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À la Une : Jean-Claude Ray, professeur documentaliste engagé dans la cité 

Jean-Claude est enseignant à Bron, au collège Théodore Monod, un établissement Rep né de la fusion des deux collèges Edouard Herriot et Pasteur. Jean-Claude récuse d’être « exceptionnel ». Pourtant, sa gentillesse et sa compétence font de ce CDI, le cœur de l’établissement. Un espace vivant, agréable, convivial dans lequel les collégiens semblent véritablement « chez eux », au milieu des livres. Car ce qui a sauvé le CDI et le collège, c'est la culture.

 

MR : Peux-tu nous expliquer ton parcours ?

 

JCR : J’ai commencé ma carrière comme instituteur et je me suis assez vite  spécialisé au sein de ce qu’on n’appelait pas encore des RASED. J’ai éprouvé le besoin de reprendre des études, en Sciences de l’Education et j’ai eu le bonheur de suivre les cours de Philippe Meirieu ! Après l’obtention de ma maîtrise, j’ai passé le tout nouveau CAPES de documentation. Au début, j’ai été nommé sur deux établissements à Bron et à Vaulx-en-Velin. Puis, j’ai obtenu un poste à Edouard Herriot, au cœur du quartier Bron-Parilly, coincé entre le périphérique -deux fois quatre voies- et l’autoroute urbaine Chambéry-Grenoble

 

MR : Tu es donc dans ce quartier depuis très longtemps. Quels changements as-tu  notés ?

 

JCR : Nous sommes passés d’un quartier avoisinant les 95% de logements sociaux à 70% environ. Nous avons décliné toutes les appellations successives des ZUP, ZEP, Zone sensible, REP…Il faut se remémorer cette immense barre aujourd’hui détruite sous laquelle passait une rue à double voie…ces voies de circulation du siècle dernier qui ont, non seulement défiguré des quartiers entiers mais aussi, installé des nuisances sonores durables. Nous en sentons les effets sur l’attention des élèves. Et encore, aujourd’hui, il y a les murs antibruit mais de plus en plus de circulation… !

 

Ce qui nous a sauvés, c’est la culture ! Nous sommes aujourd’hui au cœur du PTEAC, pôle d’éducation artistique et culturelle qui regroupe tous les établissements d’un même territoire. Il a complété le réseau pour la réussite scolaire. Il permet de travailler en équipe sur des projets et thématiques communes. Grâce à lui, nous pouvons aussi financer davantage de sorties artistiques et culturelles.

 

Nous avons su briser peu à peu l’homogénéisation par le bas et une forme de ghettoïsation qui s’installait dans les années 90. Ce dont je suis le plus fier, c’est le passeport culturel. Dès 1998, nous avons grâce à des liens très forts avec la municipalité, mis en place ce fameux passeport qui permet de voir trois spectacles au Centre Albert Camus, danse, concert, cirque, etc. Avec le cinéma les Alizés, classé arts et essais, la possibilité de découvrir trois films…hors temps scolaire.

 

MR : Pour la modique somme de… ? Combien de passeports délivres-tu ?

 

Quinze euros pour trois spectacles et trois films ! Nous sommes aidés financièrement par la mairie et par le foyer socio-éducatif. Nous avons eu jusqu’à une centaine de passeports. Cette année j’en ai fourni une trentaine pour 480 collégiens. Cela peut paraître peu mais la situation financière de nombreux élèves est vraiment difficile puis les structures ont moins joué le jeu.

D’autres part, le classement de l’établissement en zone prioritaire nous apporte malgré tout des marges de manœuvres au niveau des financements. D’autre part, les liens avec nos partenaires sont très forts : nous allons régulièrement voir des spectacles au centre culturel, et le danseur chorégraphe Mourad Merzouki et sa compagnie Käfig a œuvré constamment depuis de nombreuses années dans des ateliers de pratiques artistiques de danse hip hop. Maguy Marin a elle aussi travaillé avec nos élèves. J’organise également et propose aux collègues « collège au cinéma », ce qui nous permet de voir trois films appartenant au patrimoine cinématographique, gratuitement.

 

MR : Quels rapports avez-vous avec la toute nouvelle médiathèque ?

 

JCR : Très étroits ! Il faut dire que cet équipement culturel qui a fait polémique au sein de la municipalité, a été une aubaine pour le collège. Situé à deux pas, à l’entrée de ce quartier redynamisé, c’est un symbole fort. Nous bénéficions de la venue d’écrivains de littérature de jeunesse, et pas des moindres ! Pour te citer quelques exemples, nous avons rencontré le sinologue Pascal Vatinel, Xavier Laurent-Petit à plusieurs reprises, Michel Piquemal pour ses « philo-fables », Mano Gentil, Françoise Jay ou Brigitte Labé…

 

Généralement, ces écrivains sont accueillis au CDI avec les CM2 des écoles voisines pour la liaison avec la 6eme. J’ai souvent travaillé en collaboration avec Chantal Wiard, bibliothécaire spécialisée dans la littérature jeunesse,  qui organise magnifiquement les Journées de la Lecture. Il faut dire qu’en matière de lecture publique, la ville de Bron est à la pointe avec sa fête du Livre extrêmement riche, sa section jeunesse, ses invités prestigieux, ses thèmes variés…

 

Nous avons également investi le domaine de l’Histoire des Arts avec un fonds documentaire important. Tous les ans, on encourage les élèves à choisir 3 lieux sur 8 proposés pour une visite par groupe. Musée des Beaux Arts de Lyon, Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne, MAC de Lyon, musée de l’imprimerie….l’offre culturelle est variée dans la région.

 

MR : A quoi tient l’atmosphère plutôt paisible que l’on ressent dans ce collège pourtant classé comme difficile ? A la longévité des équipes, au travail avec les familles ?...

 

JCR : Au respect ! C’est vrai que nous sommes une équipe assez soudée et pour certains en poste depuis longtemps. C’est vrai aussi que nos élèves sont gentils pour la plupart. Personnellement, je leur expose les projets en début d’année sur le temps de la pause méridienne. Nous organisons aussi des rencontres avec les parents pour leur présenter projets  ainsi que pour les nouveaux, le réseau, le passeport culturel etc. Une classe accueille les primo-arrivants. Certains d’entre eux possèdent des talents incroyables ! …et couchent dans la rue…L’équipe éducative s’est régulièrement mobilisée pour eux. De plus, de nombreux clubs rencontrent un beau succès : club photos, atelier de yarnbobing ( !!!). Ce sont des graffiti avec des pièces tricotées !, club lecture et même ateliers philo de temps en temps, au CDI.

 

Je pense aussi que l’architecture a joué un grand rôle d’apaisement. La reconstruction a été menée dans la concertation de même que le choix du nom du collège : Théodore Monod, tout un symbole en soit déjà…Ce collège a dix ans, il n’est pas dégradé, les matériaux étaient de bonne qualité… Il a toujours fière allure et n’a pas à rougir face aux constructions nouvelles THPE (très haute performance énergétiques), répondant à des normes de plus en plus contraignantes, à juste titre .

 

MR : Je crois que tu as été tuteur pour de jeunes –ou moins jeunes – collègues ?  quels enseignements as-tu tirés de ces expériences ?

 

JCR : Les personnes que j’ai accueillies ont eu un champ d’expérimentation, soit pour la mise en place de projet, pour la pratique du métier qui ne s’apprend qu’en faisant, ou simplement pour vérifier un projet professionnel. Pour moi, cela a aussi été enrichissant sur le plan personnel, permettant entre autre de rompre l’isolement relatif du documentaliste. Cela m’a parfois aussi permis de renouveler mes pratiques pédagogiques… Cela a été aussi bénéfique pour les élèves : une équipe facilite toujours la réussite.

 

Propos recueillis par Mireille Roy



Sur le site du Café

Par fjarraud , le jeudi 18 décembre 2014.

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