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La Rubrique Juridique : Déontologie et droits et obligations des fonctionnaires 

Le 21 avril dernier est parue au journal officiel la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires qui a pour ambition de moderniser les lois et règlements applicables aux fonctionnaires.
Rien de révolutionnaire, mais quelques évolutions qui méritent d'être soulignées.
C'est pourquoi, dans cette rubrique juridique 170, nous allons parcourir deux Titres essentiels de cette loi.



Titre Ier : De la déontologie

 

Chapitre Ier : De la déontologie et de la prévention des conflits d'intérêts

 

L'article 1er modifie ainsi l'article 25 la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :

« Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité.

Dans l'exercice de ses fonctions, il est tenu à l'obligation de neutralité.

Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s'abstient notamment de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses.

Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité.

Il appartient à tout chef de service de veiller au respect de ces principes dans les services placés sous son autorité. Tout chef de service peut préciser, après avis des représentants du personnel, les principes déontologiques applicables aux agents placés sous son autorité, en les adaptant aux missions du service. »

Ce qui est, après tout, un simple rappel dans la loi de ce qui fait une fonction publique au service des citoyens qui contribuent, par l'impôt, à son fonctionnement.

 

L'article 2 rappelle ce qu'est un conflit d'intérêt :

« constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions. »

 

Puis il envisage cinq situations de conflits d'intérêts et cinq manières d'y remédier :

1° Lorsqu'il est placé dans une position hiérarchique, le fonctionnaire saisit son supérieur hiérarchique ; ce dernier, à la suite de la saisine ou de sa propre initiative, confie, le cas échéant, le traitement du dossier ou l'élaboration de la décision à une autre personne ;

2° Lorsqu'il a reçu une délégation de signature, le fonctionnaire s'abstient d'en user ;

3° Lorsqu'il appartient à une instance collégiale, le fonctionnaire s'abstient d'y siéger ou, le cas échéant, de délibérer ;

4° Lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles, le fonctionnaire est suppléé selon les règles propres à sa juridiction ;

5° Lorsqu'il exerce des compétences qui lui ont été dévolues en propre, le fonctionnaire est suppléé par tout délégataire, auquel il s'abstient d'adresser des instructions.

 

Dans les faits, deux de ces hypothèses sont applicables aux professeurs, celle qui consiste à saisir son supérieur hiérarchique dans l'hypothèse d'un tel conflit, et celle qui consiste à s'abstenir de siéger ou délibérer dans une instance collégiale (le conseil de discipline du p'tit neveu par exemple…).

 

L'article 4 instaure une garantie visant à protéger l'agent public, « lanceur d'alerte », qui, de bonne foi, relate ou témoigne de faits susceptibles d'être qualifiés de conflits d'intérêts dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

 

 

 

Chapitre II : Des cumuls d'activité

 

L'article 7 insère après l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 25 septies ainsi rédigé :


« Art. 25 septies

I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article.

Il est interdit au fonctionnaire :

1° De créer ou de reprendre une entreprise lorsque celle-ci donne lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à affiliation au régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, s'il occupe un emploi à temps complet et qu'il exerce ses fonctions à temps plein ;

2° De participer aux organes de direction de sociétés ou d'associations à but lucratif ;

3° De donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s'exerce au profit d'une personne publique ne relevant pas du secteur concurrentiel ;

4° De prendre ou de détenir, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance ;

5° De cumuler un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet. 

(…) »

 

Cet article signe donc la fin de la possibilité qu'avaient les personnels des trois fonctions publiques de se déclarer e tant qu'autoentrepreneur, ce dont on peut s'étonner en période de paupérisation croissante des fonctionnaires dont le point d'indice est, rappelons le, gelé depuis le 1er juillet 2010…

Mais, dans le même temps, il faut bien reconnaître qu'il devenait difficile d'expliquer au contribuable lambda que 45.000 fonctionnaires rémunérés avec ses impôts pouvaient cumuler un emploi dans la fonction publique et une activité d'autoentrepreneur…

Notons tout de même que cet article 6 maintient, sous réserve de déclaration, les deux dérogations existantes au principe de l'interdiction de cumul d'un emploi public permanent avec une autre activité publique ou privée :

- il est toujours possible aux lauréats d'un concours administratif ou aux personnes recrutées en qualité d'agent non titulaire de droit public de continuer à exercer leur activité privé pour une durée limitée.

- il est prévu de laisser la possibilité pour les agents de cumuler l'occupation d'un emploi permanent à temps incomplet ou non complet avec un autre emploi à temps incomplet ou non complet, dans la mesure où l'agent est employé à moins de 70 % d'un service à temps complet.

 

En outre, l'article 6 revoit les conditions du cumul d'un emploi à temps complet dont le service est accompli à temps partiel avec la création ou la reprise d'une entreprise. Ainsi, l'autorisation d'accomplir son service à temps partiel à cette fin n'est plus accordée de plein droit, mais sous réserve des nécessités du service et de l'autorisation préalable de la commission de déontologie de la fonction publique, pour une durée maximale de deux ans non renouvelable.

Par ailleurs, ce même article rappelle que l'obligation de se consacrer à son emploi public peut se concilier, que le fonctionnaire soit à temps complet ou non, avec l'exercice d'une ou de plusieurs activités accessoires, après autorisation de l'autorité dont relève l'agent.

Enfin, il rappelle que les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d'enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent continuer d'exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions.

 

Toujours sur le même sujet, l'article 8 précise que les fonctions de membre du conseil d'administration ou de membre du conseil de surveillance d'une coopérative, d'une union ou d'une fédération ouvrant droit aux indemnités mentionnées au deuxième alinéa du présent article ne constituent ni des activités professionnelles procurant des revenus au sens de l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, ni une activité privée lucrative au sens de l'article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

 

Enfin, l'article 9 conclu ce chapitre en précisant que les « cumulards » devront se conformer, sous peine de poursuites disciplinaires, aux dispositions de l'article 7 précité (article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de loi et que les fonctionnaires autorisés à accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise à la date d'entrée en vigueur de la présente loi peuvent continuer à accomplir ce service jusqu'au terme de leur période de temps partiel.

 

 

 

Titre II : De la modernisation des droits et des obligations des fonctionnaires

 

Chapitre Ier : Du renforcement de la protection fonctionnelle des agents et de leurs familles

 

L'article 20 modifie ainsi l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :

« Art. 11.-I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire.

II.- Lorsque le fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable au fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui.

III.- Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. Le fonctionnaire entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection. La collectivité publique est également tenue de protéger le fonctionnaire qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale.

IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.

V.- La protection peut être accordée, sur leur demande, au conjoint, au concubin, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité au fonctionnaire, à ses enfants et à ses ascendants directs pour les instances civiles ou pénales qu'ils engagent contre les auteurs d'atteintes volontaires à l'intégrité de la personne dont ils sont eux-mêmes victimes du fait des fonctions exercées par le fonctionnaire.

Elle peut également être accordée, à leur demande, au conjoint, au concubin ou au partenaire lié par un pacte civil de solidarité qui engage une instance civile ou pénale contre les auteurs d'atteintes volontaires à la vie du fonctionnaire du fait des fonctions exercées par celui-ci. En l'absence d'action engagée par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, la protection peut être accordée aux enfants ou, à défaut, aux ascendants directs du fonctionnaire qui engagent une telle action.

VI.- La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des faits mentionnés aux IV et V la restitution des sommes versées au fonctionnaire ou aux personnes mentionnées au V. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe, qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale.

VII.- Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions et les limites de la prise en charge par la collectivité publique, au titre de la protection, des frais exposés dans le cadre d'instances civiles ou pénales par le fonctionnaire ou les personnes mentionnées au V. »

 

C'est suffisamment clair pour se passer de commentaires.

Je rappelle tout de même que la faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions est la faute qui est censée révéler "l'homme avec ses faiblesses, ses passions et ses imprudences".

 

L'article 26 dispose que la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et que le dernier alinéa de ce même article est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :


« Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judicaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai. Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l'administration ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation.

Le magistrat ayant ordonné le contrôle judiciaire et le procureur de la République sont informés des mesures prises à l'égard du fonctionnaire. La commission administrative paritaire du corps ou cadre d'emplois d'origine du fonctionnaire est également tenue informée de ces mesures.

Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, affecté provisoirement ou détaché provisoirement dans un autre emploi peut subir une retenue, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée au deuxième alinéa. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille.

En cas de non-lieu, relaxe, acquittement ou mise hors de cause, l'autorité hiérarchique procède au rétablissement dans ses fonctions du fonctionnaire. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de la publicité du procès-verbal de rétablissement dans les fonctions. »
 

 


Chapitre II : De la mobilité

 

L'article 28 insère, après le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, un alinéa ainsi rédigé :

« Pour répondre aux besoins propres à l'organisation de la gestion des corps enseignants et des corps relevant de statuts spéciaux, les statuts particuliers ajoutent aux priorités mentionnées au quatrième alinéa de l'article 60 des priorités liées notamment à la situation personnelle des fonctionnaires justifiant du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie. »

 

L'article 29 créé un nouvel article 12 bis au sein du chapitre III relatif aux carrières de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée pour simplifier le régime des positions statutaires du fonctionnaire et le rendre commun aux trois versants de la fonction publique. 

Il dispose que le fonctionnaire ne peut être placé que dans une seule des positions statutaires suivantes : l'activité, le détachement, la disponibilité ou le congé parental.

 

 

 

Chapitre III : De la modernisation des garanties disciplinaires des agents

 

Article 36 insère, après le premier alinéa de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire. »

 

Cette loi aborde également deux chapitre que nous étudierons dans une prochaine rubrique juridique : l'amélioration de la situation des agents contractuels et l'amélioration du dialogue social dans la fonction publique.


Laurent Piau, juriste, est l'auteur de l'ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF

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Par fjarraud , le vendredi 20 mai 2016.

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