A la Une : SPÉCIAL CINÉMA : exemples de pratiques pédagogique avec Donatella Mendolicchio 

Par Nathalie Doudet



Donatella Mendolicchio enseigne l’italien depuis 26 ans, elle a travaillé dans des établissements publics, du collège à l’université en s’adressant à un public de jeunes, mais également d’adultes en formation continue. Depuis treize ans elle est en poste au Lycée Henri IV à Paris, où elle a toutes les classes de la 4ème à la Terminale. Nous l’avons interrogée à propos de la place qu‘elle accorde au 7ème art dans son enseignement


Donatella, le choix d’intégrer le cinéma dans ton enseignement est-il récent ?


Non, ce choix est entré progressivement dans mon enseignement et remonte maintenant à de nombreuses années.

J’ai commencé un parcours plus spécifique lorsque j’ai collaboré avec le cinéma d’art et d’essai Le Latina qui organisait une session parisienne du Festival de cinéma italien d’Annecy, session où le jury était composé de lycéens.

Depuis, cette collaboration ne s’est jamais interrompue, j’ai élaboré des dossiers pédagogiques pour les films présentés par le cinéma et, depuis quelques années, je suis responsable de la programmation italienne de Cinélangues (http://www.cinelangues.com/), une association, qui avec le cinéma Le Nouveau Latina (http://www.lenouveaulatina.com/), propose aux classes d’italien des projections de films à la demande des enseignants.


Fais-tu ce choix pédagogique avec tous les niveaux ? Avec toutes les classes ?


Oui, toutes les classes ont le droit de découvrir le cinéma italien, qui est à tous les effets une composante essentielle de la culture du pays et un moyen pédagogique auquel les élèves sont particulièrement réceptifs. Cependant les objectifs et les compétences linguistiques n’étant pas les mêmes la démarche est adaptée à chaque niveau.


Comment élabores-tu ton cours ?


Il n’y a pas une recette universelle. Tout dépend des objectifs linguistiques et culturels que je vise. Le film (ou une simple séquence), peut être le document de départ pour illustrer un point de civilisation, un document complémentaire ou l’œuvre complète sur laquelle porte l’analyse. Souvent j’associe cinéma et littérature en mettant en parallèle des extraits de romans et son adaptation cinématographique, ce qui permet en plus d’analyser les moyens d’expression propres à chaque art.

Lorsque je pars d’une projection, le scénario, en tant que texte écrit, peut ensuite faire l’objet d’un travail plus spécifique sur la langue, surtout dans les classes de collège, ou bien être le document de base de l’explication de texte d’une classe de lycée. Si je sélectionne une seule séquence, comme document de travail en classe, sur la langue et/ou la civilisation j’essaie cependant de montrer ensuite l’œuvre complète pour que le film ne soit pas réduit à simple « document audio-visuel ». En cela le travail de Cinélangues me semble très important puisqu’il permet aux enseignants de montrer les œuvres filmiques intégrales en respectant la loi sur les droits d’auteur et surtout de les montrer en situation, c’est à dire dans une salle de cinéma. Je suis profondément convaincue, en suivant les traces de Fellini, que le film nait pour la salle obscure et qu’en dehors de cette condition de projection il perd une partie de son sens et sa magie.


Concrètement, prenons une séquence dans laquelle tu as projeté un extrait de film. Comment l’as-tu intégrée à ton cours ? Quels étaient alors tes objectifs pédagogiques ?


J’ai souvent travaillé sur le début du film Nuovomondo d’Emanuele Crialese avec des classes de Terminale. Cette séquence s’intègre dans un parcours qui va de l’émigration italienne à l’Italie comme pays d’immigration. Le travail est introduit par une fiche technique qui présente le lexique lié à l’analyse filmique. Le début du film montre le contexte socio-culturel des émigrants et le mythe américain.

Mais le film est sorti en Italie en 2006, Crialese s’adresse donc à un public d’italiens qui a oublié son passé d’émigration et qui est confronté à l’immigration. Cet aspect permettra d’effectuer la transition entre les deux thèmes civilisationnels.

Premièrement je montre la séquence en entier pour le plaisir, pour que les élèves rentrent dans l’atmosphère du film ce qui facilite la compréhension générale de la situation.

Ensuite je partage la classe en groupes, chaque groupe a une tâche différente : relever  la spécificité de la bande son et sa relation avec les images et les dialogues, les mouvements de caméra, les déplacements des personnages et leurs regards, le décor. Je fournis une grille où le script est déjà écrit ce qui permet à chaque groupe de noter en regard des répliques les observations effectuées lors du visionnement.

Ce film en effet ne se prête pas à un travail spécifique sur la langue puisqu’il est en dialecte. Il montre en revanche cette réalité culturelle du pays et permet de se concentrer sur les aspects cinématographiques de la scène étudiée.

Les observations effectuées par chaque groupe font ensuite l’objet d’une mise en commun et à la fin du travail chaque élèves a une grille complète comportant tous les éléments.

On procède à un dernier visionnement de la séquence, sans arrêts, avant de passer à l’élaboration collective du commentaire.

Les élèves présentant l’italien au Bac pouvaient fournir comme document cette grille, que j’avais mis au propre et distribuée.


Tu emmènes des classes au cinéma. Comment et pourquoi le choix de tel ou tel film ? Comment structures-tu tes séquences de cours avant, après la séance ?


En dehors de quelques films saisis à l’occasion de leur sortie en salle, comme Vincere, il y a quelques années, les œuvres présentées aux élèves font partie de la sélection offerte par Cinélangues qui, tous les trimestres, propose un film différent pour les classes de collège et un film pour les classes de lycée.

Le choix de ces œuvres est en général réalisé en tenant compte du public visé et des thèmes faisant partie des programmes ministériels. Si je décide d’emmener une classe au cinéma j’organise toute la séquence de travail autour du thème traité par le film. Celui-ci pourra être le point de départ, mais également l’aboutissement de ce travail. Dernièrement par exemple j’ai emmené mes Terminales voir I Cento passi de Marco Tullio Giordana. Cette projection est l’aboutissement d’une longue recherche sur la mafia. Après la projection nous avons parlé en classe du film en tant que tel, des intentions du metteur en scène et du rôle que le film a joué dans la réhabilitation de la mémoire de Peppino Impastato, mais aussi de l’Italie des années ‘70 telle qu’elle apparaît en arrière-plan. Ensuite l’étude débouchera sur l’analyse d’une scène tirée du scénario publié par Feltrinelli.

Ce qui permet une fois de plus de passer du document filmique au document textuel et d’entraîner les élèves dans toutes les compétences.

D’une toute autre manière, en revanche, j’ai proposé l’année dernière à mes élèves de 4ème et de 3ème la projection de Rosso come il cielo de Cristiano Bortone.

Le travail a commencé par la projection du film. Après la projection, les élèves avaient reçu, une fiche à compléter à la maison en effectuant des recherches sur Internet. Il s’agissait pour eux d’acquérir le vocabulaire de base pour présenter un film : il regista, la sceneggiatura, gli interpreti etc.

Cette recherche a permis un premier travail d’élaboration orale en classe.

Ensuite j’ai distribué dans chaque classe des textes, différents selon le niveau, choisis à partir du script du film. Ceci a permis un travail plus spécifique sur la langue et les différentes compétences.


Quels sont les effets positifs que tu notes chez tes élèves ?


Je crois que le moment où l’on permet au travail scolaire de sortir de la classe pour rencontrer la réalité culturelle est toujours une étape marquante dans le parcours de l’élève, voilà pourquoi je conçois le travail sur le cinéma essentiellement comme une collaboration en partenariat avec une salle qui propose la projection du film abordé en classe telle que celle que j’ai mise en place avec le cinéma Le Nouveau Latina de Paris.

Ceci-dit, je me rends compte que ce n’est pas toujours facile. Il faut alors se contenter d’un travail sur quelques séquences, selon la réglementation en vigueur. L’utilité de ce travail reste pour moi entière car nous avons devant nous un public de jeunes nés avec l’image. Habitués aux images certes, mais parfois aussi bombardés par des images pas toujours « digérées ». Je crois qu’une éducation à l’image est donc plus que jamais nécessaire et le travail sur le cinéma, en plus de l’apport linguistique et culturel, peut contribuer à la formation de ce regard critique.


Nous conseillerais-tu un site en lien avec le cinéma qui te semble utile pour les collègues ?


Un site je ne sais pas, à part celui de Cinélangues dont j’ai déjà longuement parlé : http://www.cinelangues.com/programmation/programmation-italien/college/

Je viens en revanche de découvrir un éditeur américain de New York qui offre une gamme très riche et intéressante d’ouvrages pour l’enseignement de l’italien, il propose notamment une collection de dossiers pédagogiques sur de nombreux films italiens. Les dossiers utilisent essentiellement les films comme base de progression linguistique, mais ils ne sont pas dépourvus de pages illustrant les différents points de civilisation. Il s’agit des Edizioni Farinelli
http://www.edizionifarinelli.com/ et plus particulièrement de la collection Italian film study http://www.edizionifarinelli.com/titles.php?category=I[...]

Vous pouvez écrire à l’éditeur de ma part, il est adorable.


Quel film récent conseillerais-tu aux collègues en vue d’un travail avec les élèves ?


Je viens de voir Terraferma, le dernier film d’Emanuele Crialese, qui sortira en France le 17 mars 2012. C’est un chef d’œuvre d’humanisme. Un travail somptueux sur l’image, pas au sens du virtuosisme creux ou des effets spéciaux, mais bien de l’image qui fait sens en soi. En outre le thème abordé, cher à Crialese, celui de l’immigration, s’inscrit parfaitement dans le programme de la classe de Terminale. Je conseille très vivement à tous les collègues de scruter les programmations des salles de cinéma dans les mois à venir, car c’est une belle occasion de proposer aux élèves une œuvre magnifique, saisie dans le courant de l’actualité, ce qui est toujours un plus dans l’activité scolaire.


Souhaites-tu ajouter autre chose ?


Je propose la création d’une banque de données sur le cinéma qui permettrait à tous les collègues qui travaillent sur un film de contribuer à son enrichissement. On pourrait y stocker, à la disposition de tous, les documents créés, ainsi qu’une fiche répertoriant pour chaque film étudié, les thèmes, les lieux, la période, les points de grammaire, etc...



Pour se tenir informés sur l’actualité européenne cinématographique :

http://www.cineuropa.org/2011/p.aspx?t=index&lang=it


Un calendrier de l’avent constitué de films. Du 8 décembre au 8 janvier, chaque jour un film. Sur une idée d’Antonietta di Lillo et de Marechiarofilm. À partir du 8 décembre, des clips réalisés par les lecteurs de La Repubblica  sur le thème de « Come sarà il tuo Natale »et, à partir du 25 décembre, le film participatif en  entier, téléchargeable gratuitement, réalisé par des metteurs en scène professionnels.

http://video.repubblica.it/spettacoli-e-cultura/il-pranzo[...]


Du matériel pour vous aider pour vos études de film avec les élèves :

Cinélangues met en ligne du matériel pédagogique (fiche d’analyse filmique, glossaire rédigés par Donatella Mendolicchio)

http://www.cinelangues.com/sans-rubrique/materiel-pedagogique/


Chez Edilingua

Quaderni di cinema italiano per stranieri sont des opuscules publiés che Edilingua. Ils présentent, pour différents films, des interviews, des liens Internet, des activités linguistiques en lien avec des scènes du film etc.

http://www.guerra-edizioni.com/books/index.cfm?node=0,1,11,106&pag=1


La collection Cinema Italia propose avec un thème central, deux films par livret.

http://www.edilingua.it/it-it/Prodotti.aspx?ElementID=4b7a[...]



Sur le site du Café

Par fjarraud , le mercredi 21 décembre 2011.

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