré aux bilans de l'année précédente et à la mise aux voix des projets de sorties et des voyages pédagogiques, le ou les professeurs responsables doivent s'y prendre bien en amont afin de prévoir le programme du voyage et d'en assurer le financement.
Il est bien sûr possible pour l'enseignant d'organiser seul son voyage, sans recourir aux voyagistes, mais dans le cadre d'un voyage en LCA qui rend difficile les échanges linguistiques avec des élèves d'autres pays, un voyagiste professionnel rend toutefois bien des services et permet de partir l'esprit tranquille pour des tarifs guère plus élevés, voire inférieure (grâce aux tarifs de gros qu'il obtient) à ceux d'un voyage « fait maison ». La possibilité de souscrire une assurance annulation (qui s'élève environ à 3% du coût du voyage) n'est pas non plus à négliger.
L'idéal est d'avoir arrêté son projet aux environs du mois de mars ou avril de l'année précédente afin d'être assuré de pouvoir obtenir avant l'été les premiers devis des voyagistes, d'intégrer votre projet dans le contrat d'objectifs de l'établissement et éventuellement de faire voter le voyage (son principe seulement ou même son budget si le projet est suffisamment avancé) au dernier C.A. de l'année.

2°- Planifier
Compte tenu de la multitude de tâches variées qui incombent à l'enseignant Gentil Organisateur de voyage d'étude, celui-ci doit s'imposer un planning draconien.
- préparation du programme du voyage et du projet pédagogique en concertation avec les collègues des différentes disciplines qui s'associent au projet
- demande des premiers devis aux voyagistes (purement estimatifs puisque la législation rend obligatoire le recours à un appel d'offre national)
- recherche de financements divers
- établissement du budget du voyage (l'aide de l'intendant est souvent la bienvenue : le C.A. ne pouvant normalement voter qu'un budget en équilibre et établi)
- vote du budget en C.A. (budget global du projet et coût maximal à la charge des familles)
- lancement sur le site Internet ad hoc de l'appel d'offre pour la mise en concurrence des entreprises et choix du prestataire sur des critères à la fois financiers et pédagogiques
- information des parents (une réunion parents – élèves – professeurs reste le meilleur moyen de régler tous les problèmes, de répondre à toutes les questions et de lever les dernières craintes des parents d'élèves de collège qui voient souvent leur progéniture quitter le nid familial pour la première fois sur une longue durée)
- distribution, collecte, vérification et retour des documents nécessaires au voyagiste et à l'établissement : une fiche de sondage éventuellement, une demande de participation au voyage scolaire comprenant un engagement signé à régler le coût de ce dernier, une fiche santé recensant les éventuels problèmes médicaux, traitements ou allergies de l'élève, une attestation d'assurance normalement remise à l'établissement au moment de l'inscription, une photocopie des papiers d'identité , le règlement intérieur du voyage...
- préparation d'un « cahier de voyage » pour les élèves
- mise en place d'un moyen d'information des familles du bon déroulement du voyage (messagerie téléphonique payante, messages sur le site Internet de l'établissement ou encore sur un blog ou un compte Twitter ouvert pour l'occasion).

3°- Oser
Un des principaux mots d'ordre pour le professeur de LCA qui organise un voyage est « oser ».
 
- Oser dépasser les préjugés. Les élèves ne sont pas menacés par la mafia lorsqu'ils visitent Naples ou la Sicile. La situation économique et sociale en Grèce n'empêche pas d'y emmener les élèves. Les retombées du printemps arabe n'ont pas mis un coup d'arrêt aux voyages d'étude en Tunisie.
- Oser sortir des sentiers battus. Les voyagistes ne proposent souvent dans leurs offres de voyage « clés en main » que les sites les plus connus quitte à passer de sites parfois bien plus intéressants. Même si Pompéi est un incontournable, le site mal entretenu tombe en ruines (cf. nos précédents articles sur le sujet) et est embarrassé de dizaines d'échafaudages qui bloquent très souvent l'accès aux visiteurs. Pourquoi ne pas lui préférer Herculanum, plus petite mais dont presque tous les monuments sont ouverts, ou encore la villa de Poppée à Oplontis, magnifique et somptueusement décoré de dizaines de fresques aux styles variés.
Visiter des sites moins connus, c'est l'assurance d'éviter la foule qui s'amasse au même endroit et la chance de découvrir des endroits uniques et parfois très surprenants. On prendra pour exemple le site de Baïes en Campanie au nord du golfe de Naples où Marius, Pompée, César et Cicéron avaient leur villa, absent des catalogues de voyagistes et pourtant magnifique, en bord de mer et très apprécié des élèves par son aspect labyrinthique.
- Oser faire des visites sans guidage. Le guidage sur les sites par des professionnels francophone permet certes de gagner du temps dans la préparation  du voyage, mais s'avère très coûteux et parfois peu satisfaisant, que l'on ait à faire  à un guide aux connaissances approximatives ou au contraire à un guide dont l'érudition dépasse les capacités d'écoute et de compréhension du collégien moyen. Nulle besoin des toutes dernières avancées de la recherche archéologique ou d'une foule de dates qui seront aussitôt oubliées par les élèves. Si certains sites nécessitent un accompagnement spécifique des élèves, pour d'autres une approche sensible et personnelle du site sera tout aussi profitable. Ainsi, à Pompéi, le professeur a-t-il le choix de traîner derrière lui son troupeau d'élèves en caressant le double espoir que les monuments qu'il a choisi de présenter seront  ouverts et qu'il restera à ses élèves une oncette d'attention. Ou bien, il pourra décider de laisser aux élèves un temps pour divaguer sur le site, un plan à la main, à la recherche des curiosités de la cité ensevelie.

III. L'argent, le nerf de la guerre
1°- Généralités
- La question de l'argent se pose à toutes les étapes de l'organisation d'un voyage d'étude.
- Avant de s'engager dans des projets titanesques ou pharaoniques qui vont lui  demander un travail de romains pour en assurer le financement, le professeur responsable doit d'abord s'enquérir de la politique de l'établissement et de l'académie en matière de voyages scolaires. En effet, certains établissements fixent parfois une limite au coût du voyage restant à la charge des familles. Les services rectoraux, quant à eux, examinent les projets de voyages qui leur sont soumis par les établissements et peuvent retoquer ceux qui leur paraissent trop dispendieux.
En la matière établissements publics et privés ne sont pas logés à la même enseigne puisque, dans les premiers le coût maximum à la charge des familles s'établit autour des 300€ par élève, tandis que dans les seconds il n'est pas rare de voir voter des voyages ou la participation des familles atteint ou même dépasse les 500€.
- Quoi qu'il en soit, l'appel d'offre obligatoire qui est passé sur Internet permet souvent d'obtenir plusieurs offres tarifaires qu'il s'agira d'étudier en ne prenant pas seulement en compte la logique du moins coûtant, mais également la pertinence par rapport au projet pédagogique.

2°- Financer le voyage
Généralités
- Deux choses doivent être votées en C.A.. Tout d'abord, le budget total du voyage qui doit être fait en toute clarté en présentant des recettes et des dépenses en équilibre. D'où l'importance de s'y prendre à l'avance pour avoir le maximum de données chiffrées à fournir au moment du C.A.
- Il faut savoir que l'intendance de votre établissement ne pourra pas mettre au paiement un euro de plus que la somme votée en C.A., aussi mieux vaut-il toujours prévoir un plan B, c'est à dire un programme raccourci d'une journée ou deux.
- La possibilité existe de regrouper des élèves de deux établissements afin de remplir un car (55 à 63 places pour un car grand tourisme). Il s'agira alors de s'assurer du sérieux du collègue et de l'établissement avec lequel on s'associe et de se poser la question de la gestion du budget en se demandant quel établissement va le prendre en charge. On peut alors être confronté à des difficultés voire une impossibilité de répartir le budget sur les deux établissements.
- Enfin, dans le cadre d'une cité scolaire, si le voyage regroupe des élèves du collège et du lycée, le budget du voyage est généralement géré sur le niveau – collège ou lycée – qui compte le plus d'élèves.

- Les sources de financement sont aussi variées que chronophages. Elles se répartissent entre sources institutionnelles et sources associatives ou privées. Nous ne listons ici que les plus courantes et les plus fructueuses.

Sources de financement institutionnelles
- la subvention du contrat d'objectifs de l'établissement (quelques centaines d'euro dans le meilleur des cas, ce qui est souvent dérisoire en regard du coût d'un voyage à l'étranger)
- les nuitées du Conseil Général du département pour les collégiens (les choses ont changé récemment et la subvention consiste désormais en une enveloppe de nuitées attribuée à chaque établissement, à partager entre les voyages et sur laquelle 30% des nuitées sont réservées aux sorties dans le département) ; un conseil : soyez présent lors de la réunion de répartition de ces nuitées et comptez une aide d'environ 7€ par nuitée et par élève si toutes vos nuitées rentrent dans l'enveloppe
- l'appel à projets éducatifs du Conseil Général pour les réalisations découlant du voyage (le C.G. ne contribue en effet au financement des voyages que sous la forme des nuitées, mais peut éventuellement aider à financer par exemple l'exposition ou la publication qui en découlerait)
- les appels à projet du Conseil Régional pour le lycée uniquement (le mieux est de consulter directement le site Internet de votre Conseil Régional afin d'en connaître les modalités)
- un éventuel don du FSE ou de la Maison des Lycéens qui peuvent parfois apporter leur soutien aux sorties organisées pour les élèves
- et bien sûr un don des municipalités pour les enfants de leur commune : copie de la délibération du Conseil Municipal à adresser au service de l'Intendance pour le vote en C.A. De ses subventions

Sources de financement associatives ou privées
- le professeur de LCA peut à l'occasion solliciter l'ARELA de son académie si elle prévoit ce genre de soutien financier pour les voyages d'étude
- un éventuel don des fédérations de parents d'élèves, PEEP ou FCPE (les deux participant rarement de concert)
- les clubs tels que les Lion's Club ou Rotary Club peuvent également être sollicités car ils prévoient parfois dans leur budget des subventions pour des projets éducatifs
- les dons de particuliers ou d'entreprises locales qui nécessitent alors de remplir un formulaire de don sans contrepartie indiquant clairement l'identité du donateur, le montant du don et sa destination afin de pouvoir donner lieu à une facture éditée par les services de l'intendance (on peut dans ce cas faire valoir aux éventuels donateurs la part du don normalement déductible des impôts)
- On ne fera pas ici une liste exhaustive des événements culturels (soirées musicales, repas romains ou non) et des opérations commerciales diverses (ventes de gâteaux, boissons chaudes, ou autres cartes, calendriers et objets en rapport avec le voyage réalisés par les élèves, vide-grenier, lotos, tombolas...) qui peuvent être imaginées pour trouver des fonds. On se contentera de rappeler que la vente de denrées alimentaires est normalement interdite par la loi dans l'enceinte de l'établissement.
- En revanche, on pourra s'étonner des pratiques commerciales parfois outrancières orchestrées par des entreprises de vente par correspondance qui ont flairé le filon et qui en ont fait leur fonds de commerce : vente de bulbes et plantes, de chocolats, voire même de marque-pages et porte-clefs à l'effigie d'Hello Kitty ou Bob l'éponge. Il semble tout de même plus acceptable d'essayer de faire créer et vendre par les élèves des réalisations en rapport avec leur discipline et leur projet.

- Dans tous les cas, un don doit faire l'objet d'un vote en Conseil d'Administration avant de pouvoir être encaissé par le service de l'intendance.

3°- Des solutions pour les familles ayant des difficultés financières
- Il n'est malheureusement pas rare qu'une ou plusieurs familles rencontrent des difficultés financières et peinent à payer le voyage scolaire de son ou ses enfants.
Cela est d'autant plus vrai pour les familles ayant deux enfants ou plus qui doivent  participer à un même voyage ou à des voyages différents dans plusieurs matières la même année.
- Il appartient alors à l'établissement et à l'équipe enseignante de tout mettre en oeuvre pour essayer de faire en sorte que la question financière n'empêche pas  la participation d'un ou plusieurs élèves qui pourraient alors se sentir stigmatisés.
- Quelques solutions existent et en premier lieu l'aide du fond social de l'établissement qui s'obtient sur critères sociaux après rendez-vous avec l'assistante sociale de l'établissement.
- Il est également possible de proposer aux élèves en question la vente d'objets réalisés pour financer le voyage dont la recette va directement à la famille.
- Il arrive parfois également que certaines familles décident de faire un don pour financer une partie du coût du voyage d'élèves moins favorisés.

Enfin, on pourra signaler au parent le paradoxe assez fréquent qu'il y a à réclamer à l'établissement scolaire de faire baisser le coût des voyages à l'étranger, tandis que dans le même temps les élèves dépensent des fortunes en téléphone portable (SMS ou communications depuis l'étranger).

Dans notre prochain mensuel, nous aborderons, pour conclure ce dossier, sur les projets et réalisations concrètes (expositions, livrets, blog ou sites Internet...) qui peuvent voir le jour à l'occasion d'un voyage d'étude des sections de Langues et Cultures de l'Antiquité.


Par fsolliec , le jeudi 25 octobre 2012.

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