« L’ENT n’a pas qu’une vocation administrative, loin de là, c’est avant tout un incroyable levier pédagogique », c’est en ces termes que Martial Pinkowski, professeur d’EPS et IATICE de l’Académie de Versailles, nous a présenté le premier ENT dédié à l’Education Physique : PRO EPS !
Tout d’abord, comment cette idée a-t-elle vu le jour ?
La construction d’une brique disciplinaire spécifique à l’EPS est née d’une question simple posée il y a trois ans lors de la présentation des projets envisagés dans l’Académie de Versailles, et de manière beaucoup plus large sur l’ensemble du territoire : « qu’est-ce qu’un ENT en EPS ? ». A cette époque, tout était au stade de concepts et un grand nombre de choses étaient envisageables.
Nos préoccupations de terrain étaient autour de la manière dont nous pouvions relever des informations sur le terrain et comment les regrouper au regard des contraintes matérielles nombreuses liées à la multiplication des périphériques (PC portables, PDA, smartphones et tablettes), leur ergonomie et les contraintes de connexion. Nourris de nos expériences et compte-rendu autres, un « cloud » EPS a vu le jour, respectant le principe de l’accès à l’information individuelle et personnelle pour les élèves, ainsi que celle de la synthèse accessible à l’issue de séances d’observations permettant de se situer individuellement et aussi globalement.
Justement qu’est ce que regroupe PRO EPS ?
PRO-EPS regroupe un ensemble de service destinés à rendre compte en temps réel des réalisations des élèves, de leur valeur et des éléments pouvant aider à progresser. A ce jour, nous expérimentons de manière conséquente la mise à disposition des données de terrain sous forme de valeurs et/ou notes, notamment en donnant accès : à des informations sous forme de représentations graphiques et de tableaux consultables. Du coup, nous passons de la synthèse rapide, nécessaire en présence des élèves, à une démonstration plus approfondie basée sur l’analyse de ce qui a été relevé.
PRO-EPS, sur la partie Web, se compose d’une page d’accueil où l’élève retrouve toutes les activités auxquels il a participé et qui ont fait l’objet de relevés. A partir, de ce tableau de bord, il navigue d’items en items (mes temps, mes lancers, mes chronos,…), d’épreuves en épreuves ou de leçons en leçons afin d’évaluer la qualité de ses prestations. Il y a également un tableau de bord pour l’administrateur et les professeurs, qui va permettre de gérer l’import des bases de données, ainsi que la consultation et la gestion fine des données.
PRO-EPS, sur sa partie applicative, est lié à des applications fonctionnant sur tablettes numériques (Android et IOS) : grâce à ces nouveaux périphériques, les aller-retour « terrain-ENT » (rapatriement des données élèves sur les tablettes – mise en ligne des données prélevées sur le terrain) deviennent une réalité fonctionnelle en EPS. Pour le moment 7 applications différentes sont disponibles mais nous allons en ajouter prochainement notamment pour les sports collectifs.
Vous évoquez le fait qu’un espace numérique permet de travailler avec l’élève chez lui, de répondre à ces questions et ceci sans forcément être derrière son écran. Pouvez vous nous expliquer ?
A ce titre d’exemple, en relation avec des collègues de mathématiques, nous avons pu produire un devoir spécifiquement basé sur les statistiques relevées sur ATP Network (logiciel de gestion de tournois) : le cœur du devoir est centré sur les données personnelles de l’élèves, afin de rendre cette partie du programme plus concrète, de renforcer les stratégies de choix des élèves par un approfondissement théorique de leur pratique. C’est un bénéfice considérable pour la discipline. Les apprentissages deviennent concrets et réinvestissables. L’élève développe des compétences tirées de plusieurs champs disciplinaires et se construit des logiques difficilement évaluables dans d’autres circonstances.
Les premiers effets se font ressentir en cours lors des choix des adversaires et des stratégies utilisées pou gagner.
Le même groupe d’utilisation de données issue de l’EPS et servant de support à une autre discipline, a été mis en place avec le français. A partir des résultats de matches à thème et l’utilisation de iBingoMatch pour valider le nombre de « points consignes » réussi, les élèves doivent analyser leur pratique, utiliser les termes et le champ lexical approprié et argumenter leurs choix (programme français niveau 3ème).
Vous avez évoqué précédemment quelques démarches, pouvez vous justement nous proposer une illustration d’utilisation de PRO EPS avec vos élèves ?
Nous avons utilisé principalement 2 applications pouvant répondre au mieux à cette question : CHRONOPerf et EPS Running, toutes 2 sur tablettes.
CHRONOPerf c’est un gros chronomètre. Un chronomètre qui va permettre de prélever et de gérer les temps sur des activités aussi diverses que variées (athlétisme, natation, VTT, escalade,…), ainsi que de permettre de délivrer des résultats sous formes de vitesses et de notes. Pour les notes, un générateur de barème simple permet de donner une valeur en fonction de l’âge et du sexe, le tout paramétrable bien évidemment.
En terme de pratique, cet outil, pensé de manière simple, est accessible aux élèves de la même manière que nous leur proposons d’utiliser les chronomètres, ce qui permet de les laisser en autonomie sur des ateliers et d’obtenir des relevés très complets sans avoir à se poser de grosses questions d’organisation et de récupération des résultats. En ce qui concerne les temps de pratique, nous avons expérimenté sur 2 classes, 25 élèves en 5ème, sur 5 passages obligatoires dans l’activité 50m : la différence de temps disponible en fin de leçon entre les 2 était de 25’ et la classe utilisant le numérique pouvait attester du passage de tous les élèves, chacun ayant ses notes et son meilleur temps, ainsi que sa vitesse de course… Le numérique à ce niveau permet de transformer la séance d’EPS par l’apport d’un temps plus long permettant de se concentrer sur des objets d’enseignements plus complets (bilans, objectifs, récupération).
EPS Running est une application de gestion de la course longue… Activité au demeurant complexe à promouvoir. Le postulat de base est de replacer les élèves face à l’effort, de gérer l’hétérogénéité des capacités physiques et de permettre à chacun de mieux les connaître au travers de séquences de pratique où se croisent envie, motivation, qualités, capacités et progrès. C’est une application qui travaille sur les capacités et choix individuels et permet de différencier les charges de travail et les manières de travailler au travers de son paramétrage très fin mêlant performance, objectifs et connaissances de soi. Un large éventail qui laisse au professeur le choix d’une multitude d’approches et où chaque élève se retrouve, avec comme objectif commun à tous d’appréhender la consigne avec un maximum de volonté et de metre en avant sa capacité à faire des efforts.
Pour ces deux applications, une évaluation immédiate et un retour en ligne des résultats de la pratique permet à chaque élève de suivre et évaluer ses progrès, ainsi que d’adopter une démarche de choix pour accentuer les valeurs et sa réussite. La visualisation des résultats sous forme de graphiques ou de regroupements de donnée permet de traiter les informations différemment. L’élève, mais aussi l’enseignant, peut ainsi analyser son travail et envisager des perspectives pour la séance suivante.
Utiliser PRO EPS demande à être connecté. Comment ce service peut-il fonctionner sans la moindre connexion internet au sein de l’établissement ?
PRO-EPS c’est un aller-retour non contraint entre le terrain et la base de données. Mais c’est un concept qui ne nécessite absolument pas de connexion internet permanente. Toutes les applications liées à Pro-EPS sont autonomes. Les données transmises sont assez « légères » et la mise en ligne se fait la plupart du temps à postériori dès qu’une liaison à internet est possible. Le partage de connexion disponible sur les smartphones actuels permet par exemple de mettre à disposition les résultats d’une séance lors du retour du stade.
Pro-EPS est le service Web, la brique ENT de l’EPS. Ce n’est pas un espace de stockage de fichiers comme on a l’habitude de l’utiliser, mais bien un espace de stockage de données. Ces données sont tirées d’applications spécifiques pouvant se connecter à PRO-EPS. Le principe est le suivant :
- PRO-EPS contient la base de données des élèves de l’établissement, permet de créer en ligne les utilisateurs professeurs, et crée automatiquement à l’import, le compte de chaque élève. On le fait de chez soi ou dans l’établissement.
- A son installation sur une tablette ou un PC, une application fonctionnant avec PRO-EPS (voir le site www.pdagogie.com) demander à installer cette base à partir du serveur.
- Les applications fonctionnent déconnectées d’internet, prélèvent, traitent et stockent les informations et ceci sans limite de temps.
- A la demande de l’utilisateur, et en présence d’un point d’accès, il est possible de renvoyer les informations sur le serveur qui deviennent consultables par tout un chacun abonné à cet espace.
Ainsi, organiser un CROSS devient un jeu d’enfant, sans contrainte de temps ni de lieu. Mettre en place un tournoi ATP avec de multiples points de saisie (utilisation de la technologie wifi comme un lien entre les périphériques afin d’avoir sur chacun des informations à jour et en temps réel pour limiter les temps sans pratique à cause de la saisie) devient aisé. Organiser des sauts, des lancers, des courses se fait sur un même espace géré par les élèves. Toutes ces informations se regroupent et se partagent dans PRO-EPS où pour certaines elles se synthétisent en plus, donnant du poids à la réalisation dans un environnement plus global qu’est celui d’un établissement et l’ensemble de ses élèves.
Rendez vous dans le mensuel 145, pour la suite de l’entretien qui cette fois-ci abordera les différentes applications développée au sein de l’espace numérique de travail proposé par PRO EPS.
PRO EPS
http://www.pro-eps.fr
Pour compléter la rencontre voici quelques liens intéressant :
Ma tablette de prof d’EPS entre les mains des élèves
http://eps.ac-versailles.fr/spip.php?article599
Expérimentation d’EPS Running
http://eps.ac-versailles.fr/spip.php?article610
Le forum
http://www.pdagogie.com/forums/viewtopic.php?pid=474#p474
r ce que nous appelons une « épistémologie de l’action » par opposition à une « épistémologie des savoirs ». Effectivement, en cohérence avec cette vision, il me paraît plus pertinent de repenser les contenus de formation en termes « d’expériences motrices types » construites au cœur des interactions (c’est-à-dire, d’actions, de préoccupations, de sensations, d’émotions, etc. types), pouvant être considérées comme représentatives d’adaptations pertinentes à des catégories de situations, qu’en termes de « savoirs » supposés contrôler l’action. Il me parait également pertinent de penser la classe et les sous-groupes d’apprentissage en termes de « communautés d’apprentissage », ou de « communautés de pratique », c’est-à-dire construisant des normes, des valeurs et toute une micro-culture commune, autour de projets collectifs…, et pas seulement en termes de « formes de groupements » ajustés d’une leçon à l’autre en relation avec des critères de niveau de pratique, d’affinité, de mixité, etc.
Mais repenser des contenus de formation pour l’EPS sur la base d’une telle approche est un chantier immense, et personnellement je conçois cela dans une perspective plus lointaine que celle de la mise en œuvre des nouveaux concours. Cependant les réformes actuelles de la formation des enseignants et des concours offrent peut-être une conjoncture propice à la relance du débat sur la question des programmes et des contenus de l’EPS.