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Un "terrain virtuel" 

 

Par Frédérique Yvetot

 

Depuis quelques années, les réseaux sociaux font peu à peu partie de la vie et du travail de beaucoup de journalistes. Ils y sont présents, l'utilisent, s'y informent, s'y manifestent... Le développement de ces réseaux, où l'information file plus vite que l'éclair, ne représente pas vraiment un danger pour le métier mais il a quand même quelques impacts sur le travail des journalistes.



"Les réseaux sociaux sont-ils compatibles avec le journalisme ?"

La 5ème édition des Assises Internationales du Journalisme et de l'Information a pris fin mi-novembre (les 8, 9 et 10 novembre 2011 à Poitiers). Cet événement, ouvert à tous, s'articulait autour de la question de la transparence. « Transparence ? Tout dire, tout savoir, tout révéler ? », transparence abordée au travers d'ateliers professionnels et de débats publics. Les compte-rendus des journées et vidéos des interventions sont en ligne sur le site Journalisme.com. A l'occasion de ces Assises, une émission hors série du Secret des sources (France Culture) a été enregistrée à Poitiers. Autour du micro, Pierre Haski (directeur de la publication de Rue89), Juliette Hollier (directrice adjointe de la rédaction à l'AFP), Mélissa Bounoua (journaliste au Plus du Nouvelobs), Jean-Marie Charon (sociologue et chercheur au CNRS) et enfin Sofiane Bel Haj (journaliste et bloggeur tunisien), ils ont débattu sur le thème des réseaux sociaux et de leur compatibilité avec le journalisme.

Nouvelles sources d'information

Les réseaux sociaux sont devenus un outil de veille pour les journalistes parce qu'ils permettent d'accéder à de nouvelles sources d'information et donnent de nouvelles pistes. Pendant les révolutions arabes, par exemple, les médias de certains pays étaient cadenassés et les journalistes sur place ne pouvaient pas faire leur travail. Les blogger ou utilisateurs des réseaux sociaux étaient alors devenus des sources pour les journalistes (infos, images, sons...). Ils n'ont pas remplacé les journalistes mais ont été un relai, un lien entre ce qui se passait et les médias. Dans des situations moins exceptionnelles, les réseaux sociaux permettent aux journalistes d'avoir des sources qu'il n'auraient pas pu avoir il y a quelques années, de se référer à des spécialistes de tous poils ou de travailler ensemble (experts, journalistes, internautes). Mais être présent sur les réseaux ne dispense pas d'aller sur le terrain. Au contraire il est toujours nécessaire aux journalistes de se déplacer, notamment pour recueillir tous les éléments qui les aideront ensuite à appréhender les informations issues des réseaux sociaux.

Méthode de recherche adaptée au nouveau terrain

Selon Jean-Marie Charon, sociologue et chercheur au CNRS, les méthodes de recherche des médias traditionnels sont bouleversées par ces réseaux car le journaliste change de terrain d'investigation. Il entre dans une logique de « terrain virtuel » et ses techniques professionnelles doivent évoluer. Pour utiliser les réseaux sociaux dans le cadre de son travail, le journaliste doit s'adapter à ce nouveau terrain avec ses sites et interlocuteurs particuliers, ses ressources pour trouver des interlocuteurs auxquels il ne pense pas spontanément, ses méthodes de vérification de l'information... C'est une autre façon de travailler, sur un terrain supplémentaire.

Tout le monde peut être journaliste ?

Les réseaux sociaux ne signent pas la fin du journalisme : chaque individu ne peut pas s'improviser journaliste et ne représente pas une menace. Mais on ne peut pas nier, par contre, que les réseaux sociaux ont mis fin au monopole de la parole des journalistes, parce que maintenant les internautes ont la possibilité de s'exprimer et de produire. Ils peuvent être des passeurs d'information, voilà ce qui a changé. Le journalisme a encore quelques jours/années devant lui et même si les individus sont interconnectés, ils ont encore besoin d'un média, d'un intermédiaire pour s'informer. Les citoyens de demain auront encore besoin de journalistes qui trouveront l'information pour eux, qui la vérifieront, la traiteront et la contextualiseront. Mais l'immédiateté, l'une des grandes puissances des réseaux sociaux, peut parfois jouer de mauvais tours. L'information arrive de plus en plus rapidement et elle n'est pas toujours facile à authentifier et vérifier. Alors oui, l'erreur existe sur les réseaux sociaux, mais elle est bien souvent aussitôt mise en doute, contredite par une nouvelle information et par l'intervention d'utilisateurs du réseau social. Car les réseaux permettent de se référer à plusieurs sources d'informations en même temps, les comparer... l'erreur est bien vite corrigée.

 

Sur Journalisme.com, les Assises du Journalisme (Poitiers)

http://www.journalisme.com

Sur France Culture, l'émission Le secret des sources

http://www.franceculture.fr[...]reseaux-sociaux-sont-ils-compatibles-avec-le-journalisme-2011-11-

 

Un cadre pour la participation des journalistes

La question d'être ou de ne pas être sur les réseaux ne se pose pas pour les médias. Ils sont devenus incontournables car ils représentent un nouveau moyen de communication et peuvent aussi permettre de donner une information de meilleure qualité à un plus grand nombre de lecteurs. De plus, par les réseaux, les médias peuvent démultiplier l'information, diffuser à grande échelle des articles de presse, des podcasts des radios et télévisions, etc...

Les directions s'en mêlent...

Alors, à chaque média de se donner des règles (ou non) pour encadrer l'activité de ses journalistes sur les réseaux sociaux, les accompagner dans l'utilisation de l'outil, les responsabiliser : comment je publie, comment je vérifie, qu'est-ce que j'ai le droit de dire, de faire, dois-je parler en mon nom ou en celui du journal que je représente, dois-je réserver la primeur d'une l'information au média auquel j'appartiens, est-ce que j'ai une validation interne, etc... Certains médias français s'y sont déjà lancés, ça a été le cas de France Télévisions avec sa charte des bonnes pratiques sur les réseaux sociaux ou plus récemment de l'AFP avec son guide de participation (qui cadre fortement l'activité des journalistes de l'AFP).

« Don't be stupid »

Que trouve-ton sur ces chartes/guides ? Respect de la loi (pas de commentaires à caractère injurieux, diffamatoires...), communication de manière réfléchie, citation des sources, vérification des informations, protection de la vie privée, distinction entre usages personnels et usages professionnels, conformité avec l'esprit du média auquel le journaliste est rattaché, cohérence avec les contenus du média... En définitive, il faut juste utiliser les réseaux sociaux en faisant preuve de bon sens, en suivant des règles de base comme dans la vraie vie. « Don't be stupid », comme le demande Alan Murray, l'éditeur du Wall Street Journal. Il ne faut pas tout croire et il faut toujours avoir à l'esprit que les réseaux sociaux nécessitent de choisir, sélectionner ses sources, se poser toujours les mêmes questions : d'où vient l'information, pourquoi elle est là, qui l'a postée, quelles sont ses idées, etc... Ceci est vrai que l'on soit ou non journaliste... c'est le travail que l'on fait tous les jours avec nos élèves.

Les chartes sont-elles vraiment nécessaires ?

Certains médias ont choisi de ne pas cadrer l'utilisation des réseaux sociaux par leurs journalistes. Sur Slate.fr, Johan Hufnagel explique qu'à trop vouloir cadrer la participation de ses journalistes sur les réseaux sociaux, les médias risquent de perdre ce que les réseaux sociaux peuvent leur apporter : la création de relations privilégiées entre les journalistes et leur nouveau lectorat, l'effacement des barrières entre eux et la confiance (qui fait souvent défaut aux médias auxquels on reproche les liens trop étroits avec le pouvoir économique ou politique). Avec Twitter, par exemple, les journalistes sont des êtres humains avec lesquels il est possible d'interagir. Être présent sur les réseaux sociaux pour les journalistes apporte une ouverture, une transparence. Les journalistes ne sont plus uniquement une signature en fin d'article ou des individus distants à la solde de leur employeur. Enfin les journalistes (et par extension les médias ?) deviennent accessibles à tout un chacun. Il est bien évident que les journalistes doivent rester crédibles et dignes de confiance s'ils veulent conserver leurs « followers », alors une charte est-elle vraiment nécessaire ?

 

Le Guide des bonnes pratiques aux réseaux sociaux de France Télévisions

http://plateautele.francetv.fr/com/2011/09/19[...]

Un Guide de participation des journalistes AFP aux réseaux sociaux

http://www.afp.com/newsletter/guide-participation-reseaux-sociaux.pdf

L'article : Pourquoi Slate.fr  n'a pas de charte pour Twitter et les réseaux sociaux

http://www.slate.fr/story/41413/slate-charte-twitter-reseaux-sociaux

 

 

Sur le site du Café
Par fyvetot , le lundi 21 novembre 2011.

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