Presse et numérique 

 

A quand remonte la dernière fois où vous avez appris un événement important en lisant la presse ?

 

Par Blandine Raoul-Réa

 

Le développement de l’information numérique tous azimuts met en cause l’existence même de la presse. Quel avenir la presse papier dans ce monde de l’information numérique instantanée ? Comment faire évoluer la presse ? Le Rapport Tessier fait le point et tente de donner des pistes pour que la presse française ne reste pas à l’écart de cette (r)évolution et sache monter les marches…

 

 

La presse au défi du numérique

  

Quelles transformations de la presse au regard du développement du numérique ? Il serait peu satisfaisant de se contenter de regarder du côté des chiffres de diffusion et des nouveaux modes de consommation de l’information pour envisager les transformations qu’elle doit subir. Cette étude complète envisage -avec des comparaisons internationales- cette nécessaire transformation par l’économie, par les modes d’organisation, par les structures de presse et par les contenus accessibles au public. Les années 2005 et 2006 ont été en France des années charnières pour de multiples raisons : équipement des foyers, explosion du haut débit, diffusion de plus en plus large de la culture informatique, facilité de plus en plus grande d’utilisation des logiciels qui deviennent de plus en plus intuitifs.

En parallèle, le web s’organise. Il est répertorié de plus en plus efficacement par des moteurs de recherche de plus en plus performants. Il devient de plus en plus simple et rapide de se tenir informé voire d’être alerté (fil RSS, agrégateurs de contenus, alertes, spécialisation des portails d’information…). Ces améliorations permettent à un public de plus en plus important d’accéder à l’information, qui plus est à une information gratuite, continuellement mise à jour, aussi bien mondiale que très locale.

Du côté du public, au-delà d’un usage de plus en plus facilité, l’apparition de ce nouveau média capture des lecteurs à la presse en accaparant du temps de lecture… C’est un temps qui se partage entre fréquentation de la toile et du papier au risque d’être perdu pour la version papier. « d’après Médiamétrie, [L]e temps moyen passé sur Internet est d’environ 24h par mois, soit presque quatre fois plus qu’en 2002 –voir l’étude de Médiamétrie, L’audience de l’Internet en  France, octobre 2006. Accessible sur www.mediametrie.fr ». Urgence. Urgence, d’autant plus que ce modèle de l’accès à l’information se fait en parallèle avec le développement d’un modèle de gratuité comme le prouve le bon bilan de santé de la plupart des quotidiens gratuits.

 

Alors comment faire évoluer cette presse écrite ?

 

… c’est tout l’objet de ce rapport rédigé par Marc Tessier et Maxime Baffert (inspecteur des finances) pour le Ministre de la culture et de la communication en février 2007.

Face à ce changement culturel, la presse écrite ne peut rester à côté de cette évolution. Elle doit montrer à la fois que son contenu garantit une qualité qu’on ne trouve pas ou difficilement sur la toile et qu’elle permet « d’authentifier, de valider l’information ». Tel est le rôle positif qu’elle doit jouer par rapport au web. Le rapport propose la création d’une qualification de sites d’information par des labels. Ce serait garantir une qualité à l’information. Il s’agit de réfléchir à ce que peut être la spécificité du métier de journaliste à l’heure où tout le monde peut écrire, informer et diffuser de l’information. Le rôle de la presse réside alors non pas dans sa fonction d’information, mais dans la qualité de son traitement : hiérarchisation, explication, prise de recul. A travers le net, « la presse doit montrer qu’elle est capable de générer des contenus intéressants pour les consommateurs à travers la fourniture d’une information de qualité. « 

 

« La presse doit relever le défi du numérique pour que son modèle et sa déontologie éprouvée puissent survivre dans le nouvel univers » [page 9]

 

La création de ‘sites compagnons’ est indispensable et va demander des modifications tant dans les structures propres du journal, du magazine que financièrement. Ces sites ont pour objectif de « transposer, amplifier et consolider l’audience de l’organe de presse ». Acte nécessaire mais non suffisant. Ces sites doivent pour pouvoir exister sur la toile et exister économiquement, avoir une activité propre pour drainer de l’audience vers la presse écrite. Si le premier geste d’information du public se tourne vers le web c’est donc dans ce sens qu’il faut emprunter le chemin : du web vers le papier. Les habitudes et les attentes du public se sont trouvées modifiées. Un internaute attend un accès à de l’information sous divers supports (textes, images fixes et animées, sons : du multimédia). Il veut pouvoir répondre, s’exprimer, dire en même temps que lire. Il veut pouvoir agir, réagir et prendre une part active au débat. Il faudra donc aussi revoir le droit d’auteurs pour les contributeurs ainsi que les droits d’auteurs pour les journalistes dont les ‘papiers’ sont multidiffusés.

 

Les lecteurs ont besoin de se retrouver à travers leur périodique en communauté. Le ‘site compagnon’  est une marque, une enseigne, sous laquelle les lecteurs aiment à partager leurs points de vue (voire leur passion pour la presse magazine). Pour évoluer de nombreux éditeurs tentent de « transférer la proximité de la presse avec ses lecteurs du papier vers le numérique en leur proposant en ligne non seulement des contenus proches de ce qu’ils peuvent trouver dans leur titre de presse mais aussi de nouveaux contenus voire des services et des activités entièrement nouveaux. Ainsi, la marque permet de véhiculer des contenus tout en apportant une caution et un attrait ».  En tout état de cause, il le site ne peut pas être le reflet de la version papier. Il doit apporter autre chose, un complément soit en quantité d’information, soit en utilisant des médias différents pour compléter le papier. Un site de presse doit proposer à ses lecteurs des services nouveaux.

Pour être rentable, certains sites de presse ont associé une activité e-commerciale (surtout pour la presse magazine). Le modèle de la gratuité que véhicule la toile ne permet pas de proposer facilement une information payante. Cette option doit être délicatement envisagée.

 

Si la baisse régulière de la diffusion de la presse est alarmante, si les revenus de la publicité restent stagnants, le rapport met en évidence des perspectives pour que les entreprises de presse envisagent l’avenir sous le signe du numérique. Au-delà d’une analyse fine et intelligente de la situation, au-delà de recommandations la lecture de ce rapport permettra au professeur documentaliste de prendre connaissance d’un panorama de la presse qui en 2006 essaie de trouver ses marques dans l’univers du numérique. Les tâtonnements, les tentatives, les réussites sont autant d’exercices qui permettent de prendre place sur la toile. Pourquoi lire la presse ? Qu’apportent les journalistes à l’information qui circule sur la toile ? Cette période charnière avec ses questions d’abondance et de facilité d’accès liées au numérique et le modèle de la gratuité qu’impose le net est celle d’une redéfinition urgente de la qualité de l’information.

 

TESSIER, Marc, BAFFERT, Maxime. La Presse au défi du numérique : rapport au Ministre de la Culture et de la communication. 2006.

71 p.

Deux annexes

http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/rapports/tessier/rapport-fev2007.pdf

Sur le Web
Par raoul_rea , le vendredi 15 juin 2007.

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