A la Une : La Revue « Prométhée » ou comment placer l’étudiant en STAPS au cœur des questions éducatives 

 

Par Antoine Maurice



Ce mois ci,  nous avons rencontré Marc Tabory, professeur agrégé d’EPS au département STAPS de Tarbes, Université de Pau et des Pays de l’Adour, pour nous présenter la revue Prométhée. Une expérimentation pédagogique qui place l’étudiant dans une démarche réflexive sur des thèmes d’actualités avec comme aboutissement, une publication au sein de cette revue électronique !


Tout d’abord, pouvez vous nous présenter la revue, pour ensuite nous expliquer l’origine de cette démarche ?


Ce projet est né en septembre 2007 en partant d’un constat partagé par les formateurs au sein de notre structure UFR STAPS de Tarbes : les étudiants lisent de moins en moins, il est difficile de les mener vers les rayonnages de la Bibliothèque Universitaire et le niveau d’écriture est peu flatteur pour une troisième année de Licence.

De plus, au sein de la filière Éducation & Motricité, nous avons de moins en moins d’étudiants qui se destinent au CAPEPS. Cette orientation professionnelle incitait précédemment les futurs candidats à se former aux procédures de l’écrit étant données les deux épreuves de sélection du premier tour de ce concours national. Mais aujourd’hui, les orientations au sein de notre structure sont diverses avec deux voies supplémentaires que sont les secteurs de l’École primaire et du Master. Ces étudiants devront, de toutes façons, savoir rédiger des documents courts autrement dit adopter, se plier, à une méthodologie visant à soutenir un argumentaire thématique. L’idée est donc de les initier « en douceur », en obtenant l’adhésion du plus grand nombre, par l’entremise d’une mise en projet collectif.


Les écrits proposés sont issus d’un travail en sous-groupe mené dans le cadre de l’Unité d’Enseignement de notre maquette de formation du STAPS de Tarbes. Seuls les étudiants de Licence 3, dont les productions répondent aux exigences de la formation, peuvent prétendre à une publication au sein de la revue Prométhée. Nous sommes bien conscients qu’il s’agit là en définitive d’une sorte de récompense du travail fourni.



A partir de cela, quels sont les objectifs de « Prométhée » ?


Nous avions formulé l’hypothèse que la baisse de motivation pour l’écrit venait peut être pour partie de notre focalisation sur les « mauvais » supports mobilisés dans le cadre de nos enseignements. A la vue des productions obtenues et proposées dans les colonnes de Prométhée, nous pensons effectivement qu’avec des procédures pédagogiques plus motivantes les étudiants reviennent à l’écrit. Nous les plaçons donc face à de nouveaux protocoles de formation. Nous gérons au plus près la charge de travail proposée en découpant le parcours de rédaction en sous-buts réalistes et réalisables pour l’étudiant. Le décalage optimal ainsi maintenu favorise un calcul d’engagement positif de la part du plus grand nombre. La parution, au final, d’un article signé de son nom au sein d’une revue électronique ne peut que favoriser une forte estime de soi. Nous nous efforçons bien entendu de valoriser cet objectif terminal tout au long de notre cycle de formation pour obtenir un apprentissage auto-régulé favorable aux acquisitions visées.


Nous tentons de nous inscrire dans une démarche de pédagogie active. Il s’agit, au travers de cette mise en projet, de :

-          favoriser un travail méthodologique de l’écriture autour de thématiques proposées et négociées ;

-          rendre les étudiants réellement acteurs de leur formation ;

-          permettre aux étudiants en troisième année de faire l’expérience de la rédaction collective ;

-          induire un nouveau comportement de lecteur.

Ces différentes formes de mise en projet favorisent un apprentissage auto régulé. Pour faire court, nous pouvons le décrire comme un perpétuel calcul effectué par l’apprenant quant à l’intérêt d’engager plus ou moins d’effort à réaliser une tâche en fonction des retombées positives espérées.


Justement, la revue Prométhée n°3 qui vient d’être mise en ligne, s’intitule  « Evaluations et Apprentissages » certains titres sont « assez  provocateurs », je pense notamment à l’article « l’évaluation entre futilités et utilités » ou bien « l’échec scolaire, une fatalité ? » Pouvez vous nous mettre l’eau à la bouche à travers quelques une de ces problématiques qui sont soulevées ?


A mon goût, l’évaluation est bien trop souvent considérée comme une notation. De là à dire qu’elle est couramment perçue comme une sanction il n’y a qu’un pas que je m’empresse de franchir.

Le thème abordé avec nos étudiants au sein de Prométhée pour ce semestre 2009 avait pour objectif pédagogique d’attirer leur attention sur les représentations liées à l’évaluation et qu’ils réfléchissent aux procédures de sa mise en oeuvre. Cette démarche collective devait les mener à analyser deux difficultés bien connues des enseignants en exercice :

-          L’évaluation peut-elle être placée au service des apprentissages et non pas seulement servir de miroir plus ou moins déformant des acquisitions supposées de nos élèves ? Je fais référence ici aux notions d’évaluation formatrice, d’auto ou co-évaluation ou encore de carte d’étude et base d’orientation. Autrement dit, l’outil évaluatif ne peut-il être placé entre les mains de l’élève pour qu’il analyse de lui-même les décalages entre ses attentes et ses résultats ? L’inciter à analyser les raisons de ses réussites ou ses échecs à l’aide d’outils construits par l’enseignant.

-          L’évaluation – notation est parasitée par ce que André Antibi nomme la « constante macabre » au sein du système scolaire français. Selon ce chercheur, il est difficile pour un enseignant, à cause de la pression des partenaires sociaux de l’école française, de noter l’ensemble de sa classe au-delà de 15/20 par exemple alors même qu’il estimera que ses élèves ont atteint les objectifs poursuivis. La constante macabre consiste en une répartition systématique des notes d’une classe en tiers : un grand ventre mou plus ou moins autour de la moyenne, un groupe de « bons » élèves et bien entendu les cancres.

Au-delà des réflexions menées, le travail des étudiants devait être appuyé sur des références scientifiques. Cette exigence permet aux lecteurs de Prométhée, certes de découvrir l’argumentaire du raisonnement, mais également de gagner du temps de lecture concernant les ouvrages qui ont servi d’appui aux articles de notre revue électronique.


Dernière question : L’université dans son acception la plus commune a pour objectif de transmettre un certain nombre de connaissances, et pourtant ici, vous dépassez la simple transmission pour proposer une démarche éducative expérimentale ! Peut on y voir ici une certaine identité disciplinaire ?


L’université devrait être le haut lieu de la réflexion et découverte mais également celui de la transmission du savoir. Alors pourquoi cette conception de mon rôle d’enseignant ? J’y vois là les réminiscences de mon métier d’enseignant d’EPS.


Prof. d’EPS 1 jours,

Prof. d’EPS toujours !


Il est vrai que ma formation à l’UER EPS de Rennes (les anciens UFR STAPS) où se trouvait dispensée une théorie universitaire de qualité, puis les occasions de mise en stage avant même d’intégrer la sphère professionnelle et enfin la représentation patiemment forgée de mon métier, être au plus proche des apprentissages et de la motivation de mes élèves, auront très certainement laissé des traces dans mes choix pédagogiques actuels.

Même si j’interviens aujourd’hui au sein de l’université, je concède avoir conservé mes habitudes d’antan d’enseignant d’EPS. J’oserais en tirer une fierté, parce qu’il faut admettre que mes collègues d’EPS sont confrontés au jour le jour à 2 grandes difficultés que je tente de faire miennes également à l’université :

-          ils doivent motiver ou soutenir la motivation d’élèves qui viennent parfois en reculant jusqu’au gymnase. Je vous prie de croire que certains de nos étudiants ne viennent pas nécessairement de gaieté de cœur dans certains cours non plus.

-          ils doivent transmettre du contenu alors même que certains élèves, et certains collègues d’ailleurs, considèrent notre discipline comme un lieu de pure détente et amusement. Pour ma part, je considère l’Éducation Physique et Sportive comme le lieu d’un apprentissage difficile, douloureux mais toujours associé au plaisir et ce n’est pas rien que d’y parvenir.


Je tente à ma façon d’explorer des procédures pédagogiques au sein de l’université qui peuvent également, à raison de nombreux efforts, procurer du plaisir, de la satisfaction du travail bien fait.


Le contenu de nos études nous y a poussé, et je pense que tout enseignant d’EPS en a gardé le goût, nous nous adaptons et, pour cela, recherchons sans cesse la procédure pédagogique la plus adéquate au contenu que nous voulons faire passer. En somme, l’enseignant d’EPS est un bricoleur pédagogique avisé parce qu’au fait des travaux en psychologie de l’apprentissage et en sciences de l’éducation.


Alors certains argueront que c’est parce que nous n’avons pas de copies à corriger que nous pouvons nous permettre d’accorder plus de temps, de réflexion aux procédures pédagogiques. Peut-être effectivement, mais alors toutes les disciplines devraient militer pour une diminution du contenu encyclopédique des programmes pour en revenir au cœur, à l’essentiel du contenu et s’assurer qu’il est effectivement acquis par l’élève. Je parle ici de la compétence et non seulement de la restitution de connaissances.


Abandonnons la frilosité d’un enseignement magistral pour tenter des expérimentations pédagogiques où le pouvoir est négocié avec les élèves pour que le savoir soit réellement construit dans le but d’être réinvesti dans des catégories de situations posant par la suite la même nature de problème. En somme visons la compétence et l’autonomie de nos élèves, des plus jeunes aux plus âgés. C’est ce que ce travail vise modestement avec nos étudiants du STAPS de Tarbes.


La revue Prométhée :

http://web.univ-pau.fr/ENSEIGNEMENT/STAPS/spip.php?rubrique34


Pour une vue plus détaillée de cette mise en œuvre pédagogique je vous invite à prendre connaissance de l’article [Freinet à l'université : un "atelier d'écriture" !] disponible en ligne sur le site de Philippe Meirieu :

http://www.meirieu.com/ECHANGES/echangesdepratiques.htm



Sur le site du Café
Par fjarraud , le lundi 15 juin 2009.

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