Lycée : Des indicateurs pour faire son choix ? 

Par François Jarraud



Le petit dernier vous le mettrez à St Joseph d'Oloron Sainte-Marie ? A Jean Moulin à Roubaix ? Ou au lycée Germain de Coutances ? Ou à St Joseph de Carpentras ? Ces établissements, qui vous sont probablement inconnus, sont les lycées les plus performants de France, selon que vous lisiez Le Monde ou Le Figaro. Mercredi 30 mars, les deux quotidiens affichaient "le palmarès des lycées" en se basant sur les indicateurs fournis par le ministère de l'éducation nationale.


"Il ne s'agit pas d'un palmarès", affirme pourtant Michel Quéré, directeur de la Division des études et de la prospective (DEPP), lors de la présentation des indicateurs. "Il s'agit de jouer avec une pluralité d'indicateurs" et "d'offrir aux familles des éléments de compréhension" de l'offre éducative locale. Le ministère publie trois indicateurs établis à partir des résultats des élèves à la session 2010 du baccalauréat. A côté du taux constaté de réussite au bac, un taux brut qui ne dit pas grand chose sur l'efficacité d'un établissement, la Depp propose la valeur ajoutée par l'établissement ainsi que le taux d'accès de la seconde et de la première au baccalauréat et la proportion de bacheliers parmi les sortants. " Ces indicateurs donnent des points de vue complémentaires sur les résultats des lycées. Ils proposent une appréciation relative de la valeur ajoutée de ces établissements, en tenant compte de leur offre de formation et des caractéristiques de leurs élèves en termes d’âge, d’origine sociale et de sexe", précise le ministère. Mais les familles oublient souvent les deux derniers, ne serait ce que parce que le taux de réussite au bac est une donnée facile à comprendre.


Ce que montre la consultation des indicateurs, c'est d'abord que chaque média dresse un classement et que chacun en fait un différent, bien qu'utilisant strictement les données ministérielles. C'est ensuite que les établissements les plus célèbres ont souvent une plus value nulle. C'est le cas par exemple de Louis le Grand ou d'Henri IV à Paris dont la vraie plus value est au-delà du bac. D'ailleurs sur les 130 lycées parisiens, seulement 49 apportent une plus value positive.


Finalement les indicateurs montrent surtout la permanence de pesanteurs sociologiques. Ainsi le taux de réussite au bac est de l'ordre de 80% pour les enfants d'ouvriers mais de 92% pour ceux des cadres. L'écart est fort aussi entre les genres (70% chez les filles, 60% pour les garçons). Le passé scolaire pèse encore plus lourd. Les candidats arrivés avec deux ans de retard ont un taux de réussite de 72% quand celui de ceux qui sont à l'heure est à   92% ! Les mêmes pesanteurs dessinent des cartes différentes pour le taux de réussite et le taux d'accès de la seconde et de la première au bac.


"On est peut-être à l'aube de la convergence des taux de réussite au bac" se félicitait M Quéré. Pour Jean-Michel Blanquer la progression du taux d'accès est un objectif prioritaire pour le gouvernement. En effet l'écart entre les différents bacs s'est réduit depuis 2008 du fait de la remontée des bacs professionnels depuis leur réforme. Mais le taux d'accès d'une génération au bac progresse très lentement et reste assez bas (65,5% d'une génération). Malgré la réussite scolaire de certains établissements, les écarts n'ont aps fini d'exister au sein du système éducatif national.


Liens :

http://www.education.gouv.fr/cid3014/indicateurs-de-resultat[...]

http://www.education.gouv.fr/pid23933/indicateurs-resultat[...]

http://media.education.gouv.fr/file/evaluations/78/6/Guide-[...]



A quoi servent les indicateurs des lycées ?


N'est-il pas temps d'étudier les effets de la publication de ces indicateurs sur le système éducatif ?


La publication des indicateurs "aide les familles à utiliser efficacement l'offre de formation locale" explique Michel Quéré, directeur de la Depp quand on l'interroge sur l'utilité de cette publication. "A créer une culture de l'évaluation", explique Jean-Michel Blanquer. Deux réponses que l'on pourra trouver en net décalage par rapport au phénomène médiatique qui accompagne la sortie des statistiques aussi bien sur le site ministériel que dans les médias. Et si on allait y voir de plus près ?


Comment les parents utilisent-ils les indicateurs ? En publiant ces données sur l'accès au bac, le ministère prend le risque de (ou souhaite ?) créer une véritable concurrence entre établissements. Est-ce ce qui se passe ? Les travaux récents d'Agnès Van Zanten (Choisir son école, Le lien social, Puf,2009, 284 p), montrent que les parents ont leur propre critère de choix. "Certes, les évolutions du marché du travail ainsi que les modalités d’orientation dans le système scolaire poussent beaucoup de parents à se soucier particulièrement de la capacité des établissements à améliorer le « niveau » de leurs enfants" nous déclarait Agnès Van zanten. "Pourtant les parents des classes moyennes ne font pas que des choix « instrumentaux ». Ils font aussi des choix « expressifs », c’est-à-dire orientés vers le bien-être, le bonheur et le développement global de leur enfant, en procédant à des appariements entre les exigences des établissements publics et le profil scolaire et psychologique de leurs enfants, mais surtout en ayant recours à des établissements privés". Il manque donc un indicateur qui serait lui aussi bien utile aux familles : l'indicateur de bien être au lycée. Quand on sait que la France est le pays de l'OCDE  où les élèves se sentent le plus mal  en classe, on ne peut qu'être attentif à cet aspect des choses.


Comment l'institution utilise-t-elle les indicateurs ? Après tout, à travers la "plus value", ils montrent les lycées où le rendement scolaire est faible et ceux qui sont méritants. Dans d'autres pays ces résultats se traduiraient par une sanction ou un soutien financier, voire par la menace de fermeture. "Avec les indicateurs, à l'échelle de l'école, de la circonscription, du département on dispose d'un outil de pilotage très poussé", nous a répondu Jean-Michel Blanquer. Ces indicateurs alimentent les contrats passés entre l'Etat et les académies puis entre celles-ci et les établissements. Oui mais comment ? Si l'on fixe des objectifs à tel ou tel proviseur, quels moyens les accompagnent ? Peut on vraiment parler d'un pilotage national ? Dans la situation actuelle où la réduction des moyens frappe même les établissements prioritaires, s'agit-il vraiment d'un pilotage ou d'une déclination locale du "débrouillez-vous" ? Il semble bien qu'aucune règle nationale n'accompagne l'exploitation de ces indicateurs.


Un objet inattendu. Finalement ces indicateurs semblent un objet embarrassant pour l'éducation nationale. D'ailleurs ils ne sont pas étendus au collège ou à l'école devant la forte résistance des acteurs de l'école. Dans cette situation paradoxale, il ne serait peut-être pas inutile de voir quels effets ils peuvent avoir sur les choix des parents , sur les équipes d'établissements, sur le pilotage des moyens. 

Agnès Van Zanten

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/2009/1[...]



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Par fjarraud , le dimanche 24 avril 2011.

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