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Rencontre... 

 

Par Frédérique Yvetot


 

En décembre 2010, le blog « Mes docs de doc » a retenu notre attention, au point que nous l'avons choisi pour nos coups de coeur du Guide du Web du café Pédagogique. Mais signaler le blog n'était pas suffisant... qui pouvait bien se cacher derrière ce blog si généreux ? Qu'est ce qui pouvait bien pousser cette documentaliste à nous faire part de ses réflexions, lectures ou expériences ? Ma curiosité a été la plus forte et Lise Bretons a gentiment répondu à nos questions. C'est une exploratrice, une prof-doc qui veut avancer, faire évoluer ses pratiques et qui croit aux super-pouvoirs de la mutualisation. Même si je l'étais déjà, elle m'a convaincue .



Une doc qui se creuse la tête

 

Café Pédagogique : Pourquoi avoir fait le choix de devenir documentaliste ?

Lise Bretons : J’ai découvert le cursus de documentation à l’université en licence d’Histoire. Une option « documentation » était proposée. Je ne voulais pas enseigner l’histoire-géographie ni faire de la recherche ; j’ai trouvé cette troisième voie bienvenue. J’ai tout de suite eu le coup de cœur pour la discipline. Elle m’a tellement plu que j’ai opté pour une Maîtrise en Sciences de l’information et de la documentation. J’ai préparé le CAPES en pensant obtenir un report pour faire de la recherche. Le report n’ayant pas été accepté, je suis partie en année de stage.

Finalement, cette orientation un peu au hasard s’est trouvée au croisement de deux centres d’intérêt importants pour moi : la pédagogie (j’aimais l’enseignement sans avoir de discipline privilégiée) et l’univers des bibliothèques.

 

Café Pédagogique : Quel a été votre parcours ?

Lise Bretons : J’ai enseigné dans trois types d’établissements très différents et très spécifiques. Un collège de banlieue parisienne assez difficile pendant quatre ans. Quatre ans ensuite dans un petit collège de campagne. Je suis depuis deux ans dans un collège moyen de centre ville. A chaque endroit il m’a fallu du temps pour percevoir l’identité de l’endroit et construire un projet. J’aime bien cette phase d’adaptation et de compréhension du lieu dans lequel on arrive.

 

Café Pédagogique : Pourquoi développer votre blog Mes docs de doc, quelles motivations, que voulez-vous impulser ?

Lise Bretons : J’ai conçu ce blog alors que j’étais dans une phase de grande réflexion sur le métier de professeur documentaliste et de son avenir. J’ai eu à un moment de ma carrière le sentiment de ne plus être utile, d’être trop axée sur la documentation papier alors que la société entière, et donc mes élèves, se tournait vers internet. Face à ce nouveau moyen de communication et d’accès à l’information que je ne maîtrisais pas, je me sentais déboussolée. J’ai commencé à chercher ce que les collègues de toutes disciplines faisaient de cet outil, comment ils l’intégraient à leur pédagogie. Petit à petit, prenant modèle sur les séances que je trouvais, j’ai renouvelé les miennes : j’ai commencé à travailler sur des blogs, avec netvibes… Et c’est dans le but de partager à mon tour mes expériences que j’ai créé « Mes docs de doc ». J’avais trouvé merveilleux l’esprit de mutualisation qui régnait sur internet et je voulais à mon tour y participer.

Mon but aujourd’hui c’est de susciter des idées en donnant des exemples de séances qui n’ont souvent rien d’extraordinaire mais qui ont toujours, je le crois, du sens. En quoi les nouveaux outils que nous utilisons peuvent-ils être des objets d’apprentissage ? En quoi les utiliser permet-il à nos élèves de dépasser le simple stade de l’information reçue pour entrer dans le savoir ? Ces questions guident toutes mes constructions de séances.

Enfin le blog m’oblige à mener un travail réflexif sur mes séances. Il me permet de faire des bilans, de comprendre ce que j’ai fait (parfois le sens n’apparaît qu’à ce moment-là !). Aujourd’hui, j’ai besoin d’écrire en fin de séquence pour avoir le sentiment qu’elle est bien terminée. Tant que je ne l’ai pas fait, les choses sont encore en suspens et à mes yeux, pas vraiment assimilées.

 

Café Pédagogique : Quelles sont les remarques que vous avez eues à propose de votre blog ? Des remarques des parents ? Des élèves ? Des collègues ?

Lise Bretons : J’évite de faire trop de publicité sur mon blog dans mon établissement. Je ne cherche pas à le cacher, mais je ne vois pas bien ce que ça apporterait d’en faire la promotion. Il arrive qu’il me soit utile pour montrer à un collègue un travail fait précédemment. Pour le reste…

Ce blog s’adresse surtout aux collègues documentalistes qui ont envie de créer de nouvelles séquences et qui cherchent des pistes. Il peut s’adresser aussi aux collègues d’autres disciplines qui auraient envie de mieux comprendre notre métier.

Les commentaires qu’on m’en a fait ont toujours été bons, ce qui plaît surtout, c’est l’aspect « facile à mettre en place » des séances. Mais c’est un blog sur lequel il y a très peu de commentaires comparé au nombre de visites.

 

Café Pédagogique : Vous utilisez des outils comme netvibes, jogTheWeb..., comment les utilisez-vous avec les élèves ?

Lise Bretons : J’aime bien utiliser de nouveaux outils, d’abord parce qu’ils sont pratiques. Aujourd’hui, il y a beaucoup de séances que je ne pourrais mener sans avoir à disposition un portail de sites, que ce soit netvibes ou un autre. Les élèves y sont habitués et c’est une évidence pour eux (et pour certains de mes collègues) que le portail est le prolongement naturel du CDI. C’est même un outil bien plus évident que la base de données qui me semble avoir moins de sens même si je l’aborde dans sa complémentarité avec le portail.

Pour moi, l’essentiel est la notion de document secondaire. Les élèves doivent comprendre (et le comprennent souvent très bien) qu’il s’agit d’un outil construit par leurs enseignants pour leur faciliter une situation de recherche. Cela leur donne des indications sur la fiabilité de l’information reçue. Je n’exclus pas pour autant la recherche libre, sur un moteur de recherche. Mais dans ce cas, ce ne sont pas les mêmes apprentissages que je vise. Et en fin de collège, j’aime faire construire un portail aux élèves, de façon à ce qu’ils en comprennent bien les enjeux liés à la sélection et à la mise à disposition de l’information. L’étape suivante serait de leur faire mettre en place un petit système de veille sur un sujet. Mais je n’en suis pas encore là…

Jog the web, c’est différent. Il permet des parcours guidés sur internet. Je l’utilise dans des activités qui ressemblent à celles fondées sur l’exploration d’un seul site: dans la sélection d’une information précise et sa reformulation. L’objectif est là directement la construction d’une connaissance. Cela ressemble aussi à de la prise de notes sur document photocopié.

 

Café Pédagogique : Vous travaillez aussi avec les cartes mentales ou les documents de collecte, quelle a été la réaction des élèves ? Et de vos collègues, enseignants de discipline ?

Lise Bretons : J’ai découvert la « puissance » des cartes mentales il y a trois ans maintenant. Je les utilise de plus en plus. Je les ai proposées comme outil de travail aux collègues de deux établissements différents. Dans les deux, la méthode a été adoptée par de nombreux collègues qui se la sont appropriée pour leurs cours. La carte a de nombreuses qualités, la première étant de d’obliger à une déstructuration de la phrase. En l’utilisant comme support à un exposé oral ou à un devoir rédigé, elle permet un vrai travail de reformulation de l’information.

C’est aussi un bon outil pour organiser sa prise de notes ; elle oblige à regrouper, donner des termes génériques, conceptualiser. Elle est pratique aussi pour une correction collective car en un coup d’œil on peut comparer plusieurs cartes sur un même sujet.

Les élèves aiment bien travailler par carte ; certains, souvent parmi les bons élèves y restent réfractaires. Mon but, à terme, est de leur apprendre cette méthode sur les petites classes puis en troisième de leur laisser le choix de l’utiliser ou pas. J’ai fait un petit test cette année en leur laissant le choix sur une recherche parce que justement ils râlaient de « faire encore des cartes ». Je les ai laissés libres d’organiser leurs idées comme bon leur semblaient. Une très importante majorité a finalement construit des cartes mentales !

J’ai découvert la notion de document de collecte plus récemment, en assistant à une conférence de Nicole Boubée. Cela m’a paru être l’outil que j’attendais pour donner plus de sens à l’activité de recherche sur internet. On légitime le copié-collé en le rendant obligatoire sur un document transitoire. Sa nature même est d’être retravaillé, un surligneur à la main, dans le but de construire un plan ou une carte mentale. On y garde trace des adresses des sites consultés et c’est donc aussi un appui à la sitographie. Depuis que j’ai découvert cet outil, je l’utilise dans des configurations multiples : parfois je le construis moi-même et les élèves doivent organiser leur prise de notes à partir de ce que leur ai distribué. Parfois nous demandons aux élèves d’établir un document de collecte à la maison, et en classe nous travaillons seulement l’organisation des idées…

Collègues et élèves ont très vite adopté cette méthode qui apporte de la clarté à des démarches empiriques qui restaient un peu inabouties. Les élèves sont contents de retrouver des pratiques dont ils sont familiers (lecture survol, sélection de copié-collé) et les collègues de mieux maîtriser cette étape de la recherche. J’espère que le fait de nous appuyer sur des pratiques numériques existantes donne plus de poids aux apprentissages et que nos élèves en garderont quelque souvenir lors de leurs recherches en autonomie !

 

Café Pédagogique : Comment impliquez-vous vos collègues enseignants de discipline dans les actions que vous menez ?

Lise Bretons : Je n’implique par forcément les collègues dans mes actions, j’essaie plutôt de répondre à leurs besoins. Beaucoup de collègues sont un peu perdus en matière de recherche, ils sentent que le résultat n’est pas à la hauteur de leurs attentes mais ne savent pas comment améliorer le travail. Beaucoup aussi n’ont pas de temps de se tenir au courant, ni des nouveaux outils utiles pour mettre des ressources à disposition, ni de l’actualité de la recherche en matière d’apprentissages info-documentaires… Ni même de l’actualité « médiatique », de la position des intellectuels, des journalistes sur notre société de l’information et des implications en matière d’enseignement. Mon rôle, c’est de discuter de ça, d’apporter de la matière, de proposer des innovations techniques, mais aussi pédagogiques, d’aider à mettre du sens. Je commence à travailler avec un collègue, qui en parle à un autre puis un autre… Au final mon problème devient plus que je ne peux plus être présente à toutes les séances programmées. Les collègues sont autonomes et réutilisent parfois seuls les méthodes vues ensemble.

 

Café Pédagogique : Vous avez testé les cartes mentales avec vos élèves, les documents de collecte... qu’allez-vous tester à l’avenir ?

Lise Bretons : Actuellement, je travaille sur l’oral. Cela ne vient pas de moi mais d’une demande des collègues par rapport aux épreuves d’Histoire de l’Art. Je dois approfondir le domaine, en particulier la méthode qui permet à un élève de troisième de s’auto-évaluer pour progresser à l’oral. Cela me mènera certainement vers des actions que je n’aurais pas envisagées sans cette demande.

 

Café Pédagogique : Quelques mots pour finir ?

Lise Bretons : Je suis convaincue que, par le partage, nous pouvons faire évoluer en profondeur nos pratiques professionnelles. Il est des friches que les chercheurs, à l’appui d’enquêtes scientifiques, nous montrent du doigt et que nous nous devons d’explorer. C’est le cas pour le document de collecte.

Des collègues qui ont expérimenté des séances de prise de notes sur document numérique m’ont récemment envoyé un compte rendu passionnant sur le sujet. Ils utilisaient des tableaux pour faire faire des copiés collés aux élèves ce qui permettait, entre autres, de comparer les données d’un site à l’autre. Cette démarche m’a beaucoup enthousiasmée et j’ai trouvé super qu’ils me renvoient le résultat de leur réflexion parce que, bien entendu, ça fait avancer la mienne plus vite.

Je ne peux donc qu’inciter ceux qui suivent mon blog à partager à leur tour leurs expériences pour qu’ensemble nous allions plus vite.

Et pour conclure, je dirais merci à tous ceux qui m’ont aidée à avancer. Qu’ils m’aient demandé de réfléchir à des séquences pour leurs élèves, qu’ils m’aient dépannée sur un logiciel, fait lire des textes qui m’ont ouvert les yeux, qu’ils aient critiqué mon travail… Merci à tous.



Le blog Mes docs de doc

http://mesdocsdedoc.over-blog.com

 

 

Sur le site du Café
Par fyvetot , le mercredi 20 avril 2011.

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