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La Rubrique juridique : Εἰς τὸ δόν 

Le référendum organisé en Grèce pour demander aux citoyens de se prononcer sur l’accord proposé par les créanciers du pays est-il conforme à la constitution du pays et aux règles internationales relatives à l'honnêteté du scrutin applicables lors de telles consultations ?


Telle est la question que les partisans du « Oui ! » ou du « Ach nein ! », nécessairement déçus après la proclamation des résultats, pourront poser à la Cour suprême Grecque… même si très franchement, nous pouvons douter de l’importance de la réponse considérant les enjeux.


Plus près de chez nous, l’association « Arrête ton char » (Langues et cultures de l'antiquité), a récemment saisi le Conseil d'Etat pour annulation du décret instaurant la réforme du collège.


Pour comprendre l’argumentaire juridique développé par cette association, rappelons que le Comité technique ministériel de l’Education nationale, auquel vous avez élu vos représentants lors des élections professionnelles de décembre 2014, est régit par les dispositions du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat et par l’arrêté du 8 avril 2011 portant création du comité technique ministériel et des comités techniques des services déconcentrés du ministère chargé de l'éducation nationale.


Dans son article 34 (Titre III - Attributions), ce décret du 15 février 2011 dispose :


« Les comités techniques sont consultés, dans les conditions et les limites précisées pour chaque catégorie de comité par les articles 35 et 36 sur les questions et projets de textes relatifs :


1° A l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ;


2° A la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ;


3° Aux règles statutaires et aux règles relatives à l'échelonnement indiciaire ;


4° Aux évolutions technologiques et de méthodes de travail des administrations, établissements ou services et à leur incidence sur les personnels ;


5° Aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire et de critères de répartition y afférents ;


6° A la formation et au développement des compétences et qualifications professionnelles ;


7° A l'insertion professionnelle ;


8° A l'égalité professionnelle, la parité et à la lutte contre toutes les discriminations ;


9° A l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, lorsqu'aucun comité d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail n'est placé auprès d'eux.


Le comité technique bénéficie du concours du comité d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence et peut le saisir de toute question. Il examine en outre les questions dont il est saisi par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail créé auprès de lui.


Les comités techniques sont également consultés sur la participation de l'Etat et de ses établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs personnels définie par le décret du 19 septembre 2007 susvisé.


Les incidences sur la gestion des emplois des principales décisions à caractère budgétaire font l'objet d'une information des comités techniques. »



Selon l’association, la mise en place des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) relèverait de « l'organisation » et du « fonctionnement » du collège (article 34, 1°, du décret), remettrait en cause les « méthodes de travail des administrations, établissements ou services » et aurait des « incidences » sur les personnels » (article 34, 4° du décret).


Et l’association d’en déduire que, sur le fondement de l‘article 34 du décret précité, le comité technique ministériel de l’Education nationale aurait dû être consulté sur la réforme du collège et que, en l’absence de cette consultation, le décret ,et la réforme qu’il instaure, doit être annulé pour vice de forme.


A l’évidence, la question juridique soulevée n’est pas sans intérêt.


D’une part parce que le CTM a été consulté sur la question des rythmes scolaires.


D’autre part parce que c’est sur un vice de procédure similaire que la première réforme du baccalauréat professionnelle en trois ans a été retoquée par le Conseil d’Etat en 2004.


Bien évidemment, du côté du ministère, l’avis n’est pas le même puisque l’on considère que les enseignements pratiques interdisciplinaires « ne touchent pas aux obligations de services des enseignants » et que, dès lors, le comité technique ministériel n’avait pas à être consulté.


Alors qui a raison … le Conseil d’Etat mis à part, bien entendu ?


Les lecteurs fidèles de la Rubrique juridique savent pertinemment que je ne peux être soupçonné de bienveillance coupable vis-à-vis du ministère de l’Education nationale.


Cependant, il me semble que c’est bien le raisonnement de ce dernier qui est le plus pertinent.


En effet, il apparaît que ce n’est pas « l'organisation et le fonctionnement des administrations, établissements ou services » qui est ici en cause mais l’organisation du service des personnels.


Par ailleurs, il apparait qu’il n’est pas question d’une « évolution […] des méthodes de travail des administrations, établissements ou services et [de] leur incidence sur les personnels » mais d’une évolution des pratiques et des méthodes de travail des équipes pédagogiques.


Ce qui ne nécessiterait pas la saisine du comité technique ministériel pour avis…


Il y a quelques jours, le Conseil d’Etat a rejeté la requête en référé introduite par l’association « Arrête ton char » au motif que le caractère d'urgence était insuffisamment caractérisé.


Il nous faudra donc encore attendre pour connaître l’avenir de la réforme du collège puisque ce rejet de la requête en référé n’est nullement un pré-jugement du fond du dossier mais bien une manière élégante pour la Haute juridiction administrative de renvoyer le problème… aux calendes Grecques.



1 Pour ce qu’il fallait

Périclès avait donné de l’argent au roi des Lacédémoniens afin qu’ils se retirent de l’Attique. Lorsque plus tard il donna sa parole pour cet argent-là face aux Athéniens, il ne voulut rien révéler et ajouta qu’il avait dépensé l’argent nécessaire pour ce qu’il fallait. 



Laurent Piau


Laurent Piau, juriste, est l'auteur de l'ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF

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Par fjarraud , le vendredi 22 mai 2015.

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