Le mensuel Imprimer  |  Télécharger nous suivre sur Twitter nous suivre sur Facebook

Décrochage : L'Ile-de-France lance son plan régional 

Par François Jarraud


Dans le prolongement des Assises régionales de septembre, la région Ile-de-France prépare un plan d'action contre le décrochage qui sera présenté le 25 ou le 26 avril à l'assemblée régionale. Le 18 avril, Henriette Zoughébi, vice-présidente du conseil régional en charge des lycées, invitait les élus locaux et la presse à constater comment on "raccroche" des jeunes au micro lycée de La Courneuve (93).


Le micro-lycée de La Courneuve est une petite structure qui accueille quarante jeunes divisés en 4 classes de première et terminale L et ES. Le micro-lycée tient tout entier dans quelques vieux baraquements prêtés par la ville de La Courneuve au milieu des bâtiments de briques d'une cité.


Grace, Jocelyne, Maryline et Alexandre


Si chaque parcours de décrocheur est unique, il y a aussi des points communs qui se répètent. L'aventure de Grace, une élève de 20 ans, fait écho à celle des autres. Lycéenne en L, Grace a commencé à sécher les cours et est tombé enceinte. Après l'accouchement, les lycées de son secteur n'ont pas voulu  d'elle car elle est "trop vieille". C'est ce qu'a connu Jocelyne, 23 ans et si reconnaissante au micro lycée que ses yeux s'embrument. Tombée malade est a quitté le système éducatif et n'a pu y revenir. Guillaume en STI s'est rendu compte qu'il était mal orienté te est tombé malade. A 19 ans il est lui aussi "trop vieux". Maryline, 26 ans, a quitté une terminale STT pour gagner sa vie et faire un enfant. Au bout de 5 ans elle a senti le besoin d'avoir un diplôme et de reprendre le chemin du lycée. Mais aucun lycée ne veut d'elle sauf le micro lycée. Aucun de ces élèves n'a cherché à entrer dans un lycée spécial. Tous au contraire ont tenté de regagner le système classique.  Celui ci les a souvent mal orientés et toujours refusé. "Vous montrez le mauvais exemple" a entendu une jeune fille enceinte...


Nathalie Broux, professeure de français et coordinatrice du micro-lycée, saisit l'occasion de la visite officielle pour demander des aides sociales pour les élèves. Des places de crèche sont nécessaires pour les jeunes filles qui ont des enfants. Des logements, un internat également pour des jeunes qui ont souvent décroché aussi de leur famille. Elle montre aussi que le travail d el'équipe de professeurs vise d'abord à redonner confiance et dignité à ces jeunes. "Je supporte mal d'être traité en inférieur ", souligne Guillaume, un élève du microlycée. "Ici les rapports avec les enseignants sont des rapports d'égalité. J'aime ça et ça m'aide à apprendre". Au micro lycée, chaque élève a un tuteur adulte avec qui il fait le point chaque semaine. Les taches d'entretien, le déjeuner sont faits en commun professeurs et élèves. Au final, le micro lycée est un vrai lycée avec des horaires et un examen au bout. Mais un lycée qui sait accueillir les jeunes avec bienveillance et les accompagner dans une socialisation. Dans ces petits locaux on entend rire les élèves en cours. On les voit se déplacer en silence et accueillir les visiteurs avec politesse.


Le programme régional


Le microlycée est une oasis au milieu d'un océan de 29 000 jeunes qui quittent le système éducatif sans qualification chaque année en Ile-de-France. La région a fait du décrochage sa "cause régionale" de 2012 et prépare un programme d'action pour le conseil des 25-26 avril. "On veut changer le regard sur le décrochage scolaire", annonce Henriette Zoughébi, vice-présidente de la région en charge des lycées. "On veut arrêter la culpabilisation des jeunes et des familles. On veut soutenir directement les jeunes". La région investit deux millions dans un programme qui ne peut marcher qu'avec le soutien des académies. "On veut ouvrir des microlycées dans chaque département", annonce H Zoughébi. La région n'en compte que 4 actuellement Passer à 16 suppose un accord avec les académies. La région veut aussi revoir la question de l'orientation. Dans l'académie de Créteil un tiers des élèves du professionnel n'obtiennent pas l'orientation de leur choix. La région veut "un droit à l'erreur" pour les jeunes. Elle demande le développement de passerelles lycée professionnel vers lycée général ce qui suppose là aussi une expérimentation dans une académie. Elle souhaite une autre expérimentation sur la liaison 3ème  - 2de.


Le Conseil régional prend ses responsabilités avec un programme d'action de 2 millions d'euros. Il prévoit le financement des locaux des micro lycées, la prise en charge de services scolaires à domicile pour certains décrocheurs et d'assistance maternelle pour d'autres. Une aide à l'orientation, des passerelles vers l'apprentissage sont aussi prévues. Le programme "réussite pour tous" soutient déjà 138 projets lycéens axés sur la lutte contre le décrochage. Stéphane Troussel, président du conseil général du 93, est prêt lui aussi à mettre des moyens pour faire le lien entre ses actions au niveau collège (par exemple l'accueil des collégiens exclus) et le lycée.


Secouer les préjugés


"Faire avancer les idées pour la scolarisation des décrocheurs, c'est vraiment une action pour le parti", nous a dit Yannick Trigance, conseiller national du PS pour l'éducation. Avec Guillaume Balas, conseiller régional francilien et auteur d'un livre sur le décrochage, ils s'engagent à porter l'idée de faciliter le retour dans les lycées des lycéens jugés trop vieux ou des lycéennes enceintes. Interrogé sur ces deux points qui engagent l'institution, Denis Waleckx, Dasen adjoint, estime que "la nécessité de donner une chance de formation initiale aux décrocheurs est encore une culture à construire dans les établissements". Ce qui est banal dans la plupart des pays développés   secoue encore les préjugés du système éducatif français.


François Jarraud


Assises régionales du décrochage

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/09/24092012Arti[...]



Foquale pour lutter contre le décrochage

« "C’est quoi un pays qui est incapable d’assurer à un quart de sa jeunesse un avenir décent ? Si on laisse 150 000 jeunes dans cette situation, que va-t-il advenir de notre pays ?" En décembre dernier, Vincent Peillon présentait son plan contre le dérochage. Il se traduit dans une circulaire publiée au B.O. du 4 avril. «  En 2012, 9 500 jeunes accompagnés dans le cadre de ce dispositif ont bénéficié d'un retour en formation. Ce résultat montre que l'Éducation nationale dispose d'ores et déjà dans les académies de solutions proposées à ces jeunes », affirme le texte. Il annonce un nouveau dispositif : les réseaux « Formation Qualification Emploi » (FOQUALE).


« Ces réseaux rassemblent, dans le périmètre d'action d'une plateforme de suivi et d'appui aux décrocheurs, les établissements et dispositifs relevant de l'Éducation nationale et susceptibles d'accueillir les jeunes décrocheurs… Les réseaux FOQUALE doivent développer des mesures de remédiation au sein de l'Éducation nationale et en renforcer la lisibilité. Ils permettent de recenser toutes les solutions existantes et favorisent la mutualisation d'expériences réussies… La mission générale d'insertion change de dénomination et participe à l'animation de ces nouveaux réseaux. Elle s'intitule désormais « mission de lutte contre le décrochage scolaire » (MLDS).


Des référents dans les établissements


Dès la rentrée 2013, des référents « décrochage scolaire » sont nommés dans les établissements du second degré à fort taux d'absentéisme et de décrochage. « Dès les premiers signes annonciateurs d'un risque de décrochage, ils se mobilisent et coordonnent l'action de prévention menée par les équipes éducatives, dont les conseillers principaux d'éducation et les personnels sociaux et de santé, au sein des « groupes de prévention du décrochage scolaire » qui se substituent aux groupes d'aide à l'insertion (Gain). Ils ont également pour mission de faciliter le retour en formation initiale des jeunes pris en charge dans le cadre du réseau FOQUALE ».


La sécurisation des parcours


Ces actions contribuent à la « sécurisation des parcours de formation » en permettant aux jeunes, tout au long de leur cursus, de réintégrer la formation initiale quels que soient leur statut et leur niveau de formation. Après un contact personnalisé dans le cadre de la plateforme de suivi et d'appui aux décrocheurs, un bilan est réalisé par les conseillers d'orientation-psychologues et les personnels de la MLDS. Cet entretien permet d'évaluer les besoins du jeune, ses compétences et son niveau scolaire. À l'issue de cette première phase de positionnement, une solution de retour en formation lui est proposée, soit dans un établissement scolaire, notamment une structure innovante de type « micro-lycée », soit dans un CFA public ou une unité de formation par apprentissage… Le jeune est accompagné par un tuteur de l'Éducation nationale tout au long du parcours de formation »


Au B.O.

http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officie[...]

Conférence de décembre

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/12/05122012Art[...]



Lycée du temps choisi : La liberté comme remède au décrochage

Bertin NGounio est professeur d’économie et gestion depuis dix-huit ans auprès des élèves du lycée du temps choisi, un dispositif pour décrocheurs parisien.


Avenue des Gobelins, académie de Paris un dispositif pour décrocheurs qui passent le bac on croit rêver... c’est du raccrochage de haut de gamme?


Notre dispositif ambitionne de redonner le goût aux apprentissages, de faciliter l’épanouissement personnel et d’assurer une réinsertion scolaire et sociétale des élèves. Ce n’est pas un rêve mais une réalité. Nous n’avons aucune prétention au haut de gamme, sauf si l’on qualifie ainsi le fait de permettre à des jeunes d’être re-scolarisés alors que durant une longue période l’école n’a pas voulu d’eux ou qu’ils n’ont pas voulu d’elle (de son organisation et de son fonctionnement standard).

Ils ont la possibilité de préparer en un ou deux ans un Bac (L, ES, STG). Nous respectons les programmes officiels. Nous adaptons le rythme des cours. Pour une même discipline, ils sont dispensés par blocs de 2 ou 4 heures. Ce choix offre un emploi du temps étudié pour laisser à chaque élève des plages de liberté.


Juste un bref historique du Lycée du Temps Choisi de ses origines à nos jours...


Les dates clés sont : 1994 – rédaction du projet et dépôt du projet. Rentrée 1995/1996 : premier contingent d’élèves dans les locaux du lycée Charles de Gaulle. 1997 – implantation du LDTC dans l’enceint du lycée Jean Lurçat. Depuis la rentrée 2008/2009 – nouvelle équipe de coordination.


Vous faites en ce moment des recherches doctorales sur le concept de temps choisi dans l’enseignement scolaire. Quels sont les axes de votre thèse ?


Mon hypothèse est la suivante : ce n’est pas ce qui est enseigné qui permet à un élève de se réconcilier avec l’école mais le contexte institutionnel dans lequel il est placé lors cette réconciliation. Je vais étudier un paradoxe : comment se fait-il qu’un établissement cherchant à remédier au décrochage des jeunes s’appuie sur des temps et des espaces de liberté peu structurés, alors qu’a contrario le sens commun (la doxa) voudrait les confronter à des contraintes fortes pour les remettre dans le droit chemin des écoliers ?


En définitive, je n’aborderai pas la question de la pédagogie du raccrochage en termes de transmission de connaissances, mais pour chercher quels sont les facteurs qui en assurent la réussite. La thèse a pour ambition de démontrer que la remédiation scolaire n’est possible qu’à l’aune des aléas informels (implicites) du climat relationnel et du vivre ensemble.


Les élèves qui fréquentent le Lycée du temps choisi sont le plus souvent issus d’établissements publics ou privés des académies d’Île de France ... Témoignages ...


-J'étais en première ES dans un lycée classique. Auparavant, j'ai fréquenté des écoles privées. L'année dernière dans le lycée dans lequel j'étais, je commençais à étouffer. A cause de la même pression, j'avais redoublé ma seconde ainsi que ma troisième...donc je savais que je n’allais pas aller bien loin. Trop de pression me démotive.


- L’année dernière, j’étais dans un lycée classique. Deux ans plus tôt, j’étais au Lycée Intégral. J’avais fait quatre lycées. J’en suis donc à mon septième aujourd’hui, pas parce que je suis nul mais parce que l’ennui me fait partir. Il m’est arrivé de fréquenter deux lycées en trois semaines.


-Après ma quatrième, on voulait me mettre en BEP [...] mes parents ne voulaient pas. Ils m’ont mis dans une boîte à bac, j’y ai fait une seconde puis une première ES qui était trop difficile pour moi. On m’a conseillé une orientation en filière technologique. J’ai suivi une première STG dans un autre lycée ainsi qu’une terminale mais comme je n’ai pas travaillé, j’ai échoué au bac et ai fait une dépression de deux mois.


-Je repasse mon Bac en candidat libre parce que je l'ai loupé l'année dernière de peu. J’avais fait une seconde générale, une première et une terminale STT, en province et je suis arrivée à Paris pendant les vacances. Au total, j’ai redoublé deux classes, ma première et ma terminale.


Gilbert Longhi



Sur le site du Café


Par fjarraud , le jeudi 25 avril 2013.

Partenaires

Nos annonces