Jacques Nimier : Trois questions à l'échec scolaire 

Quand on parle d’échec scolaire on peut, me semble-t-il, se poser 3 questions :

Echec de qui ?

Echec pourquoi ?

Echec comment ?


Echec de qui ?

Des parents ? Ils avaient peut être un projet pour leur enfant et ils s’aperçoivent que ce projet devient impossible en raison de ses résultats scolaires. Ils auraient aimé qu’il prenne la succession du père ou de la mère, ou qu’il fasse mieux ou encore qu’il ressemble au cousin ou à la cousine… et c’est impossible visiblement ; c’est l’échec de leur désir. Désir présent, parfois, dès avant la naissance de l’enfant. Quant au désir de l’enfant… il est peut être bien incertain, bien contradictoire ; autrement dit il y a peut être un « conflit de désirs ». Ce qu’on appelle échec scolaire n’est-il que le signe de ce conflit ?


De l’enseignant ? Il aimerait, bien sûr, que tous ses élèves réussissent ; d’abord parce que c’est ce qu’on lui demande : les parents, la société, son chef d’établissement. Mais aussi parce que la réussite d’un élève est la confirmation pour l’enseignant qu’il est un « bon prof » et c’est légitimement agréable. Mais les choses ne sont pas toujours aussi simples ; le président de jury de bac que j’ai été a constaté que, parfois, le désir de la réussite des élèves n’est pas aussi évident qu’on pourrait le penser. Du reste, comment souhaiter la réussite d’un élève qui durant toute l’année vous en a fait baver !   L’enseignant a peut être en lui, à côté du désir de réussite, un désir d’échec de cet élève : « c’est bien fait ! », « il n’a que ce qu’il méritait !» . L’échec est à lire comme la présence d’un conflit interne à l’enseignant. Bien sûr cela paraît « gros » ! …et pourtant parfois on peut y penser quand on voit certains élèves réussir avec certains profs et pas avec d’autres !


De l’élève ? Bien sûr c’est à lui qu’on pense en premier ! Ce pauvre élève dont tout le monde, parents, profs, société souhaitent le succès et qui se met en échec ! Car c’est évidemment lui qui se met en échec puisque tous veulent son succès ! Lui qui a bien du mal à savoir ce qu’il désire…faire plaisir à ses parents, à son prof  mais aussi se « préserver » de ces désirs si envahissants qu’ils l’étouffent et semblent parfois l’annihiler. Son échec n’est-il pas alors le signe de ce conflit entre des désirs contradictoires ?


Echec pourquoi ?

Un « échec scolaire » n’est pas « une panne de machine » qu’il suffirait de « réparer » pour la remettre en route. Il a une raison d’être. Il sert à quelque chose. C’est la solution (peut être pas la meilleure) qu’a trouvée un élève devant un conflit, une situation qu’il n’arrive pas à gérer.

Situation, conflit… qui ne nous paraissent pas évidents, vus de l’extérieur ; d’autant moins évidents que ce conflit ou cette situation n’existent pas forcément dans la réalité mais dans son imaginaire. Ce garçon de première dont tout le monde souhaite la réussite en maths a bien du mal à répondre à ces désirs dans la mesure où, pour lui, les maths entraînent les gens vers la folie ! (voir : Les maths comme mauvais objet : http://www.pedagopsy.eu/page23.htm ). On peut comprendre que pour lui l’échec est une protection qu’il est, peut-être, bien hasardeux de vouloir changer !


Echec comment ?

Là chacun à sa recette : l’échec, pour certains, est le résultat de processus génétiques, pour d’autres il est la conséquence d’un retard mental, pour d’autres encore il dépend plutôt de            questions de didactiques, de méthodes pédagogiques, de bases qui manquent ….

La réalité, le plus souvent, est multiple; plusieurs facteurs sont présents et interagissent entre eux et il est bien utopique de chercher à en isoler un.

Alors n’y a-t-il rien à faire ? Ce serait dommageable pour tout le monde !  L’échec scolaire est avant tout  « l’échec d’une personne » avec laquelle il est important de parler. Et parler de quoi ? Mais aussi bien de ce que son échec représente pour nous tout en l’aidant à dire comment elle, dans sa singularité, le vit. C’est en l’écoutant, en dialoguant avec elle qu’on lui permettra de dénouer ses difficultés qu’elles soient d’ordre pédagogique, didactique ou autres ; c’est par l’écoute qu’on pourra l’accompagner dans son cheminement et non en lui répétant une fois de plus ce qui, déjà, a été dit en classe et entendu sans succès.

On voit que l’attitude à l’égard de l’échec est à l’opposé de celle qu’on peut avoir dans une classe. Dans ce dernier cas il s’agit pour l’enseignant de parler pour « transmettre des connaissances » , dans l’autre il s’agit d’écouter pour accompagner la réflexion d’un sujet. Ce renversement d’attitude n’est pas évident pour un enseignant. Ce qui peut expliquer bien des échecs des organisations de « soutiens », d’ « accompagnement »…  Passer d’une classe de 35 élèves à un groupe de 5 ou 6 sans changer de méthodologie, le risque est grand que l’enseignant se contente de répéter avec un élève en difficulté ce qu’il a dit et expliqué déjà à toute la classe : cela  restera très probablement sans effet pour cet élève. On en resterait alors à de l’enseignement individuel et non à l’accompagnement personnel de l’élève.  Au contraire si l’enseignant écoute l’élève, dans le cheminement qu’il accomplit avec lui, il sera peut-être question de pédagogie, de didactique, de bases à revoir ou de représentations imaginaires qu’il faudra travailler avec leurs spécificités et par le chemin emprunté par l’élève et à son rythme. Mais mettre en place une aide de cette nature, c’est mettre en place également une sérieuse formation à l’écoute pour les  enseignants?

         

  Jacques NIMIER


 

Par fjarraud , le lundi 15 septembre 2008.

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